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1° Nicolas Sarkozy et François Hollande sont deux amis déclarés de la communauté juive, et engagés fortement dans la lutte contre l’antisémitisme. Chaque citoyen juif, comme n’importe quel citoyen, usera de son bulletin de vote en fonction de ses espoirs sur l’avenir de notre pays et il ne m’appartient évidemment pas de donner des conseils, et encore moins une consigne électorale.
2° S’agissant de la politique extérieure de la France vis à vis d’Israël, les deux candidats se sont toujours montrés attentifs à la sécurité d’Israël tout en souhaitant la création d’un Etat palestinien viable et démocratique par le biais d’accords négociés directement, position qui est également celle du CRIF.
3° J’ai attiré l’attention sur les positions de certains partenaires traditionnels du PS qui se sont trouvés jusqu’à maintenant au premier rang des manifestations les plus hostiles envers Israël, jouant un rôle dans une stigmatisation unilatérale de ce pays dont le caractère systématique et injuste nous choque profondément. J’ai aussi indiqué que dans l’esprit des institutions de la République c’est le Président de la République qui joue le rôle prééminent en matière de politique étrangère.
4° En ce qui concerne le Front National, j’ai écrit qu’il n’est pas susceptible d’entrer dans une quelconque combinaison gouvernementale, quel que soit le résultat du vote. J’avais publiquement exprimé le fait que l’histoire de ce parti et ses positions allaient à l’encontre des valeurs de tolérance et de respect dans lesquels se sont épanouis les Juifs en France. Le vote du 22 avril, au cours duquel il a obtenu son plus haut score historique, n’a pas changé mon opinion sur le Front National.
L’article (en français, puis en anglais), publié dans Haaretz
L'article ci-dessous a été écrit par Richard Prasquier à la demande du journal Haaretz, pour expliquer la situation de la communauté juive à la veille du second tour de l'élection présidentielle. Des incompréhensions semblent avoir donné lieu à une polémique injustifiée suite à laquelle un communiqué, que vous trouverez dans cette newsletter, a été envoyé à l'AFP. Nous en publions, ci-après, une traduction en français ainsi que la version originale en anglais. On notera que le titre originale choisi par le journal Haaretz "Jews to face new challenges in post-elections France" (les nouveaux défis qu'affronteront les juifs de France après l'élection), n'a rien à voir avec celui repris par la presse française "Le Président du CRIF s'inquiète d'une éléction de Hollande", afin d'alimenter une inutile polémique.
"La question du report des voix sera de la plus haute importance pour le résultat du second tour des élections présidentielles en France. Nicolas Sarkozy réussira-t-il à attirer sur sa candidature à la fois la grande majorité des votes des électeurs du parti centriste (le Modem) et de ceux du Front National, qui sont en désaccord sur quasiment tout sauf sur leur aversion à son style personnel de gouvernement ? Le défi est intimidant.
Pour la communauté juive de France, horrifiée par les meurtres commis dans l'école juive de Toulouse, l'empressement à combattre le nouvel antisémitisme qui s'est développé sous couvert d'antisionisme pèsera lourd sur sa décision finale. Sans l'ombre d'un doute, les deux candidats rejettent fortement toute manifestation d'antisémitisme. Nicolas Sarkozy a tissé des liens forts avec la communauté juive de France, il connait bien Israël et éprouve une profonde sympathie pour ce pays, dont il use parfois pour réprimander le gouvernement israélien. La France est devenue le principal soutien d'Israël pour réclamer la fermeté à l'encontre de l'Iran. Les sentiments de François Hollande vis-à-vis d'Israël ont clairement toujours été amicaux, sans qu'ils aient été mis en avant, et sa position vis-à-vis de la menace iranienne reste à être prouvée. Sur les principales questions liées au conflit israélo-palestinien, les deux hommes partagent des opinions semblables.
Comment l'entourage ou les prochains cercles gouvernementaux affecteront-ils leurs positions, et quel sera le possible changement de perspective dû aux résultats du premier tour ? Dans le cas improbable de la réélection du président sortant, il n'y a pas de raison de penser qu'il pourrait changer de politique. Il pourrait se montrer plus sceptique sur le Printemps arabe et moins optimiste sur le processus en cours de radicalisation du monde musulman et des dangers qu'il représente pour la société française. En ce qui concerne le score élevé obtenu par Marine Le Pen, représentant le Front National, un parti d'extrême droite fondé par un antisémite, Jean-Marie Le Pen, on ne s'attend pas à ce qu'il exerce une influence quelconque sur la politique à l'égard des juifs de France. L'islam et l'immigration étaient les sujets mis en avant par son programme et Marine Le Pen a tenté de complaire à la communauté juive comme si le passé du Front National et/ou les positions de certains de ses dirigeants toujours influents n'étaient pas connus. Le Front National a de vieux comptes à régler avec le parti de Nicolas Sarkozy et un accord politique entre eux n'est pas possible. Il est toutefois clair que quels que soient les résultats de l'élection, l'important sujet de la laïcité débouchera sur de difficiles ajustements juridiques pour des pratiques religieuses telles que la shechita.
Au cas où François Hollande serait élu président de la France, pour la communauté juive, la question centrale porterait sur l'influence que pourraient exercer ces dirigeants socialistes qui ont une vision négative de la politique d'Israël et, au-delà d'eux, les partis gauchistes et les Verts qui manifestent une profonde hostilité à Israël et qui sont au premier rang de tout mouvement, déclaration ou pétition anti israélienne. Le fait que Jean-Luc Mélenchon, leader charismatique du renouveau du parti communiste, a réalisé un score plutôt décevant de 11 % pourrait réduire son impact sur la politique étrangère de la France, mais on devrait s'attendre à une remontée interne des manifestations antisionistes. La communauté juive de France, quelles que soient ses opinions politiques, est très proche d'Israël et elle fera face à ces nouveaux défis."
Richard Prasquier
Président du CRIF
"The issue of transfer of votes will be of the utmost importance for the results of the second round of French Presidential elections. Will Nicolas Sarkozy be able to attract to his candidacy the vast majority of the voters of both the Center Party (Modem) and of the National Front, who have different views on about everything except a common dislike for his personal style of government? The challenge is daunting.
For the French Jewish community, appalled by the murders in the Jewish school in Toulouse, the issue of willingness to fight the new anti- Semitism that has developed under the mask of antisionism will be an important one in the final decision. There is no question that both contenders strongly reject any manifestation of anti-Semitism. Nicolas Sarkozy has developed strong links with French Jewish community; he has a deep knowledge of Israël and a deep sympathy for this country, which he uses sometimes for chiding the Israeli government. France has become the major supporter of Israël in advocating firmness against Iran. The feelings of François Hollande towards Israel have always been clearly friendly, although they have not been spotlighted as much, and his stance towards the Iranian threat remains to be teste . Regarding the major issues related to the Israelo-palestinian conflict, the two men share similar views.
The question arises how the entourage or the future governing circles might affect their positions, and how the results of the first round might change the outlook. In the rather unlikely case of reelection of the incumbent president, there is no reason to think that he might change his policies. He might be more skeptical about the Arab spring and less optimist about the ongoing process of radicalization in the Muslim world and its dangers for French society. As for the high results obtained by Marine Le Pen, representing the National Front, a far-right party, with an anti-Semitic founder, Jean Marie Le Pen, they are not expected to exert any influence on the policy toward Jews in France. The Muslim and the immigration issues were at the forefront of their program and Marine Le Pen tried to cater to Jewish community as if the past of the National Front and/or the view of some of its still influent leaders had not been known. The National Front has old scores to settle with the party of the Nicolas Sarkozy and there is no possibility of political agreement between them. It is clear however that, whatever the results of the election, the important issue of secularity will lead to difficulties in the legal adjustments to religious practices such as shehita.
The main question that arises in the Jewish community, in the case François Hollande becomes the President of France, is the influence that might be exerted by those socialist leaders who have negative views towards the policy of Israel, and beyond them, by the leftist parties and the greens which express a deep hostility towards Israel , being at the forefront of every anti Israel showing, declarations or petitions. The fact that Jean Luc Melenchon, the charismatic leader of the renewed communist party, has realized a somehow disappointing 11% result might well reduce its impact on French foreign policy, but an internal surge in the antisionist manifestations is to be expected. The French Jewish community, which is, regardless of its political leanings, very close to Israel, will face these new challenges."
Richard Prasquier
President of the CRIF (the Crif is the representative Council of French Jewish Institutions, the umbrella organization representing the French Jewish community in the political field).
April 25th, 2012