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Allocution du Premier ministre français, Dominique de Villepin, au Mémorial de la Shoah, le 14 juin 2006
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Le mur que nous inaugurons ensemble, Monsieur le premier Ministre, élève et grandit le coeur. Car il porte le souvenir d’hommes et de femmes qui ont sauvé, au péril de leur vie, d’autres hommes et d’autres femmes, des enfants, leurs voisins, des amis d’amis, la plupart du temps des inconnus, et qui l’ont fait au nom d’un seul et unique devoir qui nous est rappelé aujourd’hui à tous : le devoir d’humanité.
Aujourd’hui, en ce lieu chargé d’émotion, inauguré il y a plus d’un an par le Président de la République, en ce lieu qui porte les noms des victimes de la haine et de la barbarie, je veux dire que rien n’écartera notre pays de son devoir de mémoire et de vérité.
La vérité, c’est que la France n’a pas su protéger ses enfants face à la haine et à la barbarie. La vérité, c’est que la République a abandonné à la persécution et à la violence des citoyens qui avaient toujours défendu ses valeurs avec conviction et ferveur. La vérité, c’est que l’Etat français a secondé la folie nazie, en organisant les rafles et la déportation de 76 000 personnes.
Cette vérité, il a fallu beaucoup de persévérance et de courage pour que notre pays la regarde en face. Le courage d’un Addy FUCHS, déporté à Auschwitz à 16 ans et qui se souvient du retour des déportés : « Quand on est revenus, on a raconté. Mais on ne nous a pas cru. Certains même nous en ont voulu d’être revenus vivants de l’enfer ! Alors on s’est tu. » La persévérance d’un Isaac SCHNEERSOHN qui, avec d’autres responsables de la communauté juive, a voulu, avant même la Libération, rassembler les preuves de la persécution des juifs afin de garder vivant le souvenir des victimes. C’est grâce à eux et au Centre de documentation Juive contemporaine fondé à Grenoble en 1943 que fut inauguré le 30 Octobre 1956, le mémorial du martyr juif inconnu, le premier mémorial de ce genre créé dans le monde, avant même celui de Yad Vashem.
La vérité, il nous faut l’enseigner et la faire vivre pour qu’elle ne soit jamais oubliée. Et je veux saluer le travail de la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui s’engage, sous l’impulsion de sa présidente Simone VEIL, pour que le fil de la mémoire ne soit jamais rompu.
Aujourd’hui, alors que nous venons de parcourir à nouveau l’allée du mémorial et que nous hantent les noms des victimes, nous voulons nous souvenir des Justes.
Les Justes, ce sont d’abord ceux qui ont brisé le silence qui s’était abattu sur toute l’Europe dès les premiers mois de l’occupation nazie. La France n’a pas échappé à ce silence : silence face à l’adoption du statut des Juifs le 3 octobre 1940, silence face à la spoliation de leurs biens, silence aussi face au recensement de juin 1941 ou à la terrible loi de juillet 41. Silence encore lorsque à partir d’octobre 1940 les Juifs étrangers qui étaient venus chercher refuge en France, puis les Juifs français sont internés : Rieucros, Pithiviers, les Mille, Beaune-la-Rolande, Drancy. Rares furent les voix qui s’élevèrent alors contre des camps qui déshonoraient la France.
Rares furent aussi ceux qui s’insurgèrent contre la révocation des fonctionnaires et notamment des enseignants juifs. Certains pourtant donnèrent l’alarme, comme les lycéens et les professeurs du lycée Henri IV, comme le doyen de la Sorbonne Joseph Vendryès, ou Gustave Monod, inspecteur général de philosophie qui quitta son poste en signe de protestation. Mais ces actes individuels n’ont pas suffi à briser l’indifférence avec laquelle l’opinion publique assistait à ce lent égarement : il n’y eut pas, comme le déplora André Neher, professeur dans un collège de Brive-la-Gaillarde, de « raz-de-marée d’immédiate résistance, un unanime cri de protestation ». Rien ne pourra jamais excuser cet affaissement moral qui avait muselé les esprits et les coeurs.
Il aura fallu attendre l’obligation du port de l’étoile jaune puis les grandes rafles de l’été 1942 pour que naisse le sursaut. C’est alors que les Cahiers du témoignage chrétien publient une brochure clandestine qui porte ce titre : « France, prends garde de perdre ton âme. » A l’instar du message adressé le 26 mars 1941 par le pasteur Boegner au grand rabbin Isaïe Schwartz, ou de l’appel des cardinaux et des évêques de la zone occupée au maréchal Pétain le 22 juillet 1942, de plus en plus de voix s’élèvent pour appeler la France à retrouver sa dignité et la fidélité à ses valeurs.
Un quart des juifs de France ont péri dans les trains et dans les camps. Ce déshonneur est gravé à jamais dans notre mémoire. Les autres doivent leur survie à leur courage et à leur lucidité mais aussi à la solidarité active qui s’est déployée dans notre pays à partir de l’été 1942.
Depuis plus de 40 ans le Musée Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem honore la mémoire des hommes et des femmes qui, n’étant pas juifs, se sont engagés pour sauver la vie des juifs persécutés. 21 310 Justes parmi les nations ont été reconnus à ce jour à travers le monde, dont 2693 en France. Leurs noms sont inscrits sur le mur que nous inaugurons aujourd’hui.
Derrière ces noms il y a des hommes et des femmes issus de toutes les régions de France, de tous les milieux. Il y a des médecins, des infirmières, des enseignants, des fonctionnaires, des policiers, des prêtres et des pasteurs, des commerçants, des fermiers, des ouvriers. Derrière ces noms il y a des histoires multiples, des opinions politiques diverses, des convictions différentes.
Les Justes ne sont pas des hommes et des femmes du hasard, même s’il suffit parfois d’une rencontre, d’une circonstance pour précipiter le destin. Ce qu’ils ont en commun, c’est cette part d’humanité, cette part de folie même face au danger, qui fait que rien ne résiste à l’appel de l’autre, ni l’intérêt, ni la peur, ni l’égoïsme
En hébergeant des enfants dans leurs maisons ou dans leurs fermes, en ouvrant leurs églises ou leurs couvents à des familles entières, en organisant des évasions à partir des camps d’internement, en aidant au passage de la frontière suisse ou espagnole, en fabricant de faux papiers civils ou religieux, ces citoyens ont permis de sauver des milliers de citoyens juifs, Français mais aussi étrangers. Ils ont la gratitude des Juifs, d’Israël et de la France.
En passant devant ce mur, en lisant les noms des individus, les noms des villages et des régions, on voudrait pouvoir raconter chacune des ces histoires. Quelle que soit leur ampleur, quelles que soient les circonstances, quel que soit le nombre de personnes sauvées, il y a toujours à l’origine une même évidence : l’évidence de l’autre qui souffre et à qui on veut tendre la main. Il y a aussi toujours le même courage : le courage de ceux qui, en l’espace de quelques secondes ont choisi leur camp.
- On voudrait raconter l’histoire d’Irène et de Renée Paillassou, institutrices à Saint-Pierre-de-Fursac dans la Creuse, qui cachèrent le docteur Meiseles et sa femme d’abord chez elles puis dans une cabane perdue dans la montagne du Vaucluse;
- Ou encore l’histoire d’Hélène Dupuy, qui sauva à Périgueux les trois fils de la famille Gurska, alors que leurs parents avaient été déportés à Auschwitz.
- Il y a aussi Marcelle Guillemot, cette jeune assistante sociale qui permit, avec l’aide des paroissiens du temple de l’Oratoire du Louvre, le sauvetage de 63 enfants parisiens.
- Il y a le père Francis Coeuret, membre actif de la résistance, qui prit tous les risques pour sauver la famille Goldenstein à Villars-sur-Var.
A cet instant précis, ces hommes et ces femmes nous rappellent qu’il est un devoir qui dépasse tous les autres, un devoir de protection, un devoir d’assistance, et peut-être plus simplement encore un devoir d’humanité. Oui, à cet instant précis, pour se sauver soi, il fallait prendre le risque de porter secours à l’autre. Oui, à cet instant il s’agissait bien de sauver l’homme dans son évidence première.
Aujourd’hui nous pensons aussi à tous ces villages, le Chambon-sur-Lignon bien sûr auquel le président Jacques Chirac a rendu hommage, mais aussi Dieulefit, Alès, Florac, Saint-Léger, Vabre, Lacaune, tous ces villages où s’organisa une véritable solidarité collective et qui offrirent refuge à tant de familles et d’enfants persécutés.
Nous pensons également aux organisations religieuses ou laïques, la Cimade, l’Amitié chrétienne, l’Entraide temporaire, le Mouvement national contre le racisme et toutes les autres dont le rôle fut essentiel dans le soutien à ces actions individuelles. Nous pensons aux organisations juives de la résistance qui ont organisé et permis le sauvetage de milliers de Juifs de France, en particulier les Eclaireurs israélites et l’OSE.
Enfin, nous pensons aujourd’hui aux milliers de Français dont le nom ne figurera jamais sur ce mur, parce qu’ils ont agi dans l’anonymat, et dont un simple geste, un regard, un mot a permis de protéger une famille en fuite.
Le Talmud nous rappelle que « celui qui sauve un être humain sauve l’univers tout entier ». Par leur révolte, leur bravoure et leur humanité, les Justes de France ont sauvé l’âme de notre nation. Dans un pays accablé par la guerre, l’occupation et la barbarie, ils ont ouvert une brèche d’humanité et de liberté. Dans une République fondée sur l’égale reconnaissance de tous les citoyens, ils ont agi en défenseurs de nos principes et de nos valeurs. Gardiens de notre identité et de notre histoire, ils ont prouvé que ni l’occupation ni le Régime de Vichy n’avaient pu venir à bout de l’esprit de notre nation, une nation qui avait fait de l’émancipation des juifs l’application concrète des ses principes nés de 1789.
Leur souvenir constitue pour nous une consolation mais aussi une exigence. Leur histoire nous dit que le courage est toujours possible et l’humanité une nécessité. Il n’y a jamais d’excuse valable pour la lâcheté, le renoncement ou l’indifférence, quand la vie d’un homme est en jeu, quand nos principes les plus fondamentaux sont menacés. Ce que j’ai fait, nous disent les Justes, c’est aider quelqu’un qui avait besoin de moi. Ce que j’ai fait, c’est tout simplement me comporter en être humain. Ce que j’ai fait, n’importe qui aurait pu le faire. N’importe qui aurait dû le faire.
Cette exigence, nous devons la garder au fond de nous-mêmes. Elle doit nous guider dans toutes les circonstances de notre vie d’hommes, de femmes, de citoyens. Elle doit animer dans notre pays le combat contre toutes les formes d’intolérance, de racisme et de discrimination. Elle doit nous pousser à rester attentifs à la souffrance d’autrui et aux injustices qui nourrissent la haine et l’incompréhension.
Mesdames, messieurs
Les Justes ont sauvé l’esprit de l’Europe et de la France. Leur histoire doit être racontée, transmise, rappelée, car elle est la preuve que l’homme survit malgré la peur et l’oppression. Les Justes nous montrent le chemin. Ils nous disent que seule la fraternité peut sauver une société en déroute. Ils nous disent qu’il faut toujours croire en l’homme et le servir.
Oui, il suffit d’une étincelle, d’une flamme, pour maintenir l’espoir vivant. Pour affirmer, face à l’irréparable, que jamais le cœur de l’homme ne pourra être effacé, que jamais la bête immonde n’aura raison d’une main tendue, d’une main amie.
Je vous remercie.
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Allocution de Bertrand Delanoë, Maire de Paris, au Mémorial de la Shoah le 14 juin 2006
Mesdames et Messieurs les survivants de la Shoah,
Mesdames et Messieurs reconnus « Justes parmi les Nations »,
Messieurs les Premier ministre,
Monsieur le ministre,
Monsieur le Président du Mémorial de la Shoah,
Chers amis,
En ce lieu imprégné par la force de l’Histoire, comment distinguer entre nos émotions ? L’horreur et la honte qui affluent, mais aussi une admiration inouïe, face à l’héroïsme des Justes.
Soixante ans déjà. Soixante ans, seulement. Une monstrueuse coalition de la haine et de l’indifférence, a arraché des millions d’êtres à l’affection des leurs, à cet humble écheveau de sentiments, de contraintes et de joies, qui font tout simplement la vie.
Ici, dans notre vieille Europe, ils furent traqués et condamnés à disparaître de la communauté humaine.
Car le dessein impitoyable de l’idéologie nazie consistait à détruire leur dignité en même temps qu’on les assassinait.
Par ce crime, c’est notre civilisation tout entière qui voyait s’effondrer les piliers de sa propre existence. Je veux parler de cet édifice patiemment construit, cet univers fécond inspiré des Lumières, auquel la mémoire du génocide oppose, désormais, le plus terrifiant des points d’interrogation.
Six millions d’enfants, de femmes et d’hommes exterminés, coupables d’être nés Juifs...
Depuis, le souvenir de ce peuple martyr nous hante, obsédant comme un remords, ardent comme une brûlure, présent comme une menace. Ils sont partis dans l’enfer des camps et aujourd’hui, ils nous observent de ce regard que décrivait Albert Cohen : « avec ces tristes yeux qui savent, ces yeux élargis par l’épouvante, ces yeux ouverts sur le néant ».
Ils sont morts, parce que la lâcheté et la collaboration ont été les instruments serviles du projet terrifiant de leurs bourreaux.
La France a alors perdu une part de son âme. Complice de l’indicible, elle a livré ses propres enfants.
Elle les a abandonnés, eux qui avaient tant cru en elle. Cette France, où les Hommes, un jour, avaient déclaré que tous, naissent et demeurent libres et égaux. Cette France qui, avant tous les autres pays en Europe, avait dit aux Juifs, « Vous êtes des citoyens ! ».
Oui, c’est dans le Paris des trois grandes Révolutions et de la République que les Juifs, après avoir traîné leurs attentes, de ghetto en ghetto, de siècle en siècle, avaient enfin, selon le mot de l’abbé Grégoire, « reposé leurs têtes et séché leurs larmes ». Pourtant, ici, dans cette ville séculaire dont le nom exalte à lui seul l’idée même de Liberté, le pire s’est produit. Ce que les Justes ont évité à la France, c’est donc la perte intégrale de sa propre identité. Les Justes, c’est cette étincelle d’humanité au sein d’un monde plongé dans l’indifférence. Cette capacité, magistrale, à demeurer debout, dignes, lucides. Pourtant, en ces années de chaos, au milieu des brumes de la peur, comment discerner le bien du mal ? Peu à peu, quand l’hiver se prolonge, cauchemar insoutenable qui annihile les sens, durer, manger, dormir, suffisent à remplir tant d’existences. Dans cette quête épuisante, comment trouver alors un autre chemin que celui du renoncement ? Les Justes ont répondu. Ils savaient que l’épreuve trace toujours une frontière rigoureuse entre l’honneur et la honte.
Malgré les périls et la mort, omniprésente, ils ont choisi l’honneur. Dans le visage des Juifs persécutés, ils n’ont rien vu d’autre que la souffrance de leurs frères humains. Pour eux, ces êtres innocents, humiliés, brutalisés, incarnaient l’essence même de la condition humaine. Et le plus bouleversant dans les témoignages des Justes, c’est qu’ils considèrent toujours leurs actes, comme normaux, évidents.
En réalité, parce qu’ils ont tendu la main à celui qui chavire, entendu son cri, apaisé sa douleur, ils sont exceptionnels, sentinelles admirables de notre conscience collective. Guidés par le refus de l’insupportable, les Justes ont permis que les trois quarts des Juifs de France fussent sauvés, alors que les trois quarts des Juifs d’Europe ont péri.
Après cette tragédie imprescriptible de la Shoah, plus que jamais, les Juifs ont pensé que seule une terre, un refuge ultime, dessinerait pour eux les contours de l’avenir.
Nous savons désormais, avec Elie Wiesel, que « les Juifs peuvent vivre en-dehors d’Israël, mais qu’ils ne pourraient pas vivre sans Israël ». Et je suis heureux, Monsieur le Premier ministre, de pouvoir l’affirmer devant vous.
Les Justes, partout à travers le monde, ont permis que la diaspora ne se conçoive pas comme un exil. Ils sont la revanche de la faiblesse sur la barbarie.
Et le mur qui leur est dédié, forme désormais une constellation magnifique.
Tous ces noms, auxquels chacun de nous, est forcément redevable.
Parce qu’en sauvant une vie, c’est, pour paraphraser l’enseignement talmudique, l’humanité entière que les Justes ont sauvée.
Merci au Mémorial de la Shoah, merci, cher Eric de Rothschild, d’avoir su, ainsi, exprimer l’immensité de notre reconnaissance en donnant aux Justes, la place qui leur revient, ici même, dans ce lieu symbolique. Notre respect est à la mesure de la grandeur de leur âme et de leur courage.
Leur message nous donne cette force qui laisse intactes, les chances de la civilisation. Parce qu’il nous dit que chaque Homme, quand il sait puiser dans sa propre quintessence, révèle une promesse qui éclaire la vie…
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Allocution du Premier Ministre, Dominique de Villepin, lors du lancement de la Fondation France-Israël
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Cher Jean-Louis,
Monsieur le Premier ministre, Cher Ehoud,
Monsieur le Ministre, Cher Philippe,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Représentatif des institutions juives de France,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je remercie le président Jean-Louis DEBRE de nous accueillir ici, dans ce haut lieu de notre République dont il a su faire, avec son talent et son engagement, un lieu de partage et d’échange. Et je suis particulièrement heureux que le Premier ministre de l’Etat d’Israël, Ehoud OLMERT soit parmi nous. Les liens qui unissent la France et Israël sont un atout que nous devons valoriser. C’est le sens de la Fondation France/Israël dont nous célébrons aujourd’hui le lancement, une Fondation voulue par le Président de la République et le Premier ministre Ariel SHARON lors de sa visite à Paris, il y a presque un an. Permettez-moi d’avoir en cet instant une pensée pour cet homme de devoir et d’action, si douloureusement frappé par la maladie.
A tous ceux qui ont donné de leur temps et de leur imagination pour que ce projet devienne une réalité, je veux dire merci. Je sais aussi tout le travail qui reste à accomplir pour faire vivre cette institution. Vous pouvez compter dans cette tâche sur mon engagement personnel ainsi que celui de tout mon gouvernement.
1. Mesdames et Messieurs, je suis fier de le dire ce soir : l’amitié franco-israélienne est aujourd’hui plus forte.
Tout au long de leur histoire, la France et Israël n’ont cessé de renforcer les liens qui les unissent.
- Des liens politiques, mais aussi, et surtout, des liens humains : car les juifs de France constituent la deuxième communauté juive au monde hors d’Israël, une communauté que le CRIF, dont je salue le Président, représente dans toute sa diversité. Tout comme les Israéliens d’origine française, ils entretiennent la relation unique entre nos deux pays.
Cette amitié franco-israélienne, nous nous sommes engagés pour la fortifier.
- Pour cela nous avons décidé de créer en 2002, avec Shimon PERES, le « groupe de haut niveau », afin de permettre à nos entreprises, à nos universités, à nos associations, à nos artistes et à nos scientifiques de mieux se connaître et de coopérer davantage.
- Depuis quatre ans, nous avons également su relancer le dialogue politique. Je pense notamment à la visite d’Ariel SHARON en juillet dernier, qui a été pour nous tous un moment particulièrement fort.
Cette mobilisation va de pair avec l’engagement résolu de la France dans la lutte contre l’antisémitisme.
- C’est une priorité absolue pour mon gouvernement : nous ne pouvons pas accepter que des citoyens français soient agressés, harcelés ou tout simplement intimidés en raison de leurs croyances. C’est une atteinte à nos valeurs humanistes et aux principes mêmes de notre République. L’odieux assassinat d’Ilan HALIMI et les récents incidents dans le quartier du Marais nous ont rappelé la nécessité de nous battre sans relâche contre ce fléau.
- Nous le faisons en renforçant notre dispositif de répression et de prévention, notamment dans les écoles.
- Aujourd’hui, nos efforts portent leurs fruits : les actes antisémites ont diminué de 47% en 2005 par rapport à l’année précédente. Ce combat, la France le poursuivra avec la plus grande fermeté, sur le territoire national, mais également en Europe et dans les enceintes internationales.
Ces efforts sont d’autant plus importants que notre pays regarde son passé en face et veut être fidèle à son devoir de mémoire. C’est un impératif de la culture juive, « Zakhor», c’est aussi le choix de la France. Monsieur le Premier ministre, nous venons d’inaugurer ensemble le mur des Justes, au mémorial de la Shoah à Paris : c’est un hommage que nous rendons à ces femmes et à ces hommes qui, par leur courage et leur humanité, ont sauvé l’âme de la France. C’est un hommage auquel je sais que vous étiez personnellement très attaché. Je veux saluer ce soir, en notre nom à tous, l’action courageuse de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et sa Présidente Simone VEIL qui est présente aujourd’hui parmi nous. Je veux aussi rendre hommage au travail accompli par le mémorial de la Shoah, notamment envers les jeunes générations.
2. Avec la Fondation France-Israël, nous avons décidé de franchir une nouvelle étape.
Elle permettra d’encourager des projets communs dans tous les domaines, économique, universitaire, scientifique, artistique et culturel. Ce travail est particulièrement important pour rapprocher les jeunes générations.
Il est également indispensable parce que nos deux sociétés font face aujourd’hui à des défis semblables : la mondialisation, la quête de repères, l’accès au savoir et à l’emploi, la nécessité de la solidarité, de l’intégration et de la cohésion sociale. Face à ces défis, nous devons partager nos expériences et avancer ensemble.
Je me réjouis que la Fondation ait d’ores et déjà engagé des actions fortes : je pense au succès du festival du film israélien de Paris en janvier dernier, au voyage de l’Ecole de journalisme de l’Institut d’études politiques de Paris en Israël, en février, ou encore, le mois dernier, au colloque entre la Sorbonne et l’université de Tel-Aviv et aux « Journées de l’amitié franco-israélienne » qui ont mis en valeur tous les domaines de notre relation, qu’il s’agisse de la médecine, de la recherche ou des arts.
De grands projets s’ajouteront bientôt à ces premières avancées, notamment la « semaine de l’amitié franco-israélienne », avec le grand colloque sur la francophonie juive, qui sera organisé en Israël en novembre à l’occasion de l’inauguration du nouvel institut français de Tel Aviv.
Il faut maintenant que la Fondation puisse s’appuyer sur des bases solides.
- Le gouvernement français est déterminé à soutenir la Fondation. Nous avons contribué au financement de ses premières actions. Nous sommes prêts à poursuivre cet effort, selon des modalités qui devront préserver son indépendance.
- La Fondation doit également pouvoir compter sur un engagement fort de l’Etat israélien : votre présence ce soir, Monsieur le Premier ministre, témoigne de votre volonté d’agir en ce sens.
- Enfin, le succès de la Fondation passe par l’implication d’autres acteurs, collectivités locales ou entreprises, par exemple, qui est nécessaire pour assurer son autonomie d’action.
3. Cette amitié entre nos deux pays, nous devons la mettre au service de la paix, car nous avons plus que jamais des défis importants à relever.
Le défi de la paix au Proche-Orient d’abord.
- Vous le savez, la France, avec l’Union européenne, est pleinement engagée en faveur d'une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien. Cet engagement repose sur une conviction forte : seule une paix juste, fondée sur une solution politique et un règlement négocié, pourra assurer de manière durable la sécurité et l’avenir d’Israël et des peuples de la région.
- La France ne transigera pas sur ce point fondamental : elle se tiendra aux côtés d’Israël pour assurer sa sécurité et condamner sans réserves le terrorisme et la violence. Le jour même de la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes, j’ai marqué mon inquiétude et fixé trois principes pour un dialogue avec tout gouvernement palestinien :
§ la renonciation à la violence,
§ la reconnaissance de l’Etat d’Israël,
§ la reconnaissance des accords entre Israël et l’OLP.
- Nous devons désormais éviter que les logiques de l’affrontement l’emportent. Le Président de la République a fait des propositions pour assurer l’acheminement de l’aide internationale à la population palestinienne tout en garantissant sa bonne utilisation. C’est l’esprit du « mécanisme » annoncé par le Quartet.
- Notre objectif reste celui de deux Etats vivant côte-à-côte en paix et en sécurité. J’ai noté, Monsieur le Premier ministre, vos déclarations. Elles confirment que la première option de votre gouvernement reste la négociation, dans le cadre tracé par la Feuille de route. Les violences de ces derniers jours ne rendent que plus nécessaire une solution politique à ce conflit. Vous pouvez compter sur le soutien de la France pour avancer sur cette voie.
Ensuite, nous devons relever le défi posé à la sécurité régionale par les risques de prolifération.
- Nous partageons, Monsieur le Premier ministre, les préoccupations légitimes d’Israël devant les propos inacceptables tenus par le président iranien, qu’il s’agisse de ses déclarations antisémites ou appelant à la destruction d’Israël. Je veux le redire solennellement ici ce soir devant vous.
- L’Iran poursuit un programme d’enrichissement de matières fissiles qui suscite des interrogations internationales légitimes.
- En étroite coordination avec les autres Européens, les Américains, les Russes et les Chinois, nous avons présenté il y a quelques jours à Téhéran des propositions ambitieuses qui ouvrent des perspectives nouvelles. Nous souhaitons que Téhéran examine cette offre dans un esprit constructif, afin de rétablir la confiance et de reprendre les négociations.
Ces mêmes valeurs, ce même engagement, la France les met aussi au service de la paix lorsqu’elle s’engage en faveur d’un Liban indépendant et souverain ou lorsqu’elle veut préserver l’unité de l’Iraq et lutte contre le terrorisme.
Mesdames, Messieurs,
Alors que nous sommes confrontés, sur la scène internationale mais aussi dans nos sociétés, à de multiples facteurs de divisions et à la montée des radicalismes, la force de l’amitié entre la France et Israël est plus qu’une source de légitime satisfaction. C’est une chance pour nos deux pays, c’est une chance formidable pour la paix. Je compte sur la Fondation France/Israël pour nous aider à relever ce défi.
Je vous remercie.