Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean Pierre Allali - Fils d'Adam. Nostalgies communistes, de Benoît Rayski

17 November 2017 | 214 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

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Fils d'Adam. Nostalgies communistes, de Benoît Rayski*

C’est un véritable cri d’amour que le journaliste et essayiste Benoît Rayski lance à son père, Adam Rayski, disparu en 2008. Sur sa tombe, au cimetière du Père-Lachaise, allée circulaire, division 16,  sont gravés ces mots : « Adam Rayski. 1913-2008. Il fut terroriste et communiste quand il fallait l’être ». Á quelques enjambées, la tombe de Jean-Baptiste Clément, l’auteur oublié du « Temps des cerises ».

Né à Bialystok en Pologne en 1913, fils de Yehiel et d’Esther, Adam Rayski fut une grande figure de la Résistance en France où il se retrouvera en 1932. Chef politique des FTP-MOI, bras armé du parti communiste français dont il fut l’un des cadres, président de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide,  il participa, en novembre 1943, à la création, dans la clandestinité, du CRIF. Après la Seconde Guerre mondiale, il choisit de revenir dans son pays natal. Mauvais choix car il y sera menacé et obligé de retourner en France en 1957. Condamné par contumace en Pologne, il écopera de sept ans de prison infligés en 1961 par un tribunal militaire français pour espionnage au profit de la Pologne !

L’écriture de cet ouvrage est tout simplement superbe. Quelle plume ! « Ce livre est mon seul bon et vrai article » confesse l’auteur en préambule qui considère que « ce livre est la conséquence de séquences émotionnelles ; Soudaines, irréfléchies, désordonnées ».

Héritier d’une famille juive et communiste, Benoît Rayski, par delà la mort, veut partager avec son père des moments du temps jadis, ce temps où, à l’instar des personnages du film « Casting » d’Emmanuel Finkiel, Adam Rayski, avec l’accent yiddish, disait « aprey » et non « après » ou « ça m’a fey pleysir » pour « ça m’a fait plaisir ». « Ton accent est sans pareil. Celui d’un Litvak » dit Benoît à son père.

« Mais pourquoi ne m’as-tu jamais appris le yiddish ? Pourquoi vous-êtes vous, toi et ma mère, acharnés à faire de moi un parfait  petit Français ? Je t’écoute et je pleure. Ton accent me donne des frissons et ce que tu dis me bouleverse »

Le regret de n’avoir pas mieux connu son père, de ne pas avoir été plus proche de lui, transparaît à chaque phrase. « Tu n’avais pas de patrie. Le communisme t’en a donné une. Tu l’as choisie avec une frénésie amoureuse que tu partageais avec des millions d’autres. Puis un jour, ta patrie t’a quitté. Et tu es resté à jamais orphelin. Moi, je suis orphelin depuis toujours. Pas de patrie à aimer. Juste un pays de naissance puis un pays d’adoption. Je ne me consolerai jamais d’avoir perdu ce que je n’ai jamais connu »

La nostalgie d’un monde aujourd’hui disparu, le yiddishland, avec ses poètes, ses peintres et ses « violoneux », ses voyous et ses voleurs le dispute à celle des lieux de mémoire : Byalistok et la rue Kupiecka,  la Lituanie, Bielsk Podlaski, Varsovie et la place Krasinskich où vivaient tous les nôtres, les « naszy ». Et, plus tard, le 14, rue Rambuteau à Paris.

« Tu me manques »  dit l’auteur à son papa. Et il ajoute : « Et je crois que je te manque aussi ».

Des photographies agrémentent cet ouvrage émouvant et sympathique. Á découvrir !

 

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Exils. Septembre 2017. 112 pages. 15 €.