Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - Les exportés, par Sonia Devillers

08 February 2023 | 113 vue(s)
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Opinion

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

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Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Les exportés, par Sonia Devillers (*) 

 

C’est un épisode invraisemblable et terrifiant de l’Histoire contemporaine que nous relate, dans son premier livre, la journaliste Sonia Devillers.

Si elle est née en France, Sonia Devillers est, du côté de sa famille maternelle, une Juive d’origine roumaine, et c’est précisément en Roumanie que se sont déroulés les événements horribles qu’elle nous rapporte. Parmi les siens, les Deleanu, les Spitzer, les Sanielevici, ou encore les Greenberg.

En plein cœur de l’Europe, des êtres humains, par milliers, ont fait l’objet d’un troc inhumain, d’un trafic véritablement honteux. Tels de vulgaires marchandises, des Juifs ont été évalués, monnayés et vendus à l’étranger.

C’est grâce aux archives des services secrets communistes roumains de l’époque que l’innommable a été révélé sur cette tragédie des « Exportés ». L’enquête menée par l’auteure l’a conduite à se rendre sur place, en Roumanie, pays situé, au moment des faits, derrière le Rideau de Fer. Son dictateur Nicolae Ceausescu n’hésitait alors pas à déclarer : « Les Juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d’exportation ».

Quand le Mur est tombé, le bloc communiste et ses polices secrètes ont été démantelés et, peu à peu, les archives se sont ouvertes. Un historien, Radu Ioanid, a procédé à une fouille minutieuse des livres de comptes, des bons de commandes et des inventaires. Ahurissant car tout de ce commerce à grande échelle de Juifs avait été intégralement consigné.

En 1940, le roi Carol II confie le pouvoir au maréchal Ion Antonescu, chef de la sinistre Garde de Fer qui se déchaînera, au fil des mois, contre les Juifs. Le 9 janvier 1941, la Une du journal Porunca Vremii est barré par ce titre : « Le Juif est un genre de scorpion : il n’aura de cesse de te dévorer, chrétien ! ». Et, peu après, la revue Cuvântul renchérissait en clamant : « La purification raciale du peuple roumain : une question de vie ou de mort ». La diabolisation des Juifs est en marche. C’est le temps des massacres et des pogroms.

1945. Après la Guerre, Antonescu est fusillé à Bucarest. Le parti communiste est désormais au pouvoir. Pour les Juifs, voici venu le temps des cochons. Oui, des porcs ! Car, ironie de l’Histoire, c’est contre des cochons et autres bestiaux que, par l’intermédiaire d’un certain Henry Jacober, marchand de céréales et importateur de bétail, que des Juifs pourront quitter la Roumanie pour des cieux plus cléments. « L’argent, tout l’argent des familles roumaines qui voulaient s’enfuir, les douze mille dollars que mes grands-parents mettraient une vie à rembourser, avait servi à acheter des porcs. Des bataillons de porcs, des élevages entiers de porcs. Attention, pas n’importe quels porcs, des porcs de compétition, plus précieux, plus productifs, plus rentables que ces citoyens qui quittaient le pays. Depuis la nuit des temps, ceux-là profitaient beaucoup et rapportaient peu : les Juifs ». Le deal était simple : « D’un côté, la Roumanie disposait d’un vaste contingent de citoyens juifs désireux de quitter le pays. De l’autre, elle devait faire venir du bétail étranger sur son territoire ».

Un exemple, parmi bien d’autres : « 4 mai 1965 sur la base d’un rapport d’avril 1960 :

Toutes les personnes autorisées à quitter définitivement le pays, ont quitté le pays. Ont été apportés en échange :

  • 10 vaches jersiaises (février 1960) ;
  • 30 porcs landraces (février 1960) ; 
  • 100 moutons corriedales (juin 1960) ; 
  • 17 vaches jersiaises (mai 1960) ; 
  • 2 taureaux zébus (avril 1962) ; 
  • 3 vaches frisonnes (mai 1960).

Sonia Devillers raconte : « Ma famille fut échangée en 1961. Mais le troc, Juifs contre cochons, débuté en Roumanie dès la fin des années 1950, soit la décennie qui suivit la Second Guerre mondiale, les lois raciales et la Shoah. Or voilà que les Juifs, race dite par les antisémites « inférieure et impure », servaient en Roumanie de monnaie d’échange contre le porc qui leur était interdit, et ce dans l’idée d’implanter dans le pays une race de porcs, jugée, elle, « supérieure et pure ». L’effet de miroir est édifiant ».

Quelques pages sont aussi consacrées à la façon barbare dont les Roumains, sous prétexte de modernité, abattirent des centaines de milliers de chevaux. Un massacre animal gigantesque, sous prétexte de rentabilité. Des Juifs, des cochons, des vaches et des chevaux. Un univers impitoyable. À lire en priorité !

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Flammarion, septembre 2022, 282 pages, 19 €

 

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