- English
- Français
Photo : Les archives secrètes du Vatican sur le pontificat du pape Pie XII, ouvertes aux chercheurs le 2 mars 2020. Photo Guglielmo Mangiapane / Reuters
Publié le 3 mars dans Courrier international
La promesse que les documents seraient étudiés dans le calme, sans scandales, aura duré moins de 24 heures. Lundi 2 mars, suivant une décision du Pape François prise l’année dernière, les archives secrètes du Vatican sur le pontificat de Pie XII [1939 – 1958] ont été ouvertes aux chercheurs. Selon les propos de l’historien Alberto Melloni, rapportés le jour même par le quotidien romain La Repubblica, “un travail qui prendrait des mois, voire des années”, allait alors s’ouvrir, tandis qu’un de ses confrères, Marcello Pezzetti, affirmait qu’il était “improbable que quelque chose de significatif émerge de ces documents”.
Mais malgré cette prudence, il n’a pas fallu attendre longtemps avant que la première polémique se déclenche. Dans une sorte de teasing du contenu de la documentation rendue publique, Johan Ick – directeur des archives historiques de la section pour les rapports avec les États du secrétariat d’État du Vatican – a écrit un article dans le quotidien du Saint-Siège, L’Osservatore Romano, présentant des conclusions qui n’ont pas plu à certains.
Johan Ick y affirme que les archives contiennent “170 dossiers présentant les histoires de 4 000 personnes qui ont demandé de l’aide au Saint-Siège [au moment de la Seconde Guerre mondiale]. Il y a parmi ces noms une majorité de catholiques d’ascendance juive, mais aussi de nombreux noms de juifs”.
Voilà qui fait dire à l’auteur que “les archives vont permettre de comprendre la quantité et la qualité des efforts fournis [par le Vatican] pour répondre aux prières des persécutés et des personnes dont la vie était en danger”.
Le rôle du souverain pontife de l’époque dans la déportation des juifs est jugé de façon critique par une partie des historiens. Car comme le rappelle le journal romain Il Fatto Quotidiano, face au drame de la Shoah, “Pie XII n’a jamais exprimé une condamnation de façon publique”. C’est sans doute pour cette raison que l’article de L’Osservatore Romano, a fait tomber de sa chaise Riccardo Di Segni – le rabbin de Rome –, qui sur le sujet, s’est exprimé en ces termes :
"Ces révélations sensationnalistes, à partir de dossiers prêts à l’emploi et de conclusions hâtives, sont très suspectes. Mais de toute évidence, ces ‘révélations’ risquent de se retourner contre ceux qui veulent blanchir [Pie XII] à tout prix. Il est clair qu’il n’y a eu aucune volonté d’arrêter le train du 16 octobre [1943, qui déporta plus de 1 023 Juifs du ghetto de Rome vers Auschwitz] et que le Vatican ne venait en aide qu’aux [personnes d’origine juive] baptisés."
Cette critique virulente du rabbin de Rome, rapportée par Il Fatto Quotidiano, se conclut par une invitation à la prudence adressée au Saint-Siège : “Après avoir dit qu’il faudrait des années d’études [pour analyser ces documents], on publie de telles choses dès le premier jour ? De grâce, laissez travailler les historiens !”