Jean-Pierre Allali
Mufti, par Yves Azeroual (*)
Hadj Amine Mohammed Al-Husseini, le sinistre Grand mufti de Jérusalem, antisémite notoire et admirateur d’Hitler qu’il avait rencontré à Berlin le 28 novembre 1941 et du nazisme, ami de Rudolif Höss et d’Adolf Eichmann, a été, dans la fin des années vingt et dans les années trente, à la pointe du combat contre les pionniers de l’État juif en gestation, organisant émeutes et pogromes meurtriers en terre d’Israël et dans le monde arabe. Qu’on pense notamment, aux événements de Hébron, en 1929 ou aux tragiques journées du « farhoud » en Irak. Recherché par les Britanniques en tant que collaborateur et par les Yougoslaves en tant que criminel de guerre, Il fut activement poursuivi. Paradoxalement, c’est en France qu’il trouva refuge et placé en résidence surveillée en mai 1945, dans une villa de Saint-Maur puis à Bougival sans être particulièrement inquiété avant de rejoindre Le Caire en 1946 puis le Liban.
Hadj Amine Al-Husseini est mort à Beyrouth le 4 juillet 1974., victime d’une crise cardiaque.
Pour retracer la vie et les méfaits de ce sombre personnage, Yves Azeroual a choisi le mode romanesque. Il met en scène un journaliste français, spécialiste des confidences de tueurs en série, Yirhiel Azriel, dont l’attention est attirée par la lecture d’un article sur Internet racontant que le 27 juin 2017, lors d’une vente aux enchères, à Jérusalem, organisée par la maison Dekem, dirigée par un certain David Bernstein, six photographies inédites mesurant chacune 6,5x9,5 cm, montrant le Grand mufti visitant, en 1943, les camps de la mort, en compagnie de plusieurs dignitaires nazis, ont été adjugées pour 12 300 dollars. Ces photographies inédites étaient estampillées « Gerhards-Trebbin », une société allemande. Les questions que se pose alors le journaliste sont nombreuses : qui a acheté ces photographies ? Dans quel but ? Veut-on cacher quelque chose au public ?
Dans sa quête, Azriel, abandonnant pour un temps sa compagne, l’exquise Joanna, se rend en Israël en se faisant passer pour un simple touriste et s’installe à Jérusalem. Un ami Paul, conseiller au consulat de France, le met en relation avec un « fixeur », Dany, qui jouera le rôle de guide, d’interprète et d’aide de camp, voire de garde du corps et d’exécuteur des basses œuvres.
On rencontre, au fil des pages, les personnages les plus divers. Voici Leïla Al-Husseini, parente du mufti, doctorante à l’université de Beyrouth, mystérieuse et envoutante, qui cache bien son jeu et ses intentions, voici aussi le savant et énigmatique professeur Nissan ou encore David Issermann, fonctionnaire israélien de haut rang. Sans oublier Liselotte Schultz et son frère Gerhard, qui se présentent comme descendants des « vrais » Templiers.
L’ouvrage oscille entre des chapitres intitulés « Aujourd’hui » qui permettent de suivre le cours de l’enquête et d’autres, titrés « Hier » qui reviennent sur le parcours du mufti. Un mufti dont on apprend notamment qu’il avait l’intention « d’entrer à Jérusalem à la tête de la Légion arabe avec pour projet de construire, dans la vallée de Dothan, près de Naplouse, des crématoires géants, dans lesquels devaient périr les Juifs de Palestine ainsi que ceux d’Irak, d’Égypte, du Yémen, de Syrie, du Liban et d’Afrique du Nord ». Et qu’il avait eu l’idée de « créer une école de formation d’imams afin de les initier à la charge d’aumôniers au sein de la 13ème division de montagne de la Waffen-SS-Handschar qu’il a mobilisée ». Ou encore, que lors d’émissions radiophoniques, il soutenait que « Les Musulmans devraient suivre l’exemple des Allemands qui ont trouvé une solution définitive au problème juif ».
Un thriller haletant qui permet tout à la fois de se détendre et d’approfondir ses connaissances sur Israël et sur le Proche-Orient. À découvrir.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Le Passeur. Février 2020. 304 pages. 21 €.