Editorial of the president
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Published on 24 May 2013

Avant les élections: le dernier éditorial

 

J’étais hier avec mon épouse, égoïstement, mais pour la première fois de l’année, à un concert de musique baroque. C’était dans un château de la région parisienne, aussi loin que possible de la communauté juive. Au diner qui a suivi, j’ai eu la surprise de recevoir des compliments sur la Newsletter du CRIF. 

 

C’est pourquoi, en écrivant ce dernier éditorial, je voudrais remercier ceux qui y ont contribué ; Sandrine Bendavid, qui l’organise et en est la responsable technique, Émilie Slama qui la remplace si besoin, en surcroît de ses activités de secrétariat, Marc Knobel , Stéphanie Dassa, Karine Breslaw, Ève Gani et Jessica Chetboun, qui à tour de rôle et en équipe en font quotidiennement ce qu’elle est devenue, une publication de référence, connue et respectée. J’y adjoindrai Karine Akoka au secrétariat, et vous aurez l’ensemble du staff du CRIF, cette organisation que d’aucuns dérivent comme une pieuvre aux tentacules innombrables dominant en arrière-plan la politique de notre pays. C’est à cette équipe de travail, à laquelle j’ajoute Raphaël Haddad qui a piloté la refonte de la Newsletter, que je voudrais adresser mes remerciements pour son travail exceptionnel et Claudine Sitruk, la plus ancienne de nos bénévoles. Je regretterai plus que tout cette ambiance quotidienne chaleureuse, presque familiale, mais très professionnelle à laquelle participe aussi mon cousin, Ran Gazit, dont l’aide et la compagnie me furent sans prix au cours de ces dernières années. En parlant de cette équipe, je veux dire à Haim Musicant que nous espérons tous le voir vite surmonter les très pénibles problèmes de santé qui l’ont éloigné depuis plus d’un an du CRIF dont il était le directeur général depuis 1995.

 

Comment citer ici tous ceux qui au cours de ces six dernières années, parfois au milieu d’activités professionnelles lourdes et d’autres engagements communautaires chronophages (n’oublions pas que nous sommes une réunion d’associations) ont donné de leur temps, pour nous aider? À chacun, j’exprimerai oralement mes remerciements. À titre d’exemple, en respectant la parité et comme représentants de beaucoup d’autres, j’écris ici ma reconnaissance à Francis Kalifat, trésorier national et à Edwige Elkaim, présidente du CRIF de Grenoble.

 

Comment va le CRIF ?

 

Personne ne me croira si je prétends être neutre, mais je le dis sans forfanterie particulière : le CRIF, qui fêtera dans quelques mois son soixante-dixième anniversaire à la Mairie de Paris, va plutôt bien. Il est largement connu et ses positions sont plutôt appréciées dans la population générale de France (sondage récent de « Opinion Way »). À l’étranger il est respecté, parfois donné en exemple dans les diverses communautés juives. Au cours de ces derniers mois, j’ai parlé publiquement devant toutes les plus grandes organisations juives américaines et (« Im eyn ani li, mi li ? », « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? ») le journal Algemeiner m’a inscrit sur sa liste des 100. Notre parole est respectée dans le monde politique quelle qu’en soit l’étiquette, en dehors des extrêmes de l’échiquier. Nos relations intercommunautaires sont denses : au cours de cette dernière semaine de présidence, nous avons organisé une rencontre avec les Tziganes (extrêmement émouvante) et trois rencontres avec des représentants de la communauté musulmane. Il est reconnu en général que nous sommes présents, réactifs, fermes sans être inutilement agressifs.

 

Arrêtons les autocompliments, car il y a beaucoup à faire.

 

La représentativité du CRIF, ce serpent de mer de nos ennemis et ce thème inépuisable de nos campagnes électorales ? Je vais vous faire un terrible aveu, qui bien sûr restera entre nous : non, le CRIF n’est pas représentatif. D’ailleurs est-ce que les sénateurs, élus au suffrage indirect sur des bases démographiques disparates, est-ce que les grands syndicats nationaux, ultra-minoritaires en termes d’adhésions, dans notre pays sont représentatifs ? Et ceux qui,  trouvant toujours des médias intéressés, écrivent avec colère que le CRIF ne les représente pas, qu’ils ne s’inquiètent pas : le CRIF ne tient pas à représenter ceux qui ne se reconnaissent pas en lui.

 

Il tient simplement à prendre compte de ce qu’il pense être les opinions, les inquiétudes, les exaspérations parfois de la majorité de la population juive de France, en admettant quelques principes de base : la France est notre pays, Israël a une place essentielle dans notre cœur, nous acceptons que l’identité juive soit multiple, la laïcité structure notre vie publique, les traditions rituelles qui ont maintenu notre histoire doivent à toute force être défendues, la justice est à la base de nos engagements moraux, la lutte contre les discriminations, les haines et les stéréotypes ne s’arrête pas à notre pré carré et le débat d’opinion sans complaisance, mais sans violence, mensonge ou menace structure la vie de notre organisation.

 

Cela ne convient pas ? On veut crier avec les loups contre Israël, on préfère montrer ses muscles plutôt que son cerveau, on pense que hors d’une certaine pratique spécifique, il n‘y a pas de Juifs, on veut que son judaïsme reste caché dans le fond d’un tiroir ? Pas de problème, on n’est pas représenté par le CRIF. On reste dans sa « chapelle » ou dans sa solitude, mais on n’essaie pas, défaut classique d’une communauté où chacun est président, de faire croire que l’on est soi-même le pivot du monde juif.

 

Et surtout, surtout, on n’essaie pas de créer un fichier pour faire voter les Juifs de façon plus « représentative ». Le CRIF représente des associations. Pour représenter des hommes sur la base d’une religion, il faut changer de logiciel et changer de pays.

 

Oui des améliorations sont à faire pour intéresser plus de jeunes et de moins jeunes à la vie du CRIF, pour mieux coller à la réalité du monde français juif d’aujourd’hui et pour y faire entrer de nouvelles associations, à condition que leurs dirigeants le veuillent, car en général il faut être deux pour danser le tango.

 

Mais il n’est pas question d’abandonner les associations qui ont créé le CRIF et qui sont toujours avec nous, ces associations qui rappellent que ce qui a eu lieu, la Shoah, interpelle le monde entier et que pour être des ouvriers de la mémoire  nous devons faire plus que des « paroles verbales ».

 

Oui, nous devons être proactifs; oui, nous devons être une force de proposition. Il y a des progrès à faire et j’ai ma part de regrets dans ce qui aurait dû  être essayé. Mais pour cela, il ne faut pas réinventer l’eau tiède. Il y a dans la communauté ou dans certaines organisations communautaires participant au CRIF, mais plus riches en militants individuels que le CRIF des gisements d’action et de proposition dont nous pourrions faire meilleur usage. Je signale, et ce n’est nullement limitatif, l’UEJF et le B’nai B’rith dont nous soutenons le récent dossier sur l’antisémitisme auprès des autorités.

 

Dire, comme cela l’a été  que le CRIF a privilégié le « face à face » au « vivre ensemble » témoigne d’ignorance ou de mauvaise foi. La liste est longue de nos actions de partenariat : peut-être ne les avons-nous pas assez fait connaître.

 

Dire aussi que le CRIF doit se recentrer sur les Juifs de France et laisser la défense d’Israël à l’Ambassade témoigne d’un singulier aveuglement : aujourd’hui les Juifs ne sont pas, ne sont plus ou peut-être ne sont pas encore (voir néanmoins la récente affaire de La Rochelle ….) des ignobles stéréotypes dont ils ont été victimes dans l’histoire et jusqu’à il y a peu de temps. À quatre  réserves près : 1° Les attaques fleurissent sur le Net et les réseaux sociaux. 2° La crise économique offre un boulevard déjà emprunté par divers pays d’Europe et nécessitant une grande vigilance chez nous 3° Les ordures véhiculées par un Dieudonné et un Soral trouvent de plus en plus de preneurs ou de suscitent de plus en plus de sourires entendus.

 

Mais la quatrième réserve est plus importante encore : c’est le Palestinien qui dans la mythologie publique a pris la place de l’opprimé suprême et l’Israélien celle du bourreau par essence. Au Chambon (au Chambon !!!) certains voulaient inclure dans le Mémorial des hauts faits du village et du plateau un chapitre sur les Palestiniens. Les 80 000 morts de Syrie, les enfants torturés pour faire parler les parents, tout cela est sans intérêt et n’a jamais indigné les professionnels de l’indignation. La Syrie continue, comme l’Iran, de recevoir sa part des nominations dans les conseils de l’ONU où Israël n’est pas accepté. Or dans ma conception du monde, Israël est l’État du peuple juif. Tout ce qui vise à transformer Israël en paria parmi les Nations finit par transformer le Juif en paria  parmi les Hommes. Et je ne paierai pas de ticket d’entrée à la bonne pensance auto satisfaite au prix d’une dénonciation d’Israël. Critiquer l’État d’Israël pour telle ou telle option politique est une chose, ne pas défendre cet état en refusant de voir que le « corner » pseudo-moralisateur dans lequel on essaie de l’enfermer est une première étape de son affaiblissement et un prélude à sa destruction en est une autre. Croire que les Juifs de France n’ont qu’à ne pas soutenir Israël pour que l’antisémitisme diminue dans notre pays est d’une lâcheté et d’une idiotie absolue.

 

Il n’y a rien dans ces positions qui témoigne d’une position « dure » par rapport à telle ou telle possibilité de résolution du conflit, qui ne pourra survenir que si ses protagonistes le veulent de bonne foi.

 

Pour avancer, il faut avant tout rechercher la vérité des faits et fuir la prétention des idéologies. C’est pourquoi, je me suis impliqué et je suis sûr que mon successeur s’impliquera, dans des affaires où par hostilité envers la politique d’Israël, on a laissé prévaloir l’idéologie. Il en est ainsi de la tristement célèbre affaire Al Dura, où depuis treize ans le célèbre journaliste a surtout montré ses talents en mobilisant pour le blocage des recherches l’ensemble de ses confrères et de ceux « qui pensent bien » contre ceux qui ont pour seul objectif de savoir ce qui s’est vraiment passé le 30 septembre 2000 au carrefour de Netzarim. C’est pourquoi le CRIF défend Mme Patricia Amardeil victime de harcèlement dans son établissement, le prestigieux lycée français de Madrid, parce que quiconque qui, comme elle, enseigne la Shoah un peu plus que le minimum exigé par les programmes est immédiatement suspecté d’être un affreux sioniste. Et je ne citerai pas tous autres les dossiers où nous sommes actuellement en action.

 

Je suis fier de ces six années passées à la Présidence du CRIF. Elles ne sont pas celles d’un homme, mais d’une équipe. Je ne doute pas que le prochain Président, qui sera, on le sait, un homme d’expérience, continue de porter avec honneur le flambeau de la communauté juive dans un contexte de plus en plus difficile.

 

Avant de tirer ma révérence, je voudrais que tous nous pensions à Ruth Halimi, à la famille Monsonego, à la famille Sandler. Je voudrais aussi rendre un hommage à ceux qui nous ont quittés ces dernières années la famille du CRIF ou qui en furent les amis. Ils savent que je ne les oublierai pas.

 

Merci à tous les lecteurs, à tous ceux qui ont contribué, à tous ceux qui nous ont aidés.

 

Dimanche, que le meilleur gagne et que l’union se fasse derrière lui !

 

Richard Prasquier

Président du CRIF