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Publié le 8 Septembre 2006

Roger Cukierman, Président du CRIF, revient sur le voyage que les membres du bureau exécutif du CRIF ont entrepris en Israël

Question : Une délégation du bureau exécutif du CRIF s’est rendue en Israël du dimanche 3 septembre au mercredi 6 septembre. Elle a rencontré de nombreux hommes politiques israéliens, des universitaires, diplomates français et israéliens, des journalistes israéliens et des correspondants de la presse française en Israël. Quel était l’objet de ce voyage ?


Réponse : Avec ce voyage, nous avons voulu exprimer la solidarité du bureau exécutif du CRIF parce que les circonstances sont exceptionnelles. Je rappellerai néanmoins que ce voyage était prévu depuis longtemps et qu’il est annuel. Nous avons voulu aussi non seulement nous informer de la situation actuelle, mais également informer nos interlocuteurs israéliens de toutes les actions que nous entreprenons auprès des dirigeants français, de tous les contacts de haut niveau que nous avons en France pour exposer notre point de vue et défendre Israël.
Question : Quel intérêt a suscité votre voyage et qu’avez-vous entendu ?
Réponse : Les israéliens étaient vraiment désireux de nous rencontrer. Nous avons rencontré le Président de l’Etat, Moshé Katsav ; le Premier ministre, Ehud Olmert ; Shimon Peres, Vice-premier ministre et ministre du développement régional ; Amir Peretz, ministre de la Défense ; Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères ; et Eli Ishaï ministre de l'Industrie et de l'Emploi. Les différents ministres ont exposé la situation. Ils nous ont dit qu’il était erroné de penser que cette guerre aurait été perdue par Israël, puisque le Hezbollah a été écarté du Sud Liban, qu’il est largement atteint et qu’aujourd’hui, le Hezbollah est remplacé par des soldats de l’armée libanaise et des militaires de différentes nationalités qui composent la FINUL. Ils ont remarqué et ajouté que les dirigeants arabes n’ont pas montré de sympathie particulière pour le Hezbollah et que cette guerre devrait permettre à l’avenir et si besoin est de corriger les erreurs qui ont été commises (lors de l’offensive israélienne). D’autre part, les responsables israéliens ont insisté sur le danger que représente l’Iran. Son régime est non seulement une menace pour Israël, mais aussi une menace sérieuse pour l’ensemble du monde libre. Les dirigeants israéliens nous ont expliqué qu’il fallait faire preuve d’une extrême fermeté à l’égard de ce pays. En politique intérieure, des membres du gouvernement se disent préoccupés par des restrictions budgétaires et rappellent que le nombre d’Israéliens qui vivent sous le seuil de pauvreté ne cesse d’augmenter. Enfin, nous avons eu aussi le sentiment que ce gouvernement pourrait se maintenir, malgré les attaques et critiques dont il fait l’objet parce que les différences d’approches sont telles entre les hommes politiques et les formations politiques en Israël qu’il est difficilement concevable en l’état qu’un gouvernement d’union nationale puisse se former.
Question : Les dirigeants ont-ils reconnu que des erreurs ont été commises lors de l’offensive ?
Réponse : On attend en Israël les résultats de la commission d’enquêtes qui se réunit en ce moment même et examine la situation. Mais il est vrai que des critiques fusent de partout.
Question : Comment les dirigeants israéliens perçoivent-ils les critiques qui s’expriment un peu partout ?
Réponse : Oui le gouvernement est très critiqué en Israël, mais à fortiori à l’étranger. A cela s’ajoute les différents scandales qui parsèment la vie politique en Israël. Malgré ce que je vous ai dit sur l’improbabilité qu’un gouvernement d’union nationale puisse se former, il est possible que le gouvernement d’Ehud Olmert ne puisse tenir parce que le Premier ministre fait l’objet d’enquêtes qui n’ont rien à voir avec ce conflit mais qui ternissent son image, et d’autres ministres aussi. L’accumulation de ces affaires a créé un trouble.
Question : Quel sentiment personnel éprouvez-vous à la suite de ce voyage ?
Réponse : Nous avons éprouvé une grande émotion lorsque nous avons rencontré le père d’un soldat qui est tombé au Liban, Emmanuel Moreno. La première visite que nous avons faite s’est déroulée à Haïfa, ville meurtrie pendant cette guerre. Nous avons assisté à la rentrée des classes dans un établissement scolaire. Un ancien élève de cet établissement est mort au front. Son père a fait un discours bouleversant en présence du frère jumeau de ce soldat qui était lui-même en uniforme. Ensuite, je vous ferai part de ma préoccupation : le gouvernement et l’armée sont critiqués en raison de la manière dont le conflit s’est déroulé. Autre sujet de préoccupation, l’Iran. On a vu en Israël combien il était difficile de vaincre le bras armé de l’Iran au Liban : le Hezbollah. A fortiori, l’Iran serait un ennemi redoutable en cas de conflit avec Israël.
Question : Qu’est ce que les dirigeants israéliens attendent du CRIF ?
Réponse : Ils sont très sensibles aux contacts multiples que nous entretenons auprès du Président de la République, du Premier ministre, du ministre des Affaires étrangères afin d’exposer notre point de vue et de défendre Israël. Ils disent aussi que les Juifs de France sont un modèle pour les Juifs du monde entier. Ils ont par ailleurs chaleureusement apprécié que nos coreligionnaires continuent de se rendre en Israël, malgré cette guerre.
Question : Qu’est ce que les dirigeants israéliens attendent de la France ?
Réponse : Ils ont été un peu perturbés lorsque la France a hésité à participer plus activement à la force multinationale alors qu’elle en était quasiment à l’origine. Mais le dialogue entre la France et Israël est un dialogue constant et plus amical qu’il y a quelques années. Les contacts téléphoniques sont nombreux et les israéliens comptent sur la France pour aider à la pacification de cette région.
Question : Durant ce voyage, avez-vous eu le sentiment qu’Israël est vulnérable ?
Réponse : Oui et déjà lors d’un précédent voyage, accompagné de trois parlementaires français (de l’UDF, de l’UMP et du PS), nous avons vu que Haïfa était une ville morte, les gens étaient cloîtrés chez eux. On a eu un exemple tangible de cette situation dramatique, lorsque des sirènes ont retenties, alors que nous nous trouvions à Haïfa avec Douste-Blazy, le ministre des Affaires étrangères. Nous nous sommes dirigés vers un abri et nous avons entendu le bruit de l’explosion lorsque des missiles du Hezbollah se sont abattus sur la ville. Il y a eu deux morts.
Question : Que vous ont dit les correspondants de la presse française ?
Réponse : Qu’ils essaient de faire leur travail. Ils nous ont affirmé que leurs rédactions tiennent à un équilibre de l’information. Seulement les images reçues du Liban sont plus percutantes que celles qui viennent d’Israël parce que les destructions physiques sont nombreuses et que l’on voit les victimes alors que, pour des raisons éthiques, les Israéliens n’exposent pas leurs victimes.
Question : Qu’est ce qui vous inquiète le plus ?
Réponse : Il y a une chose qui m’inquiète profondément c’est la menace iranienne qui me rappelle la seconde guerre mondiale. La « prose » du Président iranien est si véhémente et insultante qu’elle est identique aux propos que tenait Hitler dans Mein Kampf lorsqu’il menaçait les Juifs. Et puis, je m’étonne que les Nations tardent à prendre des sanctions contre l’Iran. Ces atermoiements me font penser à l’esprit qui prévalait en 1938. Je rappellerai cette citation ô combien exacte : « Pour que le mal triomphe, il suffit que les hommes de bien ne fassent rien » (Edmund Burke, philosophe irlandais).
Propos recueillis par Marc Knobel



Roger Cukierman, le président du CRIF et Moshé Katzav, le président de l'Etat d'Israël




2 La délégation du CRIF avec Gérard Araud, ambassadeur de France en Israël