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Publié le 9 décembre dans le Journal du Dimanche
Le projet de loi contre les séparatismes, finalement baptisé "confortant les principes républicains", a été présenté ce mercredi matin en Conseil des ministres. Présenté le jour du 115e anniversaire de la loi de 1905 sur la laïcité, ce texte, qui comporte une cinquantaine d'articles, n'est pas "contre les religions, ni contre la religion musulmane en particulier", mais vise "l'idéologie pernicieuse portant le nom d'islamisme radical", a souligné le Premier ministre, Jean Castex à l'issue de la réunion gouvernementale. "C'est à l'inverse, une loi de liberté, c'est une loi de protection, c'est une loi d'émancipation face au fondamentalisme religieux", a-t-il ajouté. En voici les principales mesures.
Un contrôle accru des associations et lieux de cultes
La loi permettra un contrôle accru du fonctionnement et du financement des associations, dont les plus controversées ont d'ores et déjà été dissoutes (CCIF, BarakaCity), ainsi que des lieux de culte. Alors que les lieux de culte musulmans sont, pour des raisons historiques, en majorité, régis par la loi de 1901 sur les associations, le texte les incite à s'inscrire sous le régime de 1905 visant les cultes, plus transparent sur le plan comptable et financier. En contrepartie, ils pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus d'immeubles acquis à titre gratuit.
Toute demande de subvention d'une association fera l'objet d'un "engagement de l'association à respecter les principes et valeurs de la République". La violation de ce contrat d'engagement républicain a pour conséquence "la restitution de la subvention".
Les motifs de dissolution d'une association en Conseil des ministres sont élargis. Et les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. En outre, "la certification des comptes annuels par un commissaire aux comptes est prévue dès lors que l'association bénéficie d'avantages ou de ressources provenant de l'étranger".
Ce n'est plus l'article 25 mais le numéro 18. Il crée "un délit de mise en danger de la vie d'autrui par divulgation d'informations relatives à sa vie privée" et "punira le fait de révéler, de diffuser, de transmettre des informations relatives à la vie privée familiale, professionnelle d'une personne permettant de l'identifier, de la localiser dans le but de l'exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique", a détaillé le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
Ce délit est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Une peine relevée à 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende lorsque la personne visée est dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public.
L'article 1 vise à étendre le devoir de neutralité des agents publics aux "délégations de service public (transports, piscines, marchés…) et aux organismes ayant une mission de service public (Pôle emploi, CPAM, CAF)", a indiqué le ministre de l'Intérieur lors du compte-rendu du Conseil des ministres. Concrètement, "il ne sera plus possible de constater des comportements communautaires ou des ports de signes religieux pour ces agents qui travaillent au nom du service public", a ajouté Gérald Darmanin. Une mesure qui concernera des "centaines de milliers de personnes".
Au départ, Emmanuel Macron souhaitait une interdiction totale de l'école à la maison, sauf pour des raisons de santé. Finalement, l'instruction à domicile sera plus strictement encadrée mais restera possible, avec une autorisation annuelle, dans des cas spécifiques : santé de l'enfant, pratique d'activités sportives ou artistiques intensives, itinérance de la famille… Mais pas pour des convictions politiques, religieuses ou philosophiques. "Les services du rectorat prendront en considération la demande des parents, le projet formé par les parents et l'ensemble des critères qui leur permettront d'accorder ou non cette autorisation", expliquait-on mardi à l'AFP dans l'entourage du ministre de l'Education. Aujourd'hui, 62.000 enfants sont instruits en famille, soit une multiplication par deux par rapport à l'année 2016.
Le texte renforce aussi l'encadrement des écoles hors contrat, notamment en introduisant "un régime de fermeture administrative" en cas de "dérives". Jusqu'à présent, il fallait saisir le juge judiciaire. Ouvrir un établissement scolaire privé en dépit d'une opposition des autorités sera passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende.
Le code de procédure pénale sera modifié afin de permettre des comparutions immédiates pour juger les propos haineux sur les réseaux sociaux, qui relèvent aujourd'hui de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il s'agit de donner les moyens à la justice d'agir face la "spirale de haine" en ligne sans toucher "une virgule" à la loi de 1881, a souligné le ministère de la Justice. La mesure permettra de faire juger bien plus rapidement les personnes qui "ne relèvent pas de la 'responsabilité en cascade'" - c'est à dire dont les propos ne relèvent pas de la responsabilité d'un directeur de la publication - et ne concernera donc pas les journalistes, assure la Chancellerie.
Le texte acte l'interdiction, pour les professionnels de santé, d'établir des "certificats attestant de la virginité d'une personne". Les contrevenants seront passibles d'une peine d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.
Le projet de loi renforce aussi l'arsenal sur la polygamie - interdite en France - en généralisant l'interdiction de délivrer un quelconque titre de séjour aux étrangers vivant en France en état de polygamie. Et pour lutter contre les mariages forcés, l'officier d'état civil a pour obligation de "s'entretenir séparément avec les futurs époux lorsqu'il existe un doute sur le caractère libre du consentement" et de "saisir le procureur de la République aux fins d'éventuelle opposition à mariage s'il conserve ses doutes".
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