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Publié le 28 novembre dans Les Echos sous le titre Etre juif, à Alger en 1943
Le propos : Alger, 1943. Voici maintenant trois ans que dans cette merveilleuse capitale d'un pays qui est encore une colonie française, les juifs ont été déchus de leurs droits. Interdit pour eux d'étudier, de travailler. Interdit de revendiquer la nationalité de leur pays. On a même commencé à déporter certains d'entre eux vers des camps de concentration, dans le Sahara. On envisage de leur faire porter l'étoile jaune, avant même que celle-ci soit imposée en métropole. « On », ce sont des Français, non des Allemands prend soin de souligner Jacques Attali.. L'Algérie n'a en effet jamais été occupée par la Wehrmacht, rappelle l'auteur, né cette même année à Alger, le 1er novembre. Pis, un an plus tôt, les troupes anglo-américaines ont débarqué en Algérie. Loin de restreindre les pouvoirs des pétainistes, elles vont maintenir les lois scélérates, avec l'assentiment des dirigeants français de l'époque. La raison ? Aussi simple que glaçante. « Donner des droits aux juifs, c'est pousser les musulmans - en l'espèce les Algériens (NDLR) - à en réclamer ».
L'intérêt : Jacques Attali a l'immense mérite d'exhumer cet épisode honteux et, de ce fait sans doute, peu mis en avant de notre histoire. Il le fait avec un réel souci de vérité historique, revisitant sous cette lumière nouvelle la rivalité De Gaulle-Giraud, l'antisémitisme de certains dignitaires américains, la collaboration active des dirigeants locaux français, la situation devenue si complexe d'une région où, peu de temps auparavant, toutes les communautés acceptaient de vivre ensemble. Il le fait avec une émotion contenue mais palpable, parce que cette histoire, c'est aussi la sienne - celle de sa famille.
L'Année des dupes, Alger, 1943. Par Jacques Attali. Editions Fayard, 349 pages, 20,90 euros.