Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Blog du Crif - L’apparition d’un parti arabe dans le jeu politique israélien

01 April 2021 | 120 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Eté 2014. Pendant 1 mois et 18 jours, Israël a vécu au rythme des alertes et d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un an plus tard. Juillet 2015 : Que reste-t-il de ces jours d’angoisse ?

Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Chronique de Richard Prasquier pour Radio J, mardi 31 mars 2021

Mercredi dernier, avant le résultat du scrutin, j’avais envisagé l’idée a priori grotesque que Benjamin Netanyahou puisse dépendre du parti Ra'am pour constituer sa majorité législative. Il fallait d'abord pour cela que ce parti entre à la Knesset. C’est fait.

Avec quatre députés, son chef, un dentiste arabe, Mansour Abbas, est peut-être devenu le « faiseur de rois » de l’élection législative 2021. Car, s’il reçoit l’apport des 7 voix de Naftali Bennet, Bibi devra encore trouver deux voix pour parvenir au fatidique décompte de 61 députés. Il est possible que certains enfreignent la consigne partisane de non participation  à un gouvernement Netanyahu, mais la présence dans ce gouvernement d’un parti islamiste avec une majorité Likoud est tout à fait possible. Bien entendu l’opposition a entrepris également des négociations avec le Raam, mais l’attelage réalisé serait à peu près aussi disparate.

Sur quelles bases pourraient fonctionner ces improbables alliances ?

L’une est évidente, c’est celle des promesses sociales. Le Ra'am, c’est avant tout le parti des Bédouins du Negev. Il y a 200 000 bédouins en Israël, une population très conservatrice en croissance démographique  forte, mais dont la sédentarisation inéluctable pose ici comme ailleurs de grandes difficultés. Les questions de pauvreté, de criminalité, de sous éducation et d’habitation sont majeures et peuvent être l’objet d’avancées aussi bien de la part du Likoud que de ses adversaires.

Il y a  paradoxalement aussi des convergences entre les  ultra-orthodoxes  du Shas ou de Yahadut Hatorah et le Ra'am sur le soutien à l’éducation religieuse. Leur rejet de l’homosexualité est aussi violent. Enfin, n’oublions pas qu’ il y a dans l’armée israélienne probablement plus de bédouins que de haredim. Cependant si Raam partage avec les ultra orthodoxes le fait de ne pas être sioniste, l’antisionisme des Frères Musulmans qui ont un agenda politique est évidemment plus inquiétant que l’antisionisme des ultra-orthodoxes.  Israël est cependant un pays où quelques députés fréristes « soft » ne risquent pas d’entamer le consensus idéologique national. Bien sûr, le parti sioniste religieux, dans lequel il y a des racistes déplorables, ne veut pas voir d’arabes dans la coalition. Mais Benjamin Netanyahou, dont les commentaires envers la population arabe d’Israël ont été souvent dans le passé empreints de mépris, sait être pragmatique quand il le faut.

Les élections ont tourné autour de la personnalité de Bibi et les programmes sociaux ont pour la plupart des partis été  absents de la campagne. Pourtant chacun sait que les disparités socio-économiques en Israël sont considérables. Les bédouins représentent la partie la plus pauvre de la population et l’une des plus jeunes, ce qui en fait des vecteurs privilégiés de délinquance ou de radicalisation.

Le Ra'am (HaReshima HaAravit HaMe'uhedet) faisait partie de la liste arabe unifiée qui avait obtenu le score considérable de quinze députés lors des élections de mars 2020, mais qui était restée complètement inefficace. Mansour Abbas a fait le pari d’un rapprochement avec Benjamin Netanyahou parce que comme chef du gouvernement c’est lui qui avait le pouvoir de déplacer les priorités. A la surprise générale, il a gagné ce pari, alors que la liste arabe unifiée s’effondrait en n’obtenant que six sièges. Ce qui veut dire que dans la population arabe les considérations socio-économiques deviennent de plus en plus importantes par rapport aux idéologies politiques. Les accords entre Israël et différents Etats musulmans sunnites ont aussi une traduction interne. La haine des arabes envers l’Etat d’Israël ne semble plus être une fatalité. On ne peut que s’en réjouir.

Richard Prasquier