Lu dans la presse
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Publié le 18 Juin 2020

France - Stéréotypes, discriminations et actes racistes ne reculent pas en France

Dans son rapport annuel, la Commission nationale consultative des droits de l’homme pointe la permanence des clichés et souligne la hausse du nombre d’actes et discours à caractère raciste. Elle note également que les personnes noires sont particulièrement discriminées.

Publié le 18 juin dans Le Monde

C’est un paradoxe. D’un côté, une tendance qui se stabilise : les Français se maintiennent à un haut niveau de tolérance vis-à-vis des minorités. C’est en tout cas ce qu’indique la Commission nationale consultative de droits de l’homme (CNCDH) dans la dernière édition de son rapport annuel sur la situation en France de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, publié jeudi 18 juin. Alors que les manifestations contre le racisme et les violences policières se multiplient un peu partout en France depuis plus de quinze jours, ce rapport – qui s’appuie sur les réponses d’un échantillon de 1 323 personnes – devait être remis en main propre au premier ministre, Edouard Philippe, dans la matinée de jeudi.

« Pseudo-arguments culturels »

La tolérance varie peu depuis 2016 et oscille autour de 64 points (66 points en 2019, sur une échelle de 0 à 100). Plus l’indice se rapproche de 100, plus il reflète un niveau de tolérance élevé. Mais elle ne prémunit cependant pas contre les préjugés. En effet, stéréotypes, discriminations et actes racistes persistent, même s’ils s’expriment parfois de manière plus indirecte. « Tel un virus, le racisme mute et chaque mutation le rend plus dangereux, alertent les auteurs. Les vieux stéréotypes décrétant l’infériorité physique et morale des minorités ciblées font place à de pseudo-arguments culturels destinés à établir une incompatibilité entre les valeurs et les mœurs de certaines “races” avec la République. » Des discours sur lesquels prospèrent les clichés.

Ainsi, 45 % des personnes interrogées sont convaincues que « l’islam est une menace pour l’identité de la France » (+ 1 point par rapport à 2018) ; 37 % jugent que « l’immigration est la principale cause de l’insécurité » (+ 3 points) ; 59 % sont persuadés que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale » (+ 2 points) ; 60 % pensent que « les Roms [qui restent la minorité la plus stigmatisée] exploitent très souvent les enfants » (– 3 points) ; et 34 % continuent de penser que « les juifs ont un rapport particulier à l’argent » (– 2 points).

« Formes de rejet subtiles »

C’est dans la sphère du travail que « l’origine » – au sens large (origine, nationalité, lieu de résidence, apparence physique, langue, patronyme) – demeure une des principales sources de discriminations. Ce phénomène touche autant le secteur public que le privé.

Le rapport, qui consacre un chapitre au racisme anti-Noirs, souligne que les personnes noires – qui figurent pourtant parmi les minorités les mieux acceptées en France – sont particulièrement discriminées, qu’il s’agisse de l’accès au logement, de l’emploi ou encore du travail, où elles occupent « encore trop souvent une place subalterne dans la société française ». Quel que soit leur parcours ou leur milieu social, elles vivent également les forces de l’ordre comme un danger potentiel, en particulier pour les jeunes hommes. « C’est la culture professionnelle et les pratiques des forces de l’ordre qui doivent donc être remises en cause », suggèrent les auteurs.


Côté judiciaire, la CNCDH enregistre une hausse des actes et des discours à caractère raciste en 2019, « s’ajoutant à celle déjà remarquable de l’année précédente ». Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (chiffres des services de police et de gendarmerie) a enregistré une augmentation de 11 % en un an, soit 5 730 infractions. Le service central du renseignement territorial (faits rapportés par les relais et partenaires associatifs) note lui aussi une augmentation. Par ailleurs, les affaires à caractère raciste détiennent toujours un taux de relaxe (16 %) plus de deux fois supérieur à la moyenne (7 %) dans les affaires d’atteintes à la personne.

L’ampleur du « chiffre noir » – « actes qui échappent au radar de la justice » – reste à évaluer. « Largement sous-déclarés, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie se manifestent souvent à travers des formes de rejet subtiles parfois difficiles à caractériser et à dénoncer pour les personnes qui en sont victimes », est-il précisé dans le rapport.

Sans compter la haine en ligne, un point sur lequel les auteurs portent une attention particulière. La CNCDH recommande depuis plusieurs années à l’Etat français de se doter d’une autorité indépendante de régulation, qui serait notamment chargée de prévenir et de répondre rapidement, et de manière adaptée, aux discours de haine sur Internet.