La Shoah se distingue comme l’un des moments fondateurs de l’histoire qui a façonné la conscience de l’humanité. Elle est unique dans ses racines, sa mise en œuvre et les visées totalitaires de ses auteurs. Pendant mon mandat en tant que Commissaire aux droits de l’homme, j’ai assisté à un certain nombre de cérémonies de commémoration des victimes de la Shoah, non seulement à Strasbourg, mais aussi en Albanie et en Grèce, visant à mettre en lumière qu’il est de notre devoir de se souvenir du passé afin de rester vigilants pour l’avenir. Enseigner la mémoire de l’Holocauste est une garantie fondamentale pour que l’histoire et ses graves violations des droits de l’homme ne se reproduisent pas.
La mémoire est à l’origine du Conseil de l’Europe. Celui-ci a été créé grâce à la détermination collective de surmonter les haines et conflits passés afin de promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’homme. Il est essentiel de reconnaître et d’accepter le passé. Les tendances inquiétantes dans les discours de haine et les crimes de haine antisémites sont des problèmes importants que j’ai évoqués avec les Etats membres lors de mes missions de suivi dans les pays ainsi que dans mes rapports de visite (voir, par exemple, mon rapport sur la France en 2015, sur la Hongrie en 2014, sur la Géorgie en 2014 et sur la Grèce en 2013). Depuis 2015, j’ai cherché à rencontrer des représentants des communautés juives pendant ces missions de suivi, afin de prêter une oreille attentive à leurs préoccupations et de me faire une idée plus précise de l’antisémitisme contemporain en Europe.
Lorsque j’ai rédigé l’allocution que j’ai prononcée en 2012 à Tirana, affirmant que l’antisémitisme était encore très vivace en Europe, j’avais bien sûr à l’esprit l’horrible attaque contre l’école juive Ozar Hatorah, à Toulouse, en mars 2012. J’étais loin de me douter alors que 2014 allait connaître le meurtre de quatre personnes lors de l’attentat contre le Musée juif de Belgique et le meurtre de quatre otages dans un supermarché kasher de Paris, et qu’un jeune gardien de sécurité juif allait être assassiné devant une synagogue de Copenhague en 2015.
Selon une enquête chiffrée de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne publiée en octobre 2015, l’antisémitisme demeure un problème qui suscite de graves préoccupations et exige des réponses politiques décisives et ciblées. Internet et l’explosion des discours de haine en ligne n’ont fait qu’exacerber un problème existant.
Les manifestations contemporaines d’antisémitisme n’englobent pas seulement les crimes violents et le discours de haine. L’antisémitisme contemporain tourne aussi autour de l’Holocauste, d’aucuns accusant les juifs d’être à l’origine de l’Holocauste ou suggérant qu’ils se focalisent sur cette tragédie pour en tirer profit.
La négation pure et simple de l’Holocauste existe toujours en Europe. En vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Article 4), les Etats sont tenus de sanctionner la haine et la violence racistes. En outre, conformément à la Décision-cadre du Conseil de l’Union européenne de 2008, l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre devraient être punissables comme infractions pénales. J’ai constaté dans mon rapport de 2013 sur la Grèce que, malheureusement, les tribunaux grecs n’étaient pas arrivés à le faire dans une importante affaire concernant la publication, en 2006, d’un livre de Kostas Plevris, homme politique à l’idéologie ouvertement nazie, qui était manifestement antisémite et incitait à la haine et à la violence contre les juifs. En dépit des poursuites ex officio et de la condamnation de l’auteur en première instance, la cour d’appel d’Athènes et la Cour de cassation l’ont acquitté. J’ai été consterné de lire le mois dernier que le député slovaque Milan Mazurek ne ferait pas l’objet de poursuites pour avoir dit que l’Holocauste était un « conte de fée et un mensonge »...
Lire l'intégralité.