Tribune
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Publié le 14 Mars 2005

AAARGH : une revue négationniste au confluent des extrémismes d’ultra-gauche, d’extrême-droite et islamiste radical

Huit associations antiracistes assignent en justice, par voie de référé, les hébergeurs américains et les principaux fournisseurs d'accès français du site antisémite et négationniste AAARGH. La première audience aura lieu, ce Lundi 14 mars, à la 1ère chambre du tribunal correctionnel de Paris.



AAARGH, sigle qui signifie « Association des anciens amateurs de récits de guerres et d'holocaustes », met en ligne plusieurs sites Internet en diverses langues, en premier lieu le français. En consultant l’adresse : http://www.geocities.com/ilrestodelsiclo, on peut ainsi trouver la « liste des publications mensuelles de l’AAARGH » et notamment la publication mensuelle en italien titrée « Il Resto del siclo ». Celle-ci déclare être vouée à « la crise du colonialisme au Moyen-Orient et la question du révisionnisme historique » ainsi que « les guerres mondiales, les guerres coloniales d’aujourd’hui, les guerres futures ». C’est le négationniste français Serge Thion, principal responsable de AAARGH, qui est également celui du « Resto del Siclo », dans lequel on trouve également la signature de Robert Faurisson.

A l’analyse du contenu des numéros du « Resto del Siclo » de l’année 2004, une chose apparaît très clairement, qui n’a pas suffisamment été mise en relief à propos de la version française de AAARGH: c’est la fonction de carrefour des extrémismes qu’occupe cette revue. Extrémisme de l’ultra-gauche, dont Thion, venu du mouvement « conseilliste » La Vieille Taupe, est issu ; extrémisme de droite, dans sa version néo-nazie ou fasciste non repentie ; extrémisme islamiste radical enfin.

A l’ultra-gauche, c’est principalement le Camp Anti-Impérialiste qui s’exprime dans « Il resto del siclo », à travers son animateur principal, l’ancien membre du groupe maoïste Potere Operaio, Moreno Pasquinelli. Thion a participé à la réunion d’Assise, organisée en août 2004 par ce mouvement, dont plusieurs cadres ont été arrêtés par la police italienne le 1er avril dernier, dans le cadre d’une enquête sur les réseaux en Europe du mouvement terroriste turc DHKC. Le Camp Anti-Impérialiste, qui possède un site web en français (http://www.antiimperialista.com/fr/), met en ligne les communiqués de l’Armée Islamique en Irak et prend la défense de l’Alliance Patriotique Irakienne, un groupe de la « résistance » issu de la famille communiste.

A l’extrême- droite, la revue a donné la parole au Comité Mahler, fondé autour de l’avocat allemand Horst Mahler, avocat de la bande à Baader dans les années 70, devenu par la suite un des théoriciens du parti néo-nazi NPD et de l’antisionisme/antisémitisme radical. Les « ultras » du néo-fascisme italien, comme Ugo Gaudenzi ; Claudio Mutti et Carlo Mattogno, s’y expriment régulièrement.

Enfin, « Il resto del siclo » a publié un texte titré « Paragonare il sionismo al nazismo
è offendere il nazismo" (« Comparer le sionisme au nazisme, c’est offenser le nazisme »), écrit par feu le dirigeant du mouvement islamiste palestinien Hamas, Abdel-Aziz Al-Rantissi. D’autres articles ont été repris d’auteurs arabes non islamistes, notamment du négationniste jordanien Ibrahim Alloush et du journaliste Nizar Ramadan, qui travaillait pour le journal qatari As Sharq et avait été arrêté à Hébron en 2003 par les forces israéliennes.

Comme sur à peu près tous les sites antisémites, de nombreux textes de Israël Shamir sont également en ligne. En plus de la jonction des extrêmes qui s’opère ici au nom de l’antisémitisme, la publication-sœur de AAARGH en italien consacre nombre d’articles à la guerre en Irak, pour glorifier la lutte armée contre les Etats-Unis et leurs alliés ; présenter les « mouvements sociaux de résistance », présenter les « Comités Irak libre » et « l’Appel pour le retrait d’Irak des soldats italiens ».

C’est donc aussi par la critique radicale de l’impérialisme américain et de la guerre en Irak que le négationnisme cherche à « rebondir », en se trouvant de nouveaux compagnons de route.

Jean-Yves Camus