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Le 19 mars dernier, la Commission du Souvenir du Crif a proposé - dans le cadre de la préparation des commémorations du soulèvement du ghetto de Varsovie - une rencontre avec Jean-Charles Szurek, Directeur de recherches au CNRS, chercheur et historien membre de l'Ecole polonaise de la Shoah.
Il y a quelques semaines, devant l'EHESS, Jean-Charles Szurek se fait prendre à parti, parmi d'autres, par des représentants de groupes nationalistes polonais. Ces derniers lui reprochent d'avoir participé au colloque "La nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah" proposé par l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
"Les insultes et les propos antisémites ont fusé, reprennant des termes sans ambiguïté, comme "Kapos juifs" ou "sale Juif"." raconte Jean-Charles Szurek. "Ce qui les gène, ces nationalistes polonais, c'est qu'on ne raconte pas "leur" Shoah, selon "leur" narration !" reprend t-il.
Cet épisode grave, s'il a été immédiatement condamné par l'EHESS et vivement critiqué par le monde académique français, est apparu en Une des quotidiens polonais dès le lendemain matin, exposant les photos des chercheurs pris à parti à l'image d'une véritable chasse à l'Homme.
"La Pologne est un pays martyr qui a construit sa propre martyrologie" explique notre invité. "C'est un pays qui connait le syndrome de la 'nation innocente', le syndrome d'une nation qui n'a rien à se reprocher, qui s'est reconstruite sur l'idée de la résistance polonaise pendant la guerre, et seulement de la résistance" précise t-il.
"Et c'est vrai que la Pologne a résisté, il ne faut pas lui enlever cela ! Il s'agit même du pays qui a compté le plus de résistants pendant la guerre." reprend Jean-Charles Szurek.
Ces considérations mémorielles ont conduit certains chercheurs polonais à repenser le récit national lié à la Shoah et à créer la nouvelle Ecole polonaise de la Shoah.
L'an dernier, la Chambre basse du Parlement polonais avait adopté une loi sanctionnant l'emploi du terme "camps de la mort polonais". La loi précisait que des poursuites pourront être engagées contre quiconque "attribue à la nation ou à l'État polonais la responsabilité ou la co-responsabilité des crimes commis par le 3ème Reich allemand - ou tout autre crime contre l'humanité (…) ou crime de guerre". L'Union européenne, les Etats-Unis, et Israël s'étaient vivement opposés à une telle loi. L'opinion publique israélienne et la diaspora juive avaient été profondémment bléssées et plongées dans l'incompréhension. Le gouvernement polonais avait finalement fait marche arrière.
Pour Jean-Charles Szurek, le travail mémoriel de la Pologne sur la Shoah en est à ses prémices. Alors que l'Institut de la mémoire nationale en Pologne fouille autant qu'il le peut les travaux des historiens pour vérifier l'adéquation de leurs recherches avec l'histoire nationale polonaise, la nouvelle Ecole polonaise de la Shoah entend (r)établir la seule vérité qui vaille : la vérité historique.