Etudes du CRIF
|
Publié le 8 Mars 2012

Etudes du Crif n°17 : Interculturalité et citoyenneté

Ambiguïtés et devoir d’initiatives, un texte de Jean-Philippe Moinet

Préfacé par Marc Knobel.

Dans les shtetl (petits villages) d’Europe de l’Est, lorsque les pogroms succédaient aux pogroms et que les Juifs étaient persécutés, nombre d’entre eux ont rêvé de s’évader de l’antisémitisme. Au début du siècle dernier, un vieux proverbe yiddish disait : « Heureux comme Dieu en France ». Ils ont arpenté alors les routes et ont quitté la Pologne, l’Ukraine, la Roumanie, la Hongrie, la Russie. En France, ces Juifs ont combattu dans la Grande Guerre en criant “Vive la France” en yiddish, puis en français. Paris était devenu leur Jérusalem, la France était leur nouvelle Terre promise, malgré les vociférations et les hurlements des militants de l’Action française et des autres ligues factieuses d’extrême droite.

Seulement, en France -cher pays de notre enfance-, l’étranger n’a pas toujours été bien vu. La première immigration massive est celle des Belges, dans la seconde partie du XIXème siècle. Les Belges, qui venaient travailler dans les filatures du Nord, étaient essentiellement des Wallons, donc des gens parlant la même langue et de même culture.

 

Finalement, les positions à leur égard ont changé avec l’arrivée massive des immigrés italiens au début du XXe siècle. Les Belges sont alors devenus de bons immigrés. Quant aux Italiens, il a fallu du temps pour qu’ils soient intégrés, après avoir été présentés pendant des décennies comme inassimilables. À chaque vague, y aurait-il reproduction du schéma précédent ?

 

Ainsi l’historien Pierre Milza a-t-il montré que les Italiens, qui furent les plus nombreux en 1900 -et dont les descendants sont aujourd’hui très nombreux et bien intégrés-, ont connu une immigration difficile. Selon lui, ceux qui sont repartis sont plus nombreux que ceux qui sont restés. Par ailleurs, ils ont été l’objet de violences et de xénophobie : à Aigues-Mortes, en 1893, une banale dispute entre un Français et un Italien s’est transformée en une chasse à l’homme qui a provoqué huit morts (des Italiens). Même chasse à l’immigré transalpin après l’assassinat de Sadi Carnot par un anarchiste italien. En Lorraine, alors qu’ils sont logés dans des baraques, ils sont décrits comme “sales”.

 

Sans parler des sobriquets, des moqueries et des insultes : “ritals, macaronis…”

 

Et aujourd’hui, qu’en est-il ? Font-ils trop de bruit ?

 

Sont-ils trop visibles ? Et les odeurs qui indisposeraient ?… Que n’a-t-on pas dit à ce sujet ? L’ancien footballeur Zaïr Kedadouche évoque quant à lui (sur hgc.ac-creteil.fr) ces enfants qui refusent l’intégration parce qu’ils souffriraient de discrimination. Il accuse alors d’hypocrisie la République qui ne sait pas les nommer : sont-ils étrangers, immigrés ou français ? Ne sachant pas les nommer, on ne peut les dénombrer. Pourtant, on ne cesse de les compter et à défaut de les contempler, de se méfier.

 

Nous avons demandé à l’ancien secrétaire général du Haut Conseil à l’Intégration de nous éclairer, parce que “le pays de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ne cesse d’être travaillé, taraudé, agité même épisodiquement, à la fois par sa diversité et son identité, deux faces d’une même médaille, celle d’une réalité nationale composite forgée par l’histoire”. Jean-Philippe Moinet se penche aussi sur la problématique spécifique des relations interculturelles, qui n’est pas nécessairement ou seulement liée à l’immigration.

 

Il s’intéresse plus particulièrement sur la place à trouver pour le “fait religieux” dans le cadre de la laïcité, principe clé de la citoyenneté française. Il élabore alors une série de propositions, autour de la promotion renouvelée des valeurs de la République et d’une large pédagogie de la laïcité. Son texte fouillé, recherché, est très riche.

 

L’identité de la France est plurielle et la France se doit d’être ouverte.

 

J’ajoute cette touche très personnelle : si quelqu’un devait me dire demain que je ne suis pas français (parce que je suis juif), soyez sûr que je lui flanquerais ma main dans la figure.

 

Marc Knobel

17