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Publié le 20 Janvier 2016

Bernard Cazeneuve : « Dans la République, la notion cardinale est le respect »

Le ministre de l’intérieur assure que l’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre a montré son utilité.

Entretien publié dans la Croix le 19 janvier 2016
 
Dans un entretien exclusif à La Croix, le ministre de l’intérieur assure que l’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre a montré son utilité et ne signifie pas l’abandon de l’État de droit.Bernard Cazeneuve promet par ailleurs une République intransigeante face à l’augmentation des actes antireligieux. Il adresse un message de confiance aux musulmans, rend hommage aux catholiques et souligne les racines chrétiennes de la France.
 
La France est-elle entrée en 2015 dans une époque nouvelle, irréversible, marquée par la menace terroriste ?
 
Rien n’est irréversible. Ce qui s’est passé en 2015 a plongé le pays dans des sentiments que nous avons tous vécus et qui portent un nom : le chagrin et la colère.
 
Mais aucun choc, aucun traumatisme ne peut détruire une société, dès lors qu’elle trouve en elle la force et la volonté de demeurer debout. Les Français ont démontré qu’ils avaient cette force en eux. Cela s’est vu le 11 janvier, où ils se sont rassemblés, venus de tous les horizons et de toutes les origines, contrairement à ce qui a pu être écrit, pour dire leur amour de la République.
 
La réaction collective au lendemain des attentats de novembre a confirmé cette unité face à l’épreuve. Le temps long de l’histoire, parfois, nous enseigne que la France n’a jamais été aussi forte d’elle-même, de ses valeurs, de ses principes que lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à des épreuves extrêmes.
 
Quel est le bilan de l’état d’urgence prévu pour durer jusqu’au 26 février ?
 
En deux mois, plus de 3 000 perquisitions ont été conduites, qui ont permis la saisie de 500 armes, dont 50 armes de guerre. Nous avons procédé à 400 interpellations, qui ont débouché sur 52 incarcérations.
 
On nous a parfois reproché de nous attaquer à des auteurs de délits de droit commun plutôt qu’aux terroristes. Mais la porosité entre une certaine forme de délinquance, les trafics, et le terrorisme est désormais établie, et l’état d’urgence a permis de lever ou de confirmer les doutes sur la nature de l’activité de certains réseaux. Il a montré son utilité...
 
Quel doit être le message de la République face aux risques de division de la société ?
 
La notion cardinale, c’est le respect. Dans les épreuves que nous traversons, la République doit incarner avec tranquillité et force cette notion. Le respect s’exprime par la laïcité, qui garantit la liberté de croire, ou de ne pas croire, et dès lors qu’on a fait le choix libre de sa religion, garantit aussi qu’on puisse la pratiquer librement.
 
L’État doit être intransigeant avec ce principe, il ne peut accepter aucun manquement. J’ai donné des instructions aux préfets pour qu’ils saisissent systématiquement la justice, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, en cas d’acte de haine contre des croyants ou de profanation de lieux de culte ou de sépultures. Cela vaut pour toutes les religions.
 
Pour la totalité de l’année 2015, nous constatons une diminution de 5 % des actes antisémites, qui restent cependant à un niveau élevé, avec 806 actes constatés. Au lendemain des attentats de janvier, les actes antimusulmans ont triplé et s’établissent à environ 400 pour l’année 2015.
 
Les lieux de culte et cimetières chrétiens, qui sont en France les plus nombreux, ne sont pas épargnés avec 810 atteintes, en hausse de 20 %. En tant que ministre des cultes, je ne peux accepter de tels actes. Ils doivent être sévèrement punis.
 
Certains imams tiennent des propos violents. Comment les contrer ?
 
Depuis début 2015, j’ai déjà décidé de 40 mesures d’expulsion à l’égard de prêcheurs de haine ou de pseudo-imams autoproclamés. L’état d’urgence a permis de procéder à 45 perquisitions dans des mosquées et divers lieux de cultes radicalisés, dont 10 ont été fermés.
 
Trois associations pseudo-cultuelles ont par ailleurs été dissoutes par le conseil des ministres. Cela n’avait jamais été fait auparavant. Ma détermination est totale, car je sais que l’immense majorité des musulmans souffrent du dévoiement de leur religion par une poignée d’individus qui tiennent des propos inacceptables.
 
Les responsables musulmans, pour leur part, prennent des positions très claires, comme en témoigne le « Manifeste citoyen des musulmans de France » du 29 novembre. Je rends hommage au travail remarquable du président du Conseil Français du Culte Musulman, Anouar Kbibech. Les musulmans de France doivent savoir que la République a vocation à prendre dans ses bras tous ses enfants. La contrepartie de cela, c’est l’ardeur que tout le monde doit mettre à défendre les valeurs de la République... Lire l'intégralité.