Le CRIF en action
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Publié le 21 Mars 2012

Discours d’Albert Roche lors de la cérémonie du 20 mars à Bordeaux

Mesdames et messieurs, mes chers concitoyens,

 

Au nom du CRIF de Bordeaux Sud-ouest Aquitaine, je vous remercie d’être venus si nombreux pour témoigner votre soutien aux familles endeuillées, et défendre les valeurs de notre République, de démocratie et de liberté.

Il serait totalement illusoire d’opposer la douleur des uns à la douleur des autres, de vouloir hiérarchiser la gravité des actes commis

Lorsque l’horreur et la sauvagerie s’invitent avec une telle brutalité dans le cours de nos vies, rythmées par le quotidien de la routine, les mots s’entrechoquent, les idées s’embrument, et la réalité froide et crue nous impose la tyrannie du silence.

 

En ce lundi matin du 19 mars 2012, qui d’entre nous, quel citoyen français, fier de la pluralité de notre République, aurait pu imaginer qu’un homme, car les hommes sont capables de cette régression dans l’atrocité de leurs actes, qu’un homme disais-je, avait pu se lever tôt, se doucher, se raser peut-être, boire un café, et enfourcher un scooter pour aller froidement, presque méthodiquement assassiner des enfants, exécutés à bout portant, sans pitié, pour le seul crime d’avoir été des enfants juifs.

 

Comme l’ont rappelé plusieurs candidats à l’élection présidentielle, ce sont des enfants de la France qui ont été assassinés.

Je veux saluer le consensus politique qui nous rappelle que la concitoyenneté est le plus sur ciment de la cohésion sociale, comme l’aurait dit Emmanuel Lévinas : « Rien de ce qui atteint l’autre ne m’est indifférent. »

 

Les mobiles du tueur, comme le rappelait Claude Guéhant, trouvent leur source évidente dans un antisémitisme nouveau qui ne crie pas ses slogans, qui n’appelle pas publiquement à la haine, mais qui distille jour après jour, lentement mais surement, les éléments constitutifs d’une haine aussi irrationnelle qu’insupportable, précisément parce que dénuée de toute logique, coupée de toute morale et détachée de tous les principes fondamentaux de l’Ethique.

 

Nous partageons la douleur et la révolte des familles des militaires français assassinés selon la même méthode, avec la même arme, et très vraisemblablement par le même homme.

 

Comment ne pas lier le mobile antisémite de l’assassinat de nos enfants, au caractère manifestement raciste de l’assassinat de ces militaires, puisqu’ils étaient les uns d’origine maghrébine, et un autre d’origine antillaise.

 

Il n’y a pas de graduation dans le discours et dans les actes de l’Idéologie raciste ou antisémite, noirs, arabes ou juifs, faisons  aujourd’hui la cruelle expérience d’être conjointement touchés.

 

Il serait totalement illusoire d’opposer la douleur des uns à la douleur des autres, de vouloir hiérarchiser la gravité des actes commis.

 

C’est toute la nation française qui aujourd’hui, pleure ses enfants, ses défenseurs, ses enseignants.

 

A quelques semaines du scrutin capital de l’élection du prochain Président de la République, il est permis de penser, du moins j’en caresse l’ espoir, que certains thèmes de la campagne visant à stigmatiser les juifs, les musulmans, les étrangers, la menace à nos portes ou dans nos murs, on peut espérer que cette campagne présidentielle nous parlera un peu plus, un peu mieux, un peu plus longuement de notre diversité culturelle, de l’exaltant défi du vivre ensemble, pour que par delà les drames que nous avons vécu ces jours derniers, ces jeunes militaires maghrébins et antillais et ces jeunes élèves d’une école juive, ne soient pas morts pour rien.

 

Dr Albert Roche