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Aucun individu moralement normal ne peut s'empêcher de ressentir une bouffée de haine envers ceux qui commettent des crimes pareils. Je garde un souvenir très fort de la nuit d'angoisse que j'ai passée le 1er octobre 2000. Comment continuer à soutenir Israël, après avoir vu à Antenne 2 les images de l'enfant Al Dura dont la voix d'airain alors insoupçonnable de Charles Enderlin nous assurait qu'il avait été tué par les balles de soldats israéliens dont tout le reportage suggérait qu'ils s'étaient amusés à "faire un carton" sur un enfant désarmé et son père?
Nous en avons depuis lors beaucoup appris sur les entreprises palestiniennes de fabrication et de montages d'images, arme essentielle de la désinformation médiatique.
Depuis cette affaire dramatique, pour laquelle, je n'en doute pas, la vérité publique de l'évidente manipulation sera reconnue un jour, trop longtemps après, l'efficacité de ces images pour créer des vocations de terroristes est restée inégalée. Nul n'a oublié les paroles de Mohamed Merah à son officier traitant: il avait tué pour "venger les enfants assassinés de Gaza". Et nous avons entendu des commentaires du genre "ce qu'a fait Merah est terrible, mais ce que font les Israéliens à Gaza, etc., etc.".
Faut-il le rappeler? Tous les journalistes le savent bien: c'est en Syrie qu'on torture les enfants et qu'on les tue pour épouvanter leur famille, pas en Israël. Vous n'avez pas vu distribuer des images sur les crimes du régime syrien, comme vous n'avez guère vu de manifestation de protestation contre lui.
Contre Israël oui, et de plus en plus.
Un livret en couleurs diffusé par Europalestine est destiné à être distribué aux enfants à la sortie des stades. Il décrit avec un luxe de détails morbide les tortures inimaginables infligées aux enfants palestiniens par les affreux Israéliens: son objectif est évidemment le boycott footballistique d'Israël. Inutile de rappeler qu'avec Europalestine les mensonges les plus ignobles sont les plus bienvenus. Imaginons le traumatisme que va ressentir dans le vestiaire un enfant juif alors que ses camarades de sport lisent un torchon de ce genre. Nous avons écrit aux autorités du monde des sports et du football. Nous attendons leur réponse. Incitation à la haine caractérisée...
Mais il y a aussi incitation à la haine lorsqu'un clip décrit, de façon certes plus sophistiquée que ce livret (la plume de Jean Pierre Filliu est passée par là) les enfants de Gaza comme destinés à être tués par l'armée israélienne. Et lorsque la chanson qu'il promeut est chantée par un groupe célèbre (Zebda), on imagine sans peine l'effet dévastateur.
On pourrait penser, dans le contexte actuel, que chacun dans son domaine prendrait garde à ne pas ajouter de l'huile sur le feu qui flambe de l'antisémitisme. Que non! Au contraire peut-être. Il convient avant tout de montrer que cet antisémitisme -pardon cet antisionisme, vous demanderez la différence à ceux qui hurlent contre les "yahoud"- est au fond justifié.
Et France Télévision se prête au jeu. Vous avez dit "irresponsable?"...
Irresponsable, aussi, Twitter qui met sans gêne en tête des hashtags les plus fréquentés celui du "bon juif". Le déferlement des définitions les plus abjectes représente-t-il une montée de l'antisémitisme ou est-il seulement un effet de loupe produit par un groupe limité de crétins antisémites, comme Internet sait si bien le provoquer? Je l'ignore, mais lorsque je lis dans les tweets qu'un bon Juif est un Juif mort, j'ai peine à penser qu'il ne s'agit, comme le suggèrent de bonnes âmes, que d'une façon de parler sans conséquence et lorsque je vois la quantité de contributeurs, je suis inquiet.
Ce genre d'injure contre un groupe d'individus (à bien distinguer, il va de soi, du blasphème..) est autorisé par la loi américaine (le sacro-saint 1er amendement....) et Twitter est une société de droit américain. Mais il ne l'est pas en France.
L'anonymat des foules a toujours été dans l'histoire un vecteur essentiel de propagation de la violence. L'anonymat que permet Internet est en train de parvenir au même résultat. Ce même anonymat permet aussi une expression libre dans un régime de dictature et cette liberté-là est un acquis considérable. Mais les démocraties trop permissives risquent gros à fermer les yeux sur les dérives de la toile.
Richard Prasquier
Président du CRIF