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Le Président du CRIF, Roger Cukierman s’en était alors ému auprès du Ministre des Affaires Etrangères, M. Dominique de Villepin, lui demandant d’intervenir auprès des autorités égyptiennes et avait écrit à l’Ambassadeur d’Egypte à Paris pour lui faire part de son indignation. La diffusion de cette fiction, prévue pour toute la période du Ramadan, lui avait parue extrêmement dommageable. Il était intolérable qu’une fois encore, l’Egypte dont on connaît l’influence culturelle et intellectuelle dans l’ensemble du monde arabe soit le vecteur de poncifs antisémites d’une telle violence et d’une telle gravité. Rappelons que le quotidien Al-Ahram s’était illustré il y a deux ans lors de la publication d’un article intitulé « La matza juive est faite de sang arabe ».
Le CRIF appelle à ce que la propagande antisémite qui a cours au sein d’une partie croissante du monde arabe soit éliminée et que les populations abreuvées de cette haine se trouvent confrontées à un discours de leurs gouvernants qui les préparent à vivre dans la tolérance de leurs voisins.
Les démarches que nous avions entreprises en parallèle avec celles menées par des organisations juives américaines et auxquelles l’organisation égyptienne des droits de l’homme avait joint ses protestations, n’ont naturellement pas conduit les télévisions égyptiennes à déprogrammer cette série qui a pu être vue jusqu’en France.
Cette affaire a repris toute son actualité devant la publication de trois articles par Oussama al-Baz, l'éminence grise du président égyptien, dans le même quotidien Al-Ahram. L’homme, que l’on ne peut taxer d’entretenir la paranoïa et les fantasmes de l’antisémitisme souvent prêtés à nos institutions, y dénonce «l'antisémitisme, les Protocoles, le nazisme et l'Holocauste». Cette initiative, dans un contexte politique particulièrement tendu, mérite l’intérêt et doit être saluée.
L’opinion publique égyptienne est très majoritairement hostile à Israël, en dépit de l’accord de paix signé en 1978, et les relations peinent à se normaliser, plus particulièrement encore du fait du conflit israélo-palestinien.
On pourra bien évidemment trouver toutes sortes de bonnes raisons pour expliquer que les autorités égyptiennes ne puissent laisser s’installer l’impression qu’elles cautionnent le passage de cette série télévisée. L’Egypte, comme la plus grande partie du monde arabe, souhaite depuis le 11 septembre donner une image de modération et elle est liée aux Etats-Unis par des accords financiers qui tiennent une grande place dans économie. Il serait toutefois dommage de s’arrêter à une interprétation de pure nature politique des propos tenus par Oussama al-Baz.
L’Egypte joue un rôle important dans le développement du monde arabe et des prises de position comme celle ci vont dans le sens, même lent, d’une évolution des esprits. Oussama al-Baz défend le point de vue qui est de resituer le conflit israélo-palestinien dans la perspective d’un conflit territorial et non d’une guerre de religion. Delà, il est tout aussi nécessaire de le purger des parasites antisémites qui sont entretenues, notamment, par l’usage qui est fait d’un texte comme les « Protocoles des Sages de Sion ». Cette prise de position est éminemment courageuse car elle va radicalement à l’encontre d’un esprit ambiant disposé à reprendre à son compte la rhétorique antisémite qui s’est construite en Europe et qui trouve une application artificielle dans les rapports entre les Juifs et les Arabes. Cette mise au point sur l’antisémitisme et le nazisme trouvera peut-être des échos favorables en Europe où l’on constate parfois des amalgames d’une regrettable perversité dans le discours de ceux qui défendent une vision unilatérale du conflit israélo-palestinien.