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Il faut savoir que la traque de l’assassin n’a pu réussir aussi rapidement que parce que les moyens en personnel mis en œuvre ont été exceptionnels : des centaines de policiers ont littéralement travaillé nuit et jour à croiser des dizaines de milliers d’informations disparates. Des questions sur la prévention et le modus operandi de l’assaut sont légitimes mais doivent rester dans le cercle étroit de ceux qui possèdent l’ensemble des données et des compétences et ne pas se transformer en discussion de café de commerce. En tout cas, l’engagement des hommes du Raid et leur professionnalisme ont été salués à cette occasion par les services étrangers analogues, entre autres les américains, les anglais et les israéliens. Enfin, l’enquête ne fait que commencer et bien des questions sur les complicités, les contacts et les sources de financement n’ont pas de réponse.
La semaine de deuil pour les familles Sandler et Monsonego s’achèvera demain : leur dignité a été incroyable ; elle aura bouleversé le chef de la diplomatie française, le Ministre d’Etat Alain Juppé, venu en Israël accompagner les cercueils. Dans ce drame abominable, je crois pouvoir dire que, en tant que communauté juive, nous avons fait ce que notre devoir nous imposait de faire. Mais je voudrais rendre un hommage particulier à la Communauté de Toulouse qui a su faire face à cette situation inouïe avec beaucoup de courage, de dignité, de fermeté et d’efficacité. Il était juste que la manifestation nationale se déroule à Toulouse où la population de la ville est venue en masse répondre à l’appel des organisateurs.
Ce soir une cérémonie à la Victoire marquera la fin de cette semaine qui restera une marque noire dans l’histoire de la communauté juive de notre pays. Dès demain ce sera pour nous le temps des premiers bilans, des étonnements, et des inquiétudes sur le futur. Nous ne reculerons pas devant ces interrogations qui ont malheureusement parsemé ces derniers jours et dont les moindres ne furent pas la transformation d’un coupable en victime, ou tout au moins une euphémisation sociologisante de ses actes et notre difficulté de faire passer ces messages très simples :
1° Ce n’est pas le racisme qui a tué, c’est l’antisémitisme véhiculé par une idéologie islamiste qui considère, comme l’ont déjà fait les nazis, que les Juifs ne sont pas des êtres humains dignes de ce nom. A ce titre leur meurtre apporte la bénédiction divine. La lutte contre le racisme est toujours légitime, mais dans le cas présent elle est hors sujet, sauf si elle s’applique, et autant le dire, à l’amalgame que certains veulent faire entre les musulmans et les extrémistes terroristes islamistes. Le refus de cet amalgame a été notre attitude constante au cours de ces journées.
2° Les chrétiens et les musulmans qui n’acceptent pas de se conformer aux règles établies par les fanatiques sont eux aussi des victimes potentielles « légitimes ». Cela s’est produit dans bien des pays musulmans et peut se produire en France dans l’avenir. Les Juifs ne sont pas les seules cibles possibles : l’assassinat des soldats le confirme.
3° Les lourdes allusions aux « enfants de Gaza » sont scandaleuses et la diffusion des images d’enfants tués ne devrait se faire qu’après un filtrage soigneux des documents. Or, n’est pas le cas depuis longtemps. On sait en effet qu’il s’agit du sujet privilégié de la propagande anti-israélienne et que les truquages sont très fréquents, par exemple pour ne parler que des derniers en date, lors de la récente riposte israélienne aux tirs provenant de Gaza. Les comparaisons de Madame Ashton entre les enfants de Gaza et ceux de Toulouse sont évidemment d’une insondable et non surprenante bêtise. Mais les remarques de Henri Guaino sur Gaza relèvent malheureusement d’une grande ignorance de la situation locale : ce n’est pas Israël qui empêche les Gazaouis de se baigner dans la mer…..
4° Comprendre que les émules d’Al-Qaïda sont infréquentables ne doit pas faire conclure que les Frères Musulmans sont des modérés. A moins d’accepter qu’un prêcheur puisse promouvoir le meurtre des Juifs sans perdre cette qualité de modéré. Nous demandons de la part des pouvoirs publics, quelques jours avant un choquant casting international pour le prochain congrès de l’UOIF, une explication à ce sujet. La communauté juive a au minimum le droit d’exiger cette clarification.
Je reviendrai sur ces différentes et inquiétantes difficultés d’explication. De leur résolution dépend en partie l’avenir de la communauté juive de France et, au-delà, l’avenir de la communauté française elle-même.
Richard Prasquier
Président du CRIF