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Publié le 15 Octobre 2020

Ça s'est passé aujourd'hui - 15 octobre 1894: l'arrestation d'Alfred Dreyfus

Il y a peut-être 1, 5, 10 ans ou encore un siècle tout juste, se produisait un événement marquant. Dans cette nouvelle rubrique intitulée « Ça s’est passé aujourd’hui », à l'image d'un éphéméride, le Crif revient sur quelques événements majeurs de l’Histoire date par date.

Par Marc Knobel, historien, Directeur des Études du Crif

 

Le 15 octobre 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est arrêté au ministère de la Guerre par le commandant Armand Mercier du Paty de Clam, désigné comme officier de police judiciaire. On l'accuse mensongèrement d'avoir dévoilé des secrets militaires à l'empire allemand.

Pour l’armée, Alfred Dreyfus est le coupable idéal car de confession israélite et alsacien d'origine. Dès lors, un orage imprévu bouleverse le bonheur de la famille Dreyfus. Celui qui avait vu l’Alsace frémir, celui qui avait vu la France vaincu (1870-1871), celui qui avait choisi de servir son pays (la France), allait pourtant être accusé de toutes les vilenies. Rarement plus ignominieux débordement d’injures, de calomnies, de mensonges, de lâches menaces ne s’abattirent sur un seul homme. Pourtant, toute sa vie, Alfred Dreyfus fut la loyauté même. Mais, tous les ennemis de la République, les félons et les mutins, allaient s’acharner contre lui.

Au plus haut niveau de l’Etat, des hommes politiques, des généraux, descendirent si bas dans le mensonge et le crime. Celles et ceux qui participèrent à la condamnation d’Alfred Dreyfus sachant qu'il était innocent se livrèrent aux pires bassesses, jusqu’aux années 1900. Ce que le journaliste autrichien Théodore Herzl traduit par ces quelques mots terrifiants : « Il a été établi qu’on pouvait refuser de rendre justice à un Juif pour l’unique raison qu’il était Juif. » (T. Herzl, Die Welt, 15 septembre 1899).

Car Théodor Herzl fut témoin de la parade de dégradation du capitaine Dreyfus, le 5 janvier 1895, dans la cour de l’École militaire de Paris. Il vit tout ce cérémonial grotesque et il entendit les hurlements d’une foule assoiffée de sang et de vengeance. Elle hurlait « Mort aux Juifs ». Il sentit cette blessure, cette meurtrissure, cette déchirure. Il écrivit alors : « Quand on voit un peuple si avancé, si hautement civilisé par ailleurs, prendre une telle voie, que pouvons-nous espérer d’autres peuples qui n’atteignent même pas le niveau de la France d’il y a cent ans ? »

Il faut néanmoins détourner nos yeux de ces lâches contempteurs de Dreyfus et les reporter vers ceux qui par leur courage et leur loyauté, luttèrent pour sa réhabilitation.

La route allait être longue, terrible, parsemée de difficultés.  

Comment pourrions-nous par exemple oublier l’engagement de ces intellectuels admirables qui jouèrent dans le combat pour l’innocence de Dreyfus un rôle considérable, par la force de leur voix et par leur talent d’écriture ? Rappelons-nous simplement de ces quelques mots prononcés, en février 1898, au milieu des clameurs hostiles, par l’immense Emile Zola. Zola répètent martèlent sa profession de foi :

« Dreyfus est innocent, je le jure. J’y engage ma vie, j’y engage mon honneur. A cette heure solennelle, devant ce tribunal qui représente la justice humaine, devant vous, messieurs les jurés, qui êtes l’émanation même de la nation, devant toute la France, devant le monde entier, je jure que Dreyfus est innocent. »

Alors, l’affaire Dreyfus ? Ce fut le choc moral de la justice contre l’injustice. Rarement tâche plus noble ne rencontra plus de difficultés que celle de la réhabilitation de l’officier injustement et illégalement condamné.

Finalement, le 12 juillet 1906, le capitaine Alfred Dreyfus est réhabilité par un arrêt de la Cour de Cassation. Le 22 juillet 1906, le commandant Alfred Dreyfus reçoit la Légion d’Honneur, à l’Ecole militaire. Dans une cour voisine, douze ans auparavant, lors de sa dégradation, le 5 janvier 1895, la foule haineuse hurlait : « Mort aux Juifs ! »

126 ans plus tard, « l'antisémitisme est toujours abominable. Il est plus insupportable encore dans le pays qui a été celui de l'affaire Dreyfus et de la rafle du Vel' d'Hiv (1). »

 

Note :

  • Ce que « phobie » veut dire, par Olivier Rolin, Le Monde des Livres, 13 janvier 2015 de Olivier Rolin.

A paraître en novembre 2020, Alain Pagès, Professeur émérite à la Sorbonne nouvelle, « L’Affaire Dreyfus, une histoire médiatique », numéro 61 de la collection des Études du Crif.

 

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