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Publié le 23 Juin 2006

EXCLUSIF Charles Dreyfus, petit fils d’Alfred Dreyfus : « J’ai compris que mon grand père était quelqu’un de spécial, ayant eu un passé particulier. »

Question : Le 6 juillet 2006, de 15 heures à 19 heures, à l'Hôtel de Ville de Paris, le CRIF et la Mairie de Paris organisent un grand colloque sur le thème L'Affaire Dreyfus: histoire, mémoire, justice, raison d'Etat. Cet événement s'inscrit dans le cadre de la célébration du centenaire de la réhabilitation du capitaine Alfred Dreyfus. Que pensez-vous de la tenue de ce colloque ?


Réponse : Je suis heureux de la tenue de ce colloque. J’espère qu’un très large public viendra assister à cet événement.
Question : Quel souvenir gardez-vous de votre grand-père, Alfred Dreyfus ?
Réponse : Je n’avais que 8 ans quand mon grand-père est décédé en juillet 1935, alors que mon cousin (Jean-Louis Lévy) avait 8 ans de plus que moi. Je n’étais qu’un enfant. J’ai pourtant le souvenir d’un grand-père affectueux. Je me souviens aussi des derniers mois de sa vie, lorsqu’il était malade. Sa mort, je l’ai apprise par la presse, parce que je n’étais pas là à ce moment là. Ce fut un grand choc pour moi, car c’était le premier de mes proches qui disparaissait.
Question : Votre père, Pierre Dreyfus (fils d’Alfred et de Lucie Dreyfus), vous parlez-t-il de l’Affaire ?
Réponse : Oui bien sûr. C’est par lui que j’ai été mis au courant de cette affaire. J’ai compris que mon grand père était quelqu’un de spécial, ayant eu un passé particulier. Par la suite, mon père m’a parlé très fréquemment de lui. Je lui dois mes premières connaissances sur l’affaire Dreyfus. Malheureusement mon père est décédé très tôt et je n’ai pas tout su de son propre père. J’aurai aimé en discuter avec lui.
Question : Comment votre famille a-t-elle vécu l’Occupation ?
Réponse : Mon père s’était beaucoup occupé avant la guerre des réfugiés juifs allemands, qu’il recevait chez lui à Paris. Notre appartement a été un des premiers visités par les troupes allemandes lorsqu’elles ont occupées Paris. Nous avons quitté cet appartement avant leur arrivée et nous nous sommes installés à Marseille. Nous y avons vécu pendant deux ans. Nous avons eu la possibilité de partir aux Etats-Unis en mai 1942, grâce à un ami de mon père. J’ai poursuivi mes études là-bas et dès que j’ai eu 17 ans je me suis engagé dans les Forces Françaises Libres.
Question : Comment vos enfants voit l’Affaire ?
Réponse : Cela les intéresse beaucoup notamment les manifestations et commémorations qui ont eu lieu ces dernières années. Cela les intéresse, oui. Mon fils notamment est très intéressé par l’affaire. Mon fils organise une exposition sur l’affaire Dreyfus à la mairie d’Aurillac, dans le Cantal.
Question : C’est vous qui êtes le flambeau de cette famille ?
Réponse : Le flambeau pendant longtemps a été Simone Perl, l’aînée des petits-enfants d’Alfred Dreyfus. Mon cousin Jean-Louis et moi-même essayons de maintenir le contact. Il y a d’autres membres de la famille qui considèrent avoir un rôle à jouer pour maintenir ce souvenir.
Question : Que pensez-vous de la proposition de l’ancien ministre de la Culture, Jack Lang, de transférer le corps d’Alfred Dreyfus au Panthéon ?
Réponse : Je partage le point de vue de Jean-Louis. Je ne pense pas que mon grand-père aurait aimé reposé au Panthéon.
Que pensez-vous de l’antisémitisme des années 2000 ?
Réponse : Je pense que l’antisémitisme des années 2000 en France a un caractère assez différent de celui que l’on a connu dans les années 30 et pendant l’affaire. Il reste en France un antisémitisme traditionnel, qui est certainement moins violent que pendant ces années-là. D’autre part, je pense que l’antisémitisme que nous vivons aujourd’hui est une extension du conflit israélo-arabe. Nous avons en France, les deux plus grandes communautés juives et arabes d’Europe et cela donne lieu à un antagonisme entre ses deux communautés, antagonisme qui est très regrettable à mon avis.
Propos recueillis par Marc Knobel