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Publié le 30 juin sur le site web de l'UNESCO
Ce webinaire organisé conjointement par les secteurs Éducation et Sciences sociales et humaines de l’UNESCO s’est tenu le 23 juin 2020 sur le thème de l’antisémitisme, qui a connu une recrudescence au cours de la pandémie de COVID-19. Il s’agit de la douzième édition de la série de webinaires internationaux intitulée « L’inclusion aux temps du COVID-19 » consacrée à la lutte contre le racisme, la discrimination et l’exclusion pendant la pandémie.
Les intervenants ont été Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction (Maldives), Günther Jikeli, Professeur de la Chaire Erna B. Rosenfeld, de l’Institut pour l’étude de l’antisémitisme contemporain, Université de l’Indiana à Bloomington (Etats-Unis d’Amérique), Vanessa Hites, Corps diplomatique juif du Congrès juif mondial (Chili), et Pamela Malewicz, Sous-Secrétaire pour les droits humains et le pluralisme culturel, Ville de Buenos Aires (Argentine).
La pandémie mondiale actuelle a déclenché une épidémie qui se répand à grande vitesse, de discours haineux et de désinformation, notamment de théories complotistes clairement motivées par l’antisémitisme. Les données du Congrès juif mondial montrent que dans les premiers mois de la pandémie, on a constaté un accroissement de 30 % des contenus antisémites sur les réseaux sociaux, un chiffre qui reflète une tendance générale à une montée de l’antisémitisme et des crimes de haine qui s’y rapportent à travers le monde.
Günther Jikeli a déclaré que cette montée de l’antisémitisme n’était pas une coïncidence. « L’antisémitisme est souvent un sentiment ou une façon de penser latente. Les situations de crise et d’incertitude, telles que celle que nous connaissons actuellement, sont particulièrement propices au déclenchement de l’antisémitisme, les Juifs étant blâmés pour ce qui se passe » a-t-il dit.
Il a ajouté que les récentes attaques extrémistes violentes à motivation antisémite de Toulouse, Pittsburgh et Halle ont révélé le lien étroit qui existe entre les discours de haine en ligne et la violence hors ligne. « Cela peut inclure des éloges et des réflexions favorables dans les milieux extrémistes, pouvant conduire à des attaques plus violentes contre les Juifs. »
Ahmed Shaheed, qui a publié en 2019 le tout premier rapport de l’ONU sur l’antisémitisme, intitulé Combattre l’antisémitisme pour éliminer la discrimination et l’intolérance fondées sur la religion ou la conviction, a déclaré qu’avec la montée de l’antisémitisme, la pandémie s’est aussi accompagnée d’un renforcement de la recherche de boucs émissaires et d’une propagation des théories complotistes. Les inégalités et les taux d’infection et de mortalité ont été exacerbés dans plusieurs communautés minoritaires.
« Il y a eu de nombreux signalements de violences et de discrimination (...) et d’autres formes d’impact disparate sur les minorités, y compris sur les personnes d’origine asiatique, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les migrants et les minorités religieuses, ainsi que sur d’autres groupes exposés à la stigmatisation et à la discrimination, tels que les personnes LGBTQ. Cela inclut une prolifération accrue des théories complotistes et de la recherche de boucs émissaires, faisant le lien entre la pandémie de COVID-19 et la haine antisémite, antimusulmane, antichrétienne, antiroms, et ainsi de suite. »
Les théories complotistes sont au cœur de l’antisémitisme qui est défini selon l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) comme « une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard ». Les formes contemporaines de l’antisémitisme, telles que le négationnisme et le révisionnisme de l’Holocauste, et l’antisémitisme en rapport avec Israël lorsque les tensions au Moyen-Orient sont utilisées comme prétexte pour attaquer collectivement les Juifs, laissent faussement entendre que les « Juifs » cherchent à obtenir le pouvoir, un contrôle ou un profit personnel, par le biais d’un complot secret présumé.
L’avocate et militante des droits de l’homme Vanessa Hites a souligné la nécessité d’apporter des réponses claires à l’antisémitisme et à d’autres formes de discours de haine en ligne et hors ligne. « Je ne pense pas que la pandémie ait créé une nouvelle forme d’antisémitisme, mais elle a plutôt ravivé les préjugés existants et les vieux stéréotypes » a-t-elle déclaré.
Elle estime qu’à cause de la pandémie, plus de personnes ont passé plus de temps en ligne et se sont ainsi trouvées plus exposées aux discours de haine. L’anonymat d’Internet a enhardi certains tandis que l’absence d’alphabétisation aux médias et à l’information a rendu les jeunes particulièrement sensibles à la désinformation et aux théories complotistes.
« Il est important que les jeunes connaissent leurs droits en ligne et qu’ils apprennent à assumer la responsabilité de leur comportement sur internet et des actions qui en découlent » a-t-elle dit.
Pamela Malewicz a déclaré que sa ville de Buenos Aires avait adopté une approche holistique, travaillant en étroite collaboration avec des institutions culturelles et des musées comme le musée de la Maison d’Anne Frank et de l’Holocauste à Buenos Aires, avec la société civile, les communautés juives ainsi que des groupes de jeunes, afin de combattre les formes passées et présentes de l’antisémitisme.
Elle a souligné que l’expérience partagée de la pandémie était l’occasion de développer l’empathie et la compréhension par-delà les groupes sociaux et entre des personnes de convictions et d’identités différentes.
Vanessa Hites a également souligné les possibilités de changement : « Les jeunes ont une réelle opportunité de façonner le monde post-COVID. Non pas en adoptant des comportements lâches, à l’abri de leurs écrans ou dissimulés au sein de grandes foules, mais en assumant un rôle actif, en s’exprimant et en engageant un dialogue avec des décideurs plus chevronnés. »
Ahmed Shaheed a rappelé lors du webinaire que les recommandations du rapport de 2019 comprenaient le renforcement de la protection juridique des communautés juives, une surveillance étroite des discours et des crimes de haine, une assistance aux victimes, ainsi que le renforcement des efforts pour combattre l’antisémitisme dans et par l’éducation.
L’UNESCO promeut des activités visant à combattre et prévenir l’antisémitisme contemporain dans le cadre de ses programmes de prévention de l’extrémisme violent et d’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) qui visent à renforcer la résilience des jeunes face aux idéologies extrémistes et aux préjugés. Dans ce contexte, l’UNESCO a publié en 2018 des lignes directrices à l’intention des décideurs politiques concernant la prévention de l’antisémitisme par l’éducation, conjointement avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (BIDDH), formant ensuite les responsables politiques de plus de 60 pays à travers le monde. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site web dédié de l’UNESCO.