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Publié le 22 janvier dans La Croix
« C’est une décision magnifique ! Avant, quand on parlait d’Israël, on baissait la voix. Un mois à peine après la normalisation, on peut déjà en parler ouvertement.» Hélène Banon, dirige la pâtisserie Madame Fhal, institution de la communauté juive de Casablanca. « Quasiment tous les Juifs marocains ont de la famille en Israël. Les vols directs, notamment, vont leur faciliter la vie », assure-t-elle.
Les contacts officiels étaient interrompus depuis que Rabat et Tel-Aviv ont fermé leurs bureaux de liaison en 2000. « Ces relations reprennent naturellement avec des perspectives de coopération mutuellement bénéfiques », assure Serge Berdugo, le secrétaire général du Conseil des communautés israélites du Maroc, qui accueille les accords sur la normalisation et le Sahara « avec beaucoup de joie et d’espoir ».
Les liens entre les deux pays n’ont jamais été totalement coupés. Chaque année, 50 000 touristes israéliens se rendraient ainsi dans le Royaume. « De nombreux pèlerins du monde entier, dont des Israéliens, viennent chaque année visiter les 500 saints juifs enterrés au Maroc. La spiritualité du judaïsme marocain est particulièrement vivante », estime le rabbin Loubavitch Levi Banon, né au Maroc et qui a grandi au Canada.
Seuls quelques milliers de juifs vivent encore au Maroc, où l’écrasante majorité de la population est musulmane. Ils étaient près de 250 000 dans les années 1940 et ont profondément marqué l’histoire et la culture du Royaume. Un exode massif, au milieu du XXe siècle, les a conduits en Israël, où ils seraient près de 800 000, ou encore en France, au Canada, aux États-Unis… Mais pour Fanny Mergui, une Casablancaise juive de 77 ans, cela ne l’empêche pas de vivre « l’âge d’or du judaïsme marocain ». « Nous sommes ultra-minoritaires. Mais l’inscription de l’«affluent hébraïque» du Maroc dans la Constitution de 2011 nous a complètement rassurés », se réjouit-elle.
Alors que les autorités marocaines ont mis notamment en avant la coexistence entre les religions pour justifier la normalisation, certains redoutent l’effet boomerang : « Le discours de l’État assimile une religion à l’œuvre coloniale [israélienne]. Cela pourrait mener à une augmentation de la judéophobie. »