C'est vers 5h du matin, le 29 juin 1944, que 7 otages juifs extirpés des prisons lyonnaises, ont été assassinées à Rillieux-la-Pape sur ordre de Paul Touvier, chef de la Milice lyonnaise.
Soixante-douze ans après, jour pour jour, la cérémonie commémorative s'est déroulée devant les 7 stèles érigées au pied du mur du cimetière où les 7 victimes ont été fusillées puis achevées d'une balle dans la tête : "Léo Glaeser, Emile Zeizig,Claude Ben Zimra, Maurice Schlisselman, Louis Kryzkowski, Siegfrid Prock, et un inconnu d'environ 25 ans."
La petite fille d'Emile Zeizig, était cette année encore présente à la cérémonie accompagnée de plusieurs membres de sa famille.
Entouré de plusieurs conseillers municipaux, le Maire de Rillieux-la-Pape, Alexandre Vincendet a insisté sur la nécessité de continuer à commémorer cet évènement, tout en s’interrogeant sur l’impact réel de ces cérémonies. En effet, on aurait souhaité que des enseignements puissent être tirés après la Shoah ; or, aujourd'hui la menace pèse toujours sur les juifs que ce soit en France (Ilan Halimi) ou à Tel-Aviv. Après avoir lui-même effectué un voyage à Auschwitz, il insiste sur l'importance des voyages à Auschwitz pour les jeunes, car d’y voir ce qui s'est réellement passé fait que l’on n'en revient jamais indemne.
Nicole Bornstein, Présidente du Crif Auvergne-Rhône-Alpes, a décrit le profil banal, quelconque, de Paul Touvier, cet homme sans envergure issu de milieu catholique ultraconservateur, ayant trouvé son envol grâce à l’occupation allemande en devenant un chef de la milice, bras armé du régime de Vichy, lui-même auxiliaire zélé de l’occupant nazi.
Lors de sa défense, il avait, de façon mensongère, tenté de justifier son choix de « sélection » de 7 juifs pour satisfaire le donneur d’ordre allemand et ainsi, en contrepartie sauvé une centaine d’otages…
Elle a émis le vœu que l'année prochaine, collégiens et lycéens de Rillieux assistent à la cérémonie pour devenir, à leur tour, les futurs passeurs de témoin.
Alain Sebban, Président du Consistoire Régional, s'est félicité de la volonté tenace des autorités à poursuivre ce devoir de mémoire si important pour les jeunes générations.
Après avoir chanté la Marseillaise, la centaine de personnes présente (dont plusieurs élèves du Talmud Torah de Rillieux) s'est recueillie dans une minute de silence puis à l'écoute du Elmaleh Rahamim entonné par le rabbin Menahem Prachard.
Discours de Nicole Bornstein :
29 Juin 1944- 29 Juin 2016
72 ans se sont écoulés et Non nous n’avons pas oublié !
Non nous n’avons pas oublié :
Maurice Schusselman, 64 ans
Léon Glaser, 56 ans
Louis Krysskowski, 46 ans
Siegfried Prok, 42 ans
Claude Benzimra, 25 ans
Emile Zeizig, 56 ans
Et ce jeune inconnu…
Ces 7 juifs sélectionnés, puis fusillés au petit matin pour la seule et unique raison qu’ils étaient juifs !
Ces noms résonnent ici, inlassablement année après année, tant que des survivants, malheureusement de plus en plus rares, sont encore parmi nous, tant que des descendants de ceux qui ont vécu ces terribles moments de notre histoire sont encore là, vigilants…
Et tant que nous pourrons, nous en ferons l’écho jusqu’à ce qu’à votre tour, vous, jeunes, notre avenir, deveniez les passeurs de témoin…
Il y a deux ans, alors que la France et l’Europe marquaient par moult cérémonies les 70 ans de la fin de la deuxième guerre mondiale, à l’initiative de Monsieur Vincendet, Maire de Rillieux et son équipe, et de Monsieur Broliquier Maire du 2iè arrondissement de Lyon nous avions, en partie, refait le parcours de ces victimes depuis les sinistres locaux de Paul Touvier impasse catelin, à deux pas de la place Bellecour, lieu de leur incarcèration, jusqu’à ce mur devant le cimetière, lieu de leur assassinat.
Mais qui était Paul Touvier, le bourreau responsable de leur arrestation ?
Apparemment, il s’agissait d’un homme fade, sans envergure, issu d’un milieu catholique ultra-conservateur, ayant trouvé son envol grâce à l’occupation allemande en devenant un chef de la milice, bras armé du régime de Vichy, lui-même auxiliaire zélé de l’occupant nazi.
C’est lui et lui seul qui rechercha ses victimes une à une la veille dans Lyon, les arrachant à leurs familles après les avoir sélectionnés pour la simple raison qu’ils étaient juifs.
D’ailleurs, au petit matin, il décida d’épargner le seul prisonnier qui, lui, n’était pas juif.
Oui sélectionnés ainsi, et c’est l’argument mensonger qu’il donna a posteriori comme argument de défense, car ces 7 juifs auraient permis, selon lui de satisfaire le donneur d’ordre allemand, et ainsi, en contrepartie, sauver une centaine d’otages... !
Pourquoi tenons-nous à commémorer ces victimes fusillées juives ?
- ce n’est pas parce que nous nous complaisons dans le deuil
- ce n’est pas non plus parce que nous nous complaisons dans un état victimaire
- et ce n’est pas non plus parce que nous poursuivons de notre vindicte un chef milicien intégriste, qui d’ailleurs, jusqu’à la fin des années 80, pendant donc plus de 40 ans, bénéficia de l’aide conséquente de ces milieux intégristes – mais pas seulement – pour échapper aux juges.
Nous tenons à commémorer chaque année ces victimes, d’abord bien sûr car nous le devons à leur mémoire. La mémoire dans la tradition juive est un devoir.
Mais, au-delà de cela, nous tenons à rappeler le souvenir de ces victimes « choisies », car aujourd’hui, elles nous donnent l’occasion d’éveiller les consciences.
Cette mécanique du bourreau porteur d’une idéologie mortifère qui, délibérément, sélectionne ses victimes pour ce qu’elles incarnent est plus actuelle que jamais.
Hier c’était le nazisme et ses satellites fascistes, aujourd’hui c’est le radicalisme islamiste sous toutes ses formes…
Il cible des victimes qui sont exactement les mêmes que celles que les nazis et leurs complices choisissaient
-les démocraties
-les juifs
-les policiers et soldats garants de ces démocraties
-les journalistes
-les homosexuels
- et lorsqu’il s’agit apparemment de terrorisme aveugle, les victimes incarnent les symboles de notre art de vivre : les jeunes dans des concerts de musique, les citoyens ordinaires attablés aux terrasses de café, un chef d’entreprise sans histoires comme à St Quentin Fallavier à quelques km d’ici, des usagers d’aéroport la plupart du temps simples touristes…
Commémorer ces victimes c’est aussi porter un autre message, car demain nous craignons que surgissent d’autres bourreaux tapis dans l’ombre, des bourreaux dopés par la haine identitaire qui prospèrent dans certaines mouvances populistes, et qui se nourrissent de la peur du terrorisme islamique.
Mais bien qu’inquiets nous restons quand même confiants.
Nous sommes confiants lorsque des jeunes, collégiens et/ou lycéens viennent nombreux pour être à nos côtés.
C’est sur ces jeunes que nous comptons pour porter haut et fort le flambeau de notre démocratie et de notre république, seuls remparts solides contre les idéologies criminelles, remparts solides, certes, mais qui nécessitent tout notre engagement pour le rester.