- English
- Français
Le Crif : La question, très épineuse, des otages du Hamas est revenu fortement sur le devant de la scène (scène internationale et scène démocratique israélienne). Dès l’après 7 octobre, le cabinet de guerre israélien d’union nationale avait affiché un double objectif : démanteler les infrastructures militaires du Hamas et obtenir la libération des otages. Une partie des otages a été libérée mais 130 environ sont toujours détenus. La poursuite de la guerre est-elle conciliable avec l’objectif de libération des otages, certaines familles en doute fortement, l’état-major de Tsahal estimant pour sa part que c’est la pression militaire qui permettra la libération des otages ?
Patrick Klugman : Il est impossible de dire ce qui concourra à la libération des otages ; les deux théories qui s’affrontent en Israël étant toutes les deux légitimes. Il y a un paramètre surabondant qui est le précédent « Shalit », accord par lequel le gouvernement israélien, déjà dirigé par Benyamin Netanyahou, avait accepté de libérer plus de 1 000 prisonniers palestiniens, dont Yahia Sinwar, lequel a directement organisé les massacres du 7 octobre. Personne ne veut d’un accord qui porterait en germe de futurs assauts contre les civils israéliens. De mon point de vue, d’avocat français de familles d’otage, tout ce qui concoure à voir des Israéliens injustement capturés retrouver leur foyer est bon à prendre et doit être encouragé.
Le Crif : En France, côté gauche radicale, une partie des militants qui se disent « propalestiniens » ne veulent pas entendre parler des otages israéliens, certains arrachent même des affiches qui rappellent leur sort, La France Insoumise (LFI) parlent même de leur échange avec des « prisonniers politiques » détenus légalement en Israël ? Que vous inspire ces attitudes et ces mots ?
Patrick Klugman : Je ne supporte pas les obsédés de la symétrie artificielle. Un otage n’est pas un prisonnier. Un prisonnier n’est pas un otage. Un prisonnier est détenu en fonction d’un titre que l’on peut contester, dans un endroit qui est connu et où il peut être visité et avoir accès à l’aide juridique ou médicale dont il a besoin. Un otage à Gaza a beaucoup moins de droits qu’un animal mal traité en France. Pour autant, toutes les négociations qui ont été fructueuses depuis le 7 octobre (qui sont des processus politiques et non juridiques) se fondent sur une libération d’otages contre la remise en liberté de prisonniers, ce qui favorise la confusion entre des situations qui n’ont rien à voir.
Le Crif : Même s’il est impossible de savoir le terme des négociations en cours entre le gouvernement israélien et le Hamas (qui ont lieu en Égypte notamment), pensez-vous que cela pourra aboutir à relativement court terme ? Et que sait-on du nombre d’otages encore vivants ? Le Hamas aurait ajouté le mot « morts » au texte négocié qui évoquait l’échange d’otages « vivants » ; confirmez-vous cette hypothèse évoquée notamment par le New York Times ?
Patrick Klugman : Personne ne pense qu’il y a encore 130 otages vivants à Gaza. Les experts évoquent plus généralement entre 40 et 70 d’entre eux dont on peut espérer le retour. Cependant, les autorités israéliennes se sont toujours battues pour obtenir au même titre que la restitution des otages, celles des dépouilles auprès des familles. Tant qu’il restera ne serait-ce que l’espoir qu’il y ait un seul otage en vie, il faudra continuer de tout mettre en œuvre pour son retour parmi les siens.
D’un point de vue pragmatique, je pense cependant qu’un accord « sous haute pression militaire » est à attendre car les deux parties en ont cruellement besoin : les Palestiniens, qui subissent une situation extrêmement précaire et qui sont à bout de toutes leurs ressources, y compris militaires ; et les Israéliens, dont les familles d’otages pèsent de plus en plus sur l’opinion, rejointes parfois par les familles des soldats engagés.
Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet
- Les opinions exprimées dans les entretiens n'engagent que leurs auteurs -