Quel est ce mauvais film que jouent certains étudiants de Sciences Po ? À les voir défiler coiffés de keffieh rue Saint Guillaume on pourrait croire à un monôme de jeunes déguisés tant la scène paraît aussi ridicule que pas drôle du tout. Jouer à Gaza dans le 6ème arrondissement rappelle l’époque où d’autres jeunes normaliens jouaient à la Résistance dans les années 70. La rue d’Ulm était loin du Vercors et Pierre Victor n’était pas Jean Moulin. Se payer de mots, se prendre pour des héros, engendre une parodie par les simulacres qu’elle met en scène. Toutes les impostures se nourrissent des mêmes ingrédients. Dans le cas présent nos sciencespotistes en culotte courte ont de qui tenir quand des polpotistes normaliens saluaient les vertus révolutionnaires de khmers rouges. Ces farces ne sont pas innocentes : c’est avec le sang des victimes qu’elles s’écrivent toujours et on ne peut que déplorer le renouvellement de ce succès chez les esprits faibles. Où sont leurs maîtres, qui sont-ils, que leurs ont-ils enseignés ?
On croirait voir aujourd’hui défiler les enfants de Simplet et de Cruella tant leur niveau culturel ne semble pas avoir atteint les exigences de l’entrée en 6ème. Manipulant des mots et des concepts dont ils ignorent manifestement le sens, l’histoire et la portée symbolique, les voilà accuser de « génocide », ceux qui justement ont été le 7 octobre victimes d’une attaque génocidaire. Le concept de « génocide » a une histoire. La connaisse-t-il ? Honorer le mensonge, falsifier l’histoire, insulter la mémoire semble caractériser la propagande qui fait du Hamas la victime et Israël l’agresseur. Que savent-ils de ce que certains escrocs ont soufflé à leurs oreilles innocentes ? On se prend à regretter d’autres temps quand Zola interpellait la jeunesse pour qu’elle prenne garde à ses emballements.
« Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l’espoir de nos vingt ans ? » […] « Jeunesse, jeunesse ! Sois avec nous, lorsque nous disons qu’un innocent subit une peine incroyable et que notre cœur révolté s’en brise d’angoisse. » […] « Si tu te sens indépendante, si tu peux aller et venir à ton gré, dire dans la presse ce que tu penses, avoir une opinion et l’exprimer publiquement, c’est que tes pères ont donné de leur intelligence et de leur sang. Tu n’es pas née sous la tyrannie, tu ignores ce que c’est que de se réveiller chaque matin avec la botte d’un maître sur la poitrine, tu ne t’es pas battue pour échapper au sabre du dictateur, aux poids faux du mauvais juge […] ne commets pas le crime d’acclamer le mensonge, de faire campagne avec la force brutale, l’intolérance des fanatiques et la voracité des ambitieux. La dictature est au bout. »
En accusant Israël du crime de « génocide », en clamant que « la Palestine sera libre du fleuve à la mer », en accablant l’État des Juifs de « crimes contre l’humanité », voilà que ces jeunes gens reconduisent en 2024 des slogans qu’une jeunesse égarée clamait contre un officier juif accusé de traitrise. « Sionistes hors des facs » proclamait il y a une semaine une banderole posée à l’entrée de l’Université de Paris III. La cible est la même et le « sioniste » a remplacé le « Juif » dans un imaginaire dévoyé par l’idéologie. Que connaissent-ils de l’histoire pour profaner ainsi la vérité ? Que connaissent-ils de la vérité des faits ces jeunes cultivés à l’Internet ? Quand la pensée se développe sur la longueur du tweet elle ne doit pas trop souffrir pour énoncer des contradictions. Le renversement du sens est devenu la norme actuelle du récit : le slogan efface toute réflexion, toute profondeur historique et les enfants de Simplet et de Cruella formulent les récits démentiels élaborés par les fake news de notre modernité. Que reste-t-il de l’exigence de vérité et de justice quand celle-ci se porte au secours des égorgeurs du 7 octobre ? Comment ceux qui ont massacré, torturé, violé peuvent-ils être considérés comme les victimes d’un ordre injuste ? Ce renversement du statut de l’assassin pour celui de ses victimes a quelque chose de sidérant. Il dit une monstruosité intellectuelle dont le négationnisme des années 80 posait les germes.
Cette victoire posthume de Faurisson en dit long sur l’époque. Elle signe l’échec absolu des incantations vertueuses du « plus jamais ça ! ». « Ça » est passé et repassé malgré toutes les commémorations et il faut croire que plus on commémore, moins on se souvient. Oublié le massacre de Charlie hebdo, oublié celui du Bataclan, oublié celui des terrasses en 2015, oublié les assassinats d’enfants juifs en 2012, oubliés ceux de l’Hyper Cacher ! Oublié tous ces crimes commis en France au nom d’une idéologie inspirée par le Hamas. Or c’est le Hamas rebaptisé Résistance que l’on célèbre et les Juifs que l’on conspue. « La Palestine libre de la rivière à la mer » signifie la destruction d’Israël et son remplacement par ce que l’Iran des mollahs souhaite promouvoir. Est-ce cela le projet politique que les étudiants de Sciences Po souhaitent ? Est-ce cet ordre culturel que les étudiants de Sciences Po souhaitent imposer aux femmes et aux jeunes-filles ? Tandis qu’à Téhéran des femmes sont assassinées pour refuser l’imposition du voile islamique, ici, en France, en Occident, certaines prétendent qu’il est un signe de liberté contre l’ordre du Nord colonialiste…
Le sommeil de la raison engendre des monstres dit une peinture de Goya. C’est exactement ce qui est en train sous nos yeux de s’installer ici même en France. La cause palestinienne aurait pu être porteuse d’un beau projet de civilisation pour le monde arabe, pour la sphère de l’islam si elle s’affranchissait de tous ses fantasmes destructeurs, de tous ses projets mortifères. Gaza était libre de toute présence israélienne dès 2005. Qu’est-ce que les gazaouis ont fait de cette liberté ? Qu’ont-ils fait des milliards de dollars versés par les européens ? Ont ils éduqué leurs enfants à la paix ? Ont-ils émancipé leurs filles du joug islamiste ? Hormis une compétence reconnue en matière de tunnels, qu’a t-on construit à Gaza ? Quels innovations autres que la mise au point de rockets ont-elles été imaginées ? Quelle ambition spirituelle autre que celle du jihad a-t-elle été pensée ? Et c’est cette cause revue par le Hamas que soutiennent les étudiants de Sciences Po ? On rêve…
Les insoumis fictionnels de Mélenchon mais bien soumis au Hamas, portent une terrible responsabilité en empoisonnant l’air du temps, cette haine d’atmosphère répand ses pestilences sans que l’on prenne la mesure de ses effets. Pourtant l’histoire récente en est déjà pleine. Le pays est saturé de ces appels haineux au boycott d’Israël, à l’expulsion du champ public de ce qui est lié à Israël. Savent-ils seulement que nombre d’objets qu’ils utilisent sont le produit d’innovations scientifiques créées en Israël. Peu importe pour des esprits obscurcis par la haine. « Ce que la Palestine apporte au monde » titrait une exposition présentée à l’Institut du monde arabe (IMA) l’an passé. On serait très heureux de voir que la Palestine apporte au monde, autre chose que des cauchemars. Simplet et Cruella pourrait aller faire de beaux rêves.
Jacques Tarnero
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