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Le Crif - Liliane Apotheker, dites-nous quelques mots sur vous, ce qui vous définit et vous caractérise.
Liliane Apotheker - Je suis née à Anvers en Belgique, de parents rescapés de la Shoah, qui ont trouvé dans ce pays un refuge, une communauté juive avec des institutions solides dont une école juive exceptionnelle, l’école Tachkemoni. J’ai fréquenté un mouvement de jeunesse sioniste l’Hanoar Hatsioni, toutes mes jeunes années. J’ai appris l’hébreu à l’école dès le jardin d’enfants. La Belgique est un pays polyglotte, je suis fille d’immigrés, ça m’a permis de grandir en apprenant plusieurs langues : le français, l’allemand, le yiddish, le flamand, l’hébreu et l’anglais. A l’école, j’ai fait pas mal de latin, ne sachant pas qu’un jour cela me serait utile pour éventuellement parler avec le Pape (rires). J’ai fait des études littéraires à l’Université hébraïque de Jérusalem et j’ai longtemps vécu en Israël.
Le Crif - D’où est venu votre engagement pour le dialogue entre Juifs et Chrétiens ? Vous avez été longtemps membre du Comité directeur de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France.
Liliane Apotheker - Quand mes enfants étaient petits, nous habitions Saint-Germain-en-Laye. Lors de l’organisation d’une Expo Bible accueillie par un comité d’organisateurs protestants et catholiques, j’ai représenté la voix juive. A l’époque, il y a trente ans maintenant, ce n’était pas aussi évident qu’aujourd’hui.
Je me suis aperçue que les chrétiens étaient très demandeurs et que nous avions un devoir de répondre à cette demande. Tout a commencé là pour moi et c’est avec émotion que je repense à mes premiers amis prêtres et pasteurs. Après il y a eu mes années AJCF, j’y suis encore très attachée, et l’ICCJ qui est vite devenu prépondérant. Pouvoir parler à des juifs et à des chrétiens du monde entier tous engagés dans la même démarche est quelque chose de merveilleux.
Le Crif - Selon vous, le dialogue intereligieux, au-delà de cultiver la vertu de l’amitié, peut-il influencer nos sociétés ?
Liliane Apotheker - Il a le devoir et même je dirais la mission de le faire. La culture du dialogue nous apprend l’écoute, le respect de la place de l’autre, l’introspection critique, et de fait c’est un mise en pratique d’un exercice de paix, pas irénique mais bien au contraire exigeant à l’extrême.
Le Crif - La France a la particularité unique au monde d’avoir choisi la laïcité comme mode de vie, excluant les signes religieux de l’espace public. Vous qui connaissez le dialogue intereligieux dans d’autres pays, puisque vous présidez la structure internationale qu’est l’ICCJ, pensez-vous que ce modèle soit le bon ou qu’il est trop contraignant ?
Liliane Apotheker - Il est à la fois bon et contraignant quand il est exprimé dans sa forme absolutiste et militante. A l’étranger cette spécificité française est mal comprise et perçue comme une atteinte à la liberté, ce qu’elle n’est pas à mon avis. La laïcité nous protège tous, elle est aussi le seul système qui fait droit à l’humanisme laïque et ne l’oublions pas nous vivons dans une société qui se sécularise dans nos pays occidentaux. On ne peut pas imaginer ne pas inclure ceux qui le souhaitent de participer au dialogue. Beaucoup de gens sont en recherche, beaucoup de Juifs sont laïques, beaucoup de Chrétiens sont de culture chrétienne mais ne sont pas forcément pratiquants et nous voyons cela aussi en milieu musulman.
Le Crif - Que peut on vous souhaiter pour vos nouvelles fonctions ?
Liliane Apotheker - De l’énergie, de la créativité, du courage et la manne miraculeuse : les moyens financiers de réaliser des projets importants.