Virginie Guedj-Bellaïche

Journaliste-Blogueuse

Le danger qui nous guette

13 August 2015 | 834 vue(s)
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Depuis plusieurs semaines, l’annonce de la tenue de « Tel Aviv sur Seine » aujourd’hui à Paris fait la une de l’actualité. Sur les réseaux sociaux, je vois beaucoup de mes coreligionnaires se mobiliser pour que cette journée festive soit un succès. On  rameute ses amis, on poste le  tweet  du Premier ministre qui salue le courage d’Anne Hidalgo, on relaye la tribune dans le Monde de la Maire de Paris. On publie même le soutien de … Wallerand de Saint-Just, leader du FN parisien.  

Survoler %a TL Facebook  -  associé à un café et le silence de ma maison endormie aux premières heures du jour – est un plaisir dont je suis totalement accro. Ce matin, je remonte mon fil actu.  Au milieu des photos de vacances et des clichés de Kim Kardashian nue et enceinte, je découvre que Wallerand de Saint-Just, N°1 du FN dans la capitale soutient « Tel Aviv Sur Seine ». L’article revient une, deux, trois, cinq, sept fois accompagné  de commentaires flatteurs de mes "amis" facebook saluant  « le courage politique » et « l’honnêteté » du leader frontiste. Oups. 

Il faut dire que le monsieur a les mots efficaces, des mots que tout juif de  France a envie d’entendre en ces temps compliqués où l’organisation d’une journée festive et estivale tourne au psychodrame antisioniste. «Israël est un pays comme un autre» explique au Scan, Wallerand de Saint-Just. « Je ne vois absolument aucun inconvénient à ce que cet événement festif ait lieu. Bien au contraire ! » Mieux la tête de liste du parti de Marine le Pen dans la capitale  juge «irresponsable» les opposants à la manifestation. «Cette extrême-gauche » dit-il « est folle d'agiter les passions comme elle le fait, ça en devient dangereux… Cette histoire peut aller très loin, il ne faut pas oublier les débordements survenus lors des manifestations pro-palestiniennes l'année dernière». Des mots qu’aucun responsable juif ou quidam lambda de la communauté ne renierait.

Alors ok, soyons clairs. Je souscris totalement à ces propos. Je pourrais aisément les répéter, j’aurais même pu les écrire. Mais je ne peux absolument pas les relayer. Car …

-          …  des propos ne sont jamais détachables de leurs auteurs.

-          … c’est prendre le risque de créer une proximité  d’opinion – même conjoncturelle - avec un parti qui malgré de nombreuses tentatives reste d’extrême-droite avec tout ce que cela implique.

Les élus et responsables frontistes ont le droit  - que ce soit sincère ou électoraliste - d’avoir des positions pro-israéliennes ou de soutenir des points de vue qui ont cours dans la communauté juive. Par contre, les juifs de France, ont, selon moi, le devoir d’ignorer ces déclarations et de ne surtout pas les relayer. Le faire serait aussi contre-productif que céder à la flatterie  et aussi dangereux politiquement de rire de bon cœur à un sketch de Dieudonné qui – O Miracle – ne serait pas antisémite. 

En novembre dernier, une intervention du député mariniste  Gilbert Collard à l’Assemblée nationale avait ravi beaucoup de mes coreligionnaires. Je le concède sans peine : les mots étaient terriblement justes. « Vous embrassez le Hamas, vous embrassez le terrorisme, vous embrassez la haine, vous embrassez la mort », « Israël n’est pas un État raciste, il n’y a pas d’apartheid en Israël ! Mettez-vous cela dans la tête ! C’est un pays qui représente au Proche-Orient les valeurs de la démocratie que nous défendons.  » avait-il déclaré ajoutant à la force du propos une émotion visible.

Dans un contexte où le courage politique ne s’exprime que dans des circonstances dramatiques – quand l’antisémitisme tue comme à Toulouse ou à l’HyperCasher de la Porte de Vincennes – je comprends celles et ceux qui cèdent à ses propos comme on abdique devant la seule voix rassurante dans un concert de condamnations. Mais je crois qu’il faut raison garder, sous peine un jour de constater c'est trop tard. Car ne nous y trompons pas s’ils commencent par être en adéquation avec certains de nos points de vue, c’est pour mieux plus tard arguer publiquement que nous sommes d’accord avec eux. Et  c’est bien finalement le plus grand danger qui nous guette.