Tribune
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Publié le 20 Novembre 2012

Comment Abou Jihad fut liquidé par un commando de Tsahal

 

Par Martin Perez

 

Près d'un quart de siècle après, la censure militaire a accepté de lever certains secrets sur la mort du numéro 2 de l'OLP à Tunis en 1988. Même si Israël ne l'avait jusqu'à présent jamais reconnu officiellement, personne n'a jamais douté que le bras vengeur qui avait abattu Abou Djihad (photo), le numéro 2 de l'OLP, dans sa villa de Tunis en 1988, était celui de Tsahal. 

 

Pour la première fois, des détails inédits de l'opération menée par un commando israélien ont été révélés la semaine dernière par le quotidien Yedioth Aharonoth. La publication de l'article, sous la forme d'une interview d'un des membres du commando, n'a été autorisée qu'à l'issue de plusieurs mois de négociations entre le journal et la censure militaire.

 

La liquidation d'Abou Djihad, de son vrai nom Khalil al-Wazir, menée dans la nuit du 15 au 16 avril 1988 à 2300 kilomètres des côtes israéliennes est restée comme l'une des actions d'éclat de la fameuse "sayérète matkal", l'unité d'élite connue également sous le nom du "commando de l'état-major". Cette mission visait à décapiter la première Intifada palestinienne, qui avait éclaté un an plus tôt, dont Abou Djihad était le dirigeant. L'opération fut conduite par un groupe de 26 soldats, débarqués dans le plus grand secret sur une plage de Tunis.

 

Le commando était dirigé par Moshé Ayalon, l'actuel ministre des Affaires stratégiques. L'adjoint de Moshé Ayalon, Nahoum Lev s'était confié au Yedioth Aharonoth il y a plus d'une décennie avant de mourir en 2000 dans un accident de moto. Durant toutes ces années, ses confidences ont été soumises à la censure qui ne vient donc d'être levée que vingt-quatre ans après les faits.

 

« J'ai tiré sur lui sans la moindre hésitation ». Dès leur arrivée sur la plage de Tunis, le commando de la sayérète matkal s'était scindé en deux groupes. Le plus grand nombre était resté en appui logistique, tandis que huit hommes en civils conduits par Nahoum Lev s'étaient dirigés vers la villa d'Abu Djihad. Grâce à des complicités locales, les tueurs avaient à leur disposition des véhicules immatriculés en Tunisie à bord desquels ils s'étaient approchés jusqu'à 500 mètres de la résidence du leader palestinien, située dans un quartier chic et résidentiel de Tunis. Tout était allé ensuite très vite, mais les détails révélés par l'ancien adjoint de Moshé Ayalon méritent qu'on s'y arrête. Accompagné d'un soldat déguisé en femme, afin de passer pour un couple en balade nocturne, Lev s'était approché d'un air nonchalant sur le trottoir longeant la maison. Lui aussi habillé en civil, à la mode tunisienne, il tenait dans ses mains une boîte de chocolats dans laquelle était dissimulé un pistolet muni d'un silencieux.

 

Il n'est pas possible de révéler tous les secrets de cette opération, mais il va sans dire que le commando bénéficiait de renseignements très précis sur la localisation du domicile privé d'Abou Djihad et sur ses habitudes quotidiennes. Arrivé à la hauteur de la villa, le "couple d'amoureux" était passé à l'action. Un garde du corps palestinien sommeillant dans sa voiture fut abattu avant que le signal ne soit donné au reste du commando de prendre d'assaut la villa. Un second garde qui venait de se réveiller fut également tué sans avoir eu le temps de dégainer son arme. Un jardinier, qui dormait dans la cave, connut malheureusement le même sort. « Dommage pour lui, mais quand on mène ce genre d'opérations, nous devons éliminer toute résistance potentielle », a regretté Nahoum Lev lors de l'interview. En quelques fractions de seconde, les membres du commando avaient ensuite gravi les escaliers pour liquider le chef de l'Intifada dans sa chambre à coucher. Alerté par le bruit, Abou Djhihad avait tenté de bondir de son lit, un pistolet à la main. « Un membre du commando qui se trouvait en tête avec moi a tiré le premier.

 

Puis j'ai tiré sur lui une longue rafale en veillant à ne pas toucher son épouse qui se trouvait dans la chambre et qui hurlait de terreur », a raconté l'adjoint de Moshé Ayalon. « Il a été tué sur le coup. Mais une fois au sol, d'autres membres du commando ont aussi tiré pour s'assurer qu'il était bien mort ». Nahoum Lev conclut son récit de la manière suivante : « J'ai tiré sur lui sans la moindre hésitation. Il était voué à mourir. Il était mêlé à d’horribles crimes contre des civils israéliens ». Après la fin de la première Intifada, vint l'heure des accords d'Oslo. La veuve d'Abu Djihad, Intissar Al-Wazir, fut nommée ministre des Affaires sociales dans le premier gouvernement palestinien. Son fils Jihad al-Wazir, est aujourd'hui gouverneur de l'Autorité monétaire palestinienne.

 

Article publié dans Actualité Juive n°1231 du jeudi 15 novembre 2012