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Les juifs français ont toujours considéré que la France, patrie des droits de l’homme, était leur patrie, et que ses valeurs étaient leurs valeurs. Ils ont payé, comme tous les autres citoyens, le prix du sang dans toutes les guerres où la France s’est trouvée engagée. Ils ont donné à la France plusieurs Premiers Ministres d’origine juive, d’innombrables savants et artistes, des prix Nobel,… et même un cardinal.
Certes il y eut des hauts et des bas dans notre histoire commune. Et notamment l’affaire Dreyfus et notamment le comportement honteux du gouvernement de Vichy.
Et aussi malheureusement Carpentras, la rue des Rosiers et Copernic.
Il a fallu attendre 1995 pour qu’un Président de la République, Jacques Chirac, reconnaisse enfin dans un discours historique et émouvant la responsabilité de la France dans les agissements de Vichy.
Donc, il y a 70 ans, dans la nuit de l’occupation, des Juifs visionnaires ont créé le CRIF, Conseil Représentatif des Institutions Juives de France. Cela se passait entre Lyon et Grenoble, hauts lieux de la Résistance. Il y avait parmi ces héroïques fondateurs, des communistes, des bundistes, des sionistes, et des religieux. Ils se sont fixés comme objectif d’aider à sauver les Juifs, puis de reconstituer cette communauté exsangue dès que la paix serait revenue. Ils ont aussi déclaré vouloir contribuer à la création de l’Etat d’Israël.
Ces messages restent présents dans nos esprits et dans nos cœurs.
Dans la France de 2014, nous sommes inquiets. Nous sommes inquiets de la montée impressionnante du Front national dans l’opinion publique. Certains diront que les Juifs ne sont pas une cible déclarée du Front national dont les thèmes affichés sont le nationalisme et l’opposition à l’immigration, à l’Islam intégriste, et à l’Europe. Mais n’oublions pas que ce parti héberge dans son sein la quasi-totalité des négationnistes, maurassiens, pétainistes et vichystes déclarés.
Nous sommes aussi inquiets de voir à l’extrême gauche tant d’antisionistes qui prônent le boycott des produits israéliens et semblent endosser avec joie ce nouvel habit de l’antisémitisme. Car quand on est d’extrême gauche, il n’est pas élégant d’être antisémite mais il est acceptable voire recommandable d’être opposé à l’Etat d’Israël.
Et que penser de ces violences physiques commises contre les Juifs par des jeunes eux-mêmes susceptibles d’être des victimes du racisme. Comment notre société en est-elle arrivée à produire des Fofana, des Mohamed Merah? La recherche du bouc émissaire n’explique pas tout. Il y a certes une forme de rébellion contre la société française, contre l’échec de l’intégration. Mais c’est aussi la maladie du fanatisme islamiste qui se répand.
Mohamed Merah apparaît auprès de trop de jeunes comme un modèle. Merah c’est le produit des appels au meurtre des Juifs et des mensonges déversés sur Israël. Même si cela fait mal, il faut rappeler avec quelle inhumanité il a poursuivi sa 3° petite victime, en la tirant par les cheveux et en la tuant à bout portant d’une balle dans la tête. « N’oubliez pas les petits » disaient certains collabos !
La gangrène antisémite a atteint l’école publique. Le mot juif est devenu une injure dans les écoles de la République.
Il y est difficile d’enseigner l’histoire ancienne des Hébreux, l’affaire Dreyfus, le sionisme, la Shoah. Des enseignants, des élèves, sont maltraités parce que juifs.
Ce climat conduit des parents juifs à retirer leurs enfants de l’enseignement public au profit du secteur privé. On est loin du dicton « heureux comme un juif en France » !
Que nous reprochent ceux qui agressent les Juifs ? D’être parfaitement intégrés dans la société française ?
Eh bien, nous souhaitons ardemment qu’ils s’intègrent à leur tour. Nous sommes tous sur le même bateau, et affrontons tous le même danger, celui de la bêtise, celui de l’intolérance.
Quant à l’amour d’Israël qu’on nous reproche il est, au contraire, l’illustration du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le sionisme c’est l’émancipation d’un peuple après des siècles de persécution. Et la victoire totale du sionisme sera atteinte avec l’établissement, inéluctable, de la paix entre Israël et ses voisins. Les appels systématiques à la disparition de l’état d’Israël, sa diabolisation, sa dé-légitimation ne sont rien d’autre qu’un antisémitisme d’Etat Israël, le Juif des nations !
La toile est devenue le lieu de prédilection de la propagation de la haine antisémite. L’actualité récente à braqué ses feux sur deux de ses chantres : un pseudo humoriste et un pseudo intellectuel.
Leurs videos bénéficient d’une audience considérable : des millions de vues sur Internet. Leur propagande est un mélange de thèses conspirationnistes qui conduisent à la haine des Juifs. Le geste inverse du salut nazi, est désormais le signe de reconnaissance de la fachosphère.
Aujourd’hui en France on peut être antisémite ou négationniste et le clamer. On peut aussi traîner une ministre de la République dans la boue nauséabonde du racisme.
Pourtant notre pays est doté d’un arsenal juridique pour lutter contre ces fléaux. Le rempart de la justice doit pouvoir s’opposer sans faiblesse à toutes les manœuvres visant à promouvoir la haine quel que soit le média utilisé.
On ne peut plus accepter le laisser faire.
Internet doit être soumis aux mêmes contrôles que les autres medias.
Non, l’antisémitisme et le racisme ne sont pas des opinions. Ce sont des délits.
Cette vague de comportements inacceptables s’est longtemps déroulée dans un climat d’indifférence relative.
Je veux saluer ici la réaction forte du Président de la République, du Gouvernement, et tout particulièrement du Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Mais aussi des principaux partis politiques et des autorités religieuses. Il est maintenant essentiel que cette réaction forte contre cet ancien humoriste reconverti dans le commerce de la haine ne soit pas un sursaut sans lendemain.
Dans cette maison qui est celle de tous les Parisiens et Parisiennes, nous disons solennellement qu’il faut décréter une mobilisation générale des esprits conter l’antisémitisme et contre le racisme. Car ce sont les valeurs de la France qui sont en danger.
L’enseignement de la tolérance, du respect d’autrui, de l’éducation civique, doit figurer à la place d’honneur de notre système éducatif, et, ce, dès le plus jeune âge.
L’Education Nationale doit renforcer la cohérence du tissu social, comme elle a su le faire, si admirablement, dans le passé.
Les enseignants jouent un rôle essentiel dans ce processus. Ils doivent être respectés, et encouragés de toutes les manières possibles.
Il faut enseigner l’histoire des religions comme un élément de culture, comme un apprentissage de la tolérance et souligner les liens de dépendance entre les religions et les valeurs communes qu’elles enseignent.
En vérité, le danger est de tolérer l’intolérable. Si les Juifs sont le peuple élu, ils ont surtout été élus pour constituer les sentinelles de l’histoire et les marqueurs des libertés. Quand on attaque les Juifs, ce sont les libertés, de tous, qui sont en danger.
Et, il faut s’inquiéter, non pas pour telle ou telle minorité, mais il faut s’inquiéter pour la France.
Mais nous avons survécu à tant de crises, tant de drames, tant de guerres, que je sais que la France saura trouver dans ses valeurs profondes l’inspiration nécessaire pour surmonter les difficultés actuelles et retrouver le climat de cette déclaration universelle des droits de l’homme chère à René Cassin, symbole du judaïsme français.
Vive la République ! Vive la France ! Vive Paris !