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Dans une démocratie digne de ce nom, bien-sûr, on ne juge pas les fous. Mais dans une démocratie, on ne considère pas comme pénalement irresponsable quelqu’un qui par ses propres actes, en l’occurrence la consommation de stupéfiants, a lui-même déclenché son état psychique.
Comment une société peut-elle accepter qu’une bouffée délirante aigüe successive à une consommation de cannabis, permette à l’auteur d’un crime antisémite d’échapper à sa responsabilité ?
Le cannabis deviendrait-il un facteur excusant lorsqu’il s’agit d’un meurtre antisémite alors qu’il est un facteur aggravant pour tous les autres délits ?
Pourquoi dans aucune des multiples procédures judiciaires dont l’auteur du crime a fait l’objet par le passé, la question de son irresponsabilité ne s’est jamais posée ?
Si comme tous les rapports semblent l’indiquer, son état psychique au moment du crime a exacerbé son antisémitisme, pourquoi refuser de voir qu’il y avait donc bien un antisémitisme préalable à la consommation de stupéfiants ?
En confirmant l’irresponsabilité pénale de son assassin, la Cour de Cassation prive définitivement la famille de Sarah Halimi d’un procès indispensable à son travail de deuil mais aussi la France toute entière d’un nécessaire procès de l’antisémitisme.
En appuyant sa décision sur l’article 122-1 alinéa 1 du Code Pénal qui ne fait pas de distinction selon l’origine du trouble psychique ayant conclu à l’abolition du discernement, la Cour de cassation a dit le droit et pas la justice.
Pour dire la justice, les magistrats de la Cour de Cassation ont manqué de courage et ont fait preuve de lâcheté. Plutôt que de prendre la responsabilité courageuse d’une décision faisant jurisprudence, comme elle en a la possibilité, elle a renvoyé la balle au législateur.
De plus, une autre possibilité s’offrait à la Cour, celle de refuser de trancher un débat d’experts psychiatres entre l’abolition et l’altération du discernement.
Sans unanimité parfaite entre les différentes expertises sur l’abolition ou l'altération, le doute aurait dû profiter à la victime et pas à l’accusé.
Là encore, le courage aurait été de laisser à une Cour d’Assises et à un Jury populaire la responsabilité de ce débat.
Le verdict quel qu’il fût, parce que rendu au nom du peuple français, n’aurait ouvert la voie à aucune contestation.
"Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi mais elle doit être loi parce qu’elle est juste" nous dit Montesquieu.
Alors si l’application de la loi conduit à la situation que nous connaissons et à l’injustice de cette décision, il faut très vite changer la loi.
Francis Kalifat, Président du Crif