Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali - Le retournement, par Emmanuel Carcassonne

14 June 2023 | 159 vue(s)
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Opinion

La 77ème cérémonie du Yizkor organisée par le FARBAND - Union des Sociétés Juives de France s'est déroulée dimanche 2 octobre 2022, à 11h30 au cimetière de Bagneux. 

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Le Retournement, par Manuel Carcassonne (*)

 

« Je ne sais pas précisément ce qu’est être juif, ce que ça me fait d’être juif » disait Georges Perec dans ses Récits d’Ellis Island. C’est un peu le même état d’esprit qui anime l’éditeur Manuel Carcassonne dans cet ouvrage qui se veut tout à la fois archéologie familiale, généalogie historique et fouille existentielle.

Carcassonne, c’est l’un de ces patronymes juifs qui fleurent bon le sud de la France, la Provence, le Comtat Venaissin, Carpentras, « secrète Jérusalem du Midi de la France » où, jadis on brûlait les Marranes, car la population chrétienne de la ville « restée cléricale et obstinément fidèle aux papes, ne pouvait pas souffrir de nous voir, du jour au lendemain, circuler librement hors de la Juiverie », et les Astruc, les Lunel, les Valabrègue. De nos jours, les choses ont bien changé et la population « se partage entre les militants du Rassemblement national, les immigrés placides dans les bars à chicha et les Juifs rapatriés d’Algérie qui se rendent à nouveau à la synagogue, l’une des plus anciennes d’Europe pour un culte d’où les miens ont disparu ».

Carcassonne, un patronyme dont on retrouve la trace en remontant à l’an 1320, c’est aussi le nom de la mère de celui qui fut, selon le bon mot, de Jacques Weiss, « à la fois juif et gouvernement », Isaac-Adolphe Crémieux, né à Nîmes, fils de David Crémieux et de Rachel Carcassonne. Le Ministre de la Justice épousa une Juive de Metz, Louise Amélie Silny, qui fit convertir ses enfants au christianisme, entraînant la démission de son mari du Consistoire. Ce Crémieux qui prit la défense des Chrétiens du Liban, et fit attribuer aux Juifs d’Algérie la nationalité française.

Le narrateur, Juif du pape, n’a pas choisi la facilité dans sa vie privée. Sa femme est une Libanaise, Nour. Une « Punk en Armani » qu’il a épousée sur une plage à Athènes, le jour même de Yom Kippour. Dès lors, son fils, Hadri, a reçu de l’eau, le jour de son baptême au couvent Saint Basile le Grand des Pères Choueirites. « Il est grec catholique melkite par sa mère, juif d’esprit pas son père, minorité schismatique persécutée d’un côté, minorité persécutée de l’autre ». Dès lors, c’est l’inquiétude : « Un jour, il faudra nous en parler, lui et moi, nous défier entre Jérusalem et Antioche ».

Partagé entre des identités et des civilisations multiples, le narrateur affirme : « Je prétends pourtant à mon statut spécial de « territoire non occupé » sauf que dans ce labyrinthe où j’habite, je fouille comme dans ces épiceries-drogueries-pharmacies du souk : on trouve de tout sous toutes les étiquettes ».

Les Juifs du monde et ceux du Liban, les Arabes, les Chrétiens, les Palestiniens, Israël, l’amour, la famille, un très beau roman dont on sort… tout retourné.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Grasset, janvier 2022, 320 pages, 20,90 €

 

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