Jean-Pierre Allali
Henri Zajdenwerger. L’ultime, par Claude Bochurberg (*)
Claude Bochurberg, ostéopathe renommé, collaborateur d’Actualité Juive et de Radio Shalom depuis de nombreuses années, a été particulièrement marqué par la Shoah. Né à Marseille le 4 février 1942, il n’aura pas longtemps connu son père, Maurice-André Bochurberg, En avril 1944, alors que le petit Claude a un peu plus de deux ans, son père est arrêté par des miliciens corses de la « bande à Sabiani », interné à Drancy puis déporté le 15 mai 1944 par le convoi 73 avant d’être assassiné dans les Pays Baltes. Il avait 34 ans.
Dans ce convoi 73, 878 hommes voyageront dans des conditions infernales avant d’être séparés en deux ensembles. Une moitié sera réduite en esclavage en Estonie et l’autre massacrée au Fort 9 en Lituanie. En 1945, seuls 22 déportés de ce convoi survivront. De nos jours, un seul d’entre eux est encore en vie, Henri Zajdenwerger, « l’ultime ».
Pour Claude Bochurberg qui recherche de manière obsessionnelle des traces de son père disparu, l’existence d’Henri Zajdenwerger est une révélation. Et même s’il n’a probablement pas côtoyé son cher père, il représente ce fil ténu mais réel qui le relie à un monde aujourd’hui disparu.
« Ses yeux ont vu. Ses oreilles ont entendu. Son être-corps a subi l’épreuve. Tout cela était suffisant pour qu’Henri se fasse une place privilégiée dans ma vie. Pour que je l’accueille comme un parent lointain, mais indispensable à conforter ma cohésion d’être, en le désignant comme un garde-témoin de fidélité à l’endroit de mon père et des victimes de la Shoah ».
C’est en 1983 que la première rencontre entre les deux hommes a lieu dans le cadre de l’émission « Mémoire et Vigilance ». On imagine le flot d’émotion qui se déverse ce jour-là dans le studio.
Henri Zajdenwerger aura notamment l’occasion de raconter sa vie lors du procès, en novembre 2019, à Hambourg, d’un ancien gardien du camp de Stutthof, Bruno Dey. Né à Metz en décembre 1927, il a quinze ans quand il est arrêté à Angoulême le 7 février 1942, emprisonné à Poitiers , conduit à Drancy puis déporté par le Convoi 73. Henri deviendra alors le matricule 80409. Plus tard, après la Guerre, il travaillera dans le textile et les trousseaux. Il épousera en 1951 Charlotte Lafage qui lui donnera une fille, Martine et dont il divorcera avant de se marier à nouveau avec Mayie.
Si le livre de Claude Bochurberg est essentiellement consacré à la vie et à la destinée d’Henri Zajdenwerger, il évoque aussi le parcours de nombreux héros qui luttent pour le maintien de la mémoire de la Shoah. À jamais afin que nul n’oublie : Serge et Beate Klarsfeld, bien sûr, mais aussi Maurice Tattelbaum qui, d’une certaine manière, sauvera le jeune Henri par sa proximité quasi paternelle en déportation, Simon Futeral, André et Micheline Chomand, Milo Adoner, Eliane et Tommaso Zanzotto et bien d’autres encore.
L’action méritoire de plusieurs associations mémorielle est décrite par le menu : les Fils et Filles des Déportés Juifs de France, l’Association des Familles et Amis du Convoi 73
De nombreuses photographies agrémentent ce livre remarquable. À découvrir !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions des FFDJF. Mai 2020. Préface de Serge Klarsfeld. 248 pages.