Il est vrai que nous étions stupéfaits par sa propension à grandir ou à laisser grandir par ses thuriféraires dévoués, le rôle qu'il avait tenu dans plusieurs événements importants de notre histoire ainsi que par la volonté des médias de ne pas relayer ses déclarations sur la bénignité de l'occupation nazie en France qui, émises par tout autre que lui, auraient soulevé l'indignation.
Il va sans dire que nous étions effarés par le succès de son fascicule d'une indigente indignation.
Nous pensons que la mise au pavois de Stéphane Hessel, malgré ses accommodements avec la vérité historique et sa faiblesse argumentative, en dit beaucoup sur le désarroi intellectuel de notre société et sur le rôle aberrant qu'y joue le marketing des individus qu’on transforme à bas prix en luminaires idéologiques.
Stéphane Hessel fut avant tout un maître à ne pas penser.
Son grand âge, son sourire, son apparente ingénuité, son indignation focalisée et ses poèmes surannés évoquaient un monde angélique, mais pavaient la route, certainement sans qu’il le voulût lui-même, aux véritables criminels tapis derrière l’enfer des bonnes intentions.
Le travail de déconstruction de Stéphane Hessel sera effectué. Mais en ce jour de sa mort, nous voulons aussi retenir de lui qu'il fut un résistant courageux, un contributeur, modeste, mais réel, à la lutte pour les droits de l'Homme (y compris à l'époque des refuzniks) et un amoureux passionné des lettres françaises.
Richard Prasquier