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Publié le 22 Avril 2013

Un collaborateur de l’Oneg Shabbat parmi d’autres : Shmuel Breslaw (1920-1942)

 

Depuis l'enfance, j'ai entendu les témoignages bouleversants de ceux de ma famille qui, par miracle, ont échappé à la Shoah. Parmi toutes ces évocations, celle de mon grand-oncle, Shmuel Breslaw, sioniste, dirigeant du mouvement Hachomer Hatsaïr, combattant du ghetto de Varsovie, est celle à laquelle je repense à chaque fois que je foule le sol d'Israël, cette terre qu'il a tellement rêvé, cette terre vers laquelle il a fait monter tellement de juifs avant la Shoah. Son Alyah, il planifiait de la faire plus tard, pour ne pas abandonner ses frères de combat à Varsovie. Il mourra à 22 ans dans le ghetto...

 

Merci à mon petit cousin Élie Cetlin qui signe le texte ci-après de ne pas l'avoir oublié.

 

Karine Breslaw

 

Ce chapitre est tiré du travail de fin d’études de maturité fédérale d’Élie Cetlin, Les Archives clandestines du Ghetto de Varsovie, les Archives Emmanuel Ringenblum 1939-1942, Neuchâtel, Lycée Denis-de-Rougemont, 6 novembre 2009, pp. 29-36. Mentor: Hugues Scheurer, professeur d’histoire.

 

Si j’ai choisi de parler plus particulièrement de Shmuel Breslaw c’est non seulement parce qu’il est un membre de ma famille, mais aussi et surtout pour son engagement politique et social et pour les valeurs qu’il défendait. Le 28 juillet 1942, à la fin de la première semaine de « l’action de liquidation » vers Treblinka, des représentants de trois mouvements de jeunesse, ha-Shomer ha-Tzaïr, Halutz Dror et Akiva88 se réunirent dans les locaux de Dror he-Halutz à la rue Dzielna à Varsovie pour fonder l’Organisation juive de combat (Żydowska Organizacj Bojowa/ŻOB). La direction de cette nouvelle organisation était assurée par Shmuel Breslaw, Yitzhak Zuckerman, Josef Kaplan Cywia Lubetkin, Modechai Tenenbaum. Mordechai Anielewizc, absent de Varsovie, les rejoindra et c’est à lui que sera confié le commandement de l’insurrection du ghetto, en avril 1943. Leur objectif : ne pas restreindre leur action de résistance armée au ghetto de Varsovie, mais l’étendre à travers toute la Pologne grâce au réseau développé par chacune de ces organisations de jeunesse89. Avant que la guerre n’éclate, les jeunes de ces Mouvements, portés par le rêve sioniste du retour, se préparaient à immigrer en Palestine, en Eretz Israël90.

 

Shmuel (appelé aussi Mula) Breslaw91 est né en 1920 à Moscou dans une famille aux convictions sionistes, aisée, d’un statut social élevé – son père était diamantaire, ce qui l’avait autorisé à vivre en-dehors de la Zone de Résidence imposée par le Tsar92. Son père, Lippa ( ?-1942), était Biélorusse de Shklov ; sa mère, Rachel dite Roza, née Ludwinowski (1880-1942), venait de Kowna en Lithuanie. Il était le cadet de quatre enfants. Après Moscou, toute la famille s’installe à Varsovie, en 1925, où elle découvre le foisonnement de la vie juive ; le père devient agent de change indépendant. Shmuel entre dans une école réputée, Hinouch, où l’enseignement se faisait en polonais et en hébreu. Il y étudie jusqu’à la fin de ses études gymnasiales. Il était un élève brillant, exigeant à l’égard de lui-même et qui n’hésitait pas à railler ses professeurs.

A 11 ans, il s’engage dans le mouvement scout sioniste ha-Shomer ha-Tzaïr. Il y était respecté et admiré. Il était aimé, il était enthousiaste, imaginatif et, disaient certains, romantique. Shmuel savait réunir ses amis pour des débats d’idées. Il aimait la musique et fréquentait assidument les concerts philharmoniques de Varsovie.

 

Tous les témoignages recueillis par Joseph Shamir s’accordent pour lui reconnaître une intelligence supérieure et un véritable talent pour l’écriture et le dessin. Il avait fait le projet d’entrer à la Faculté des Sciences humaines et des lettres à l’Université de Varsovie puis d’émigrer, en automne 1940, en Palestine comme l’avait fait son frère Fima Breslaw, en 193594.

Au printemps 1939, il écrit une lettre en hébreu à Fima dans laquelle il parle de son engagement dans le Mouvement de l’ha-Shomer ha-Tzaïr, mais aussi de tout ce qu’il doit encore faire pour accomplir son Alyah95.

« Si la guerre n’a pas lieu, mes projets sont très clairs pour un proche avenir.

Durant l’automne passé, je me suis consacré au travail avec les chefs des

sections du Mouvement. J’aurai un peu plus de temps, car je ne devrais pas

diriger personnellement un groupe et ma mission sera de réunir le Forum des

directeurs et de travailler à la direction locale, cela me permettra de déposer,

une fois encore, mes papiers auprès de l’Université. Durant l’année qui vient,

j’essayerai de liquider toutes mes fonctions auprès de la cellule, de réunir de

l’argent et de faire l’Alyah, en automne 1940. C’est un projet très réaliste bien

qu’il contienne pas mal d’obstacles. D’abord la Harchara96 […] En principe,

dans le mouvement, il y a maintenant le fait qu’on ne peut pas intégrer un

kibboutz sans la phase préparatoire de la Harchara. […]

Actuellement, il manque des personnes pour diriger le Mouvement à Varsovie,

et si on me demande de rester je ne refuserai pas, mais en vérité, je veux

vraiment fuir la golah97, ce pays étranger, vil, abject, ignoble, infâme. […]

Shalom, ton frère Shmuel »98.

La guerre éclate et Varsovie est sous les bombes allemandes, le 13 septembre 1939. La cellule de l’ha-Shomer ha-Tzaïr de Varsovie ayant été démantelée, la direction du Mouvement, qui n’a pas pris le chemin de l’exode comme d’autres dirigeants de mouvements ou de partis, est restée à Varsovie et recommande à ses activistes de se déplacer vers l’Est, au-delà de la Vistule. L’objectif : maintenir à tout prix une cohésion entre les cellules dispersées à travers le pays, et surtout protéger et conserver le drapeau d’ha-Shomer ha-Tzaïr. Shmuel quitte Varsovie pour Vilna dans l’espoir d’y maintenir les activités du Mouvement, il porte le drapeau sous ses habits99. Il a raconté cette errance de 550 kilomètres vers Vilna, où il arrive en octobre 1939, dans un article paru plus tard dans Iton ha-Tnua, un des journaux de l’ha-Shomer ha-Tzaïr :

« Tout a commencé un mercredi matin. Je n’avais pas encore saisi la gravité de

la situation. Je considérai le démantèlement de la cellule comme un

événement historique et le départ de Varsovie à pied comme un enfantillage.

J’ai changé d’avis en cours de journée. […] Dans la nuit retentit une sirène,

comme un mauvais présage, et à l’aube toute la ville abasourdie de peur, était

dans les rues pour les adieux aux hommes qui s’en allaient. Nous nous

sommes joints aux réfugiés partant en direction de l’Est. Lorsque nous

sommes passés devant le local de la cellule, nos gorges se sont serrées ».

Nous avons levé nos poings et nous nous sommes jurés de revenir. […]

Commença une difficile errance comme un cauchemar. […] J’ai perdu mon

compagnon et désormais je vais seul. En fait, j’ai marché avec de nombreux

compagnons, inconnus, qui ont souvent changé. Je me souviens d’un

enseignant de Brisk, avec lequel j’ai parlé quelques heures des symphonies

de Beethoven. Je me souviens d’un étudiant de Pruszków, de trois militants

sionistes de Grochów, […] de deux policiers de Toruń, d’un musicien de

l’orchestre « Sofiowka ». Je ne sais pas comment j’ai parcouru ces quelques

centaines de kilomètres supplémentaires. Je n’ai le souvenir que de deux

sensations : la faim et la fatigue incessante »100.

 

En arrivant à Vilna, il est bouleversé par la situation des Juifs de la ville et des réfugiés : les rues de Vilna sont dévastées et effrayantes. En ce moment se déroulent des violences contre les Juifs ; les « Patriotes » se vengent de la domination soviétique vieille de quelques semaines. La tête baissée, courbés, nous passons prudemment, rasant les murs, le cœur rongé par la souffrance de l’humiliation. Nous apercevons enfin de loin la maison du groupe de formation sioniste. Nous avons atteint le but de notre errance. […] [Cette maison accueille des réfugiés.] Des gens dans tous les recoins, sur tous les bancs et le long de tous les murs, autour de toutes les tables et dans tous les lits.

Quelques centaines de personnes s’y trouvent déjà. Venues de toutes les villes de Pologne et de ses districts reculés. […] Les conditions d’hygiène sont catastrophiques. [….] Dès que quelqu’un a fini de manger, il est immédiatement poussé et l’un des hommes qui se tenaient derrière lui et qui attendaient impatiemment leur tour prend sa place. […] »101

 

Durant son séjour à Vilna, un de ses amis raconte, dans un texte qu’il a publié plus tard en Israël, qu’ils allaient tous les deux à la fameuse Bibliothèque Strashun quand ils ne devaient pas travailler pour le Mouvement. Il y avait là des manuscrits, des livres en hébreu, en yiddish, des livres sacrés, et Shmuel était emporté par la littérature yiddish, à laquelle il n’était pas habitué, oubliant pour un moment leur faim et leur peine102.

Il reste dans la région de Vilna jusqu’en février 1940. De là, il écrit à son frère Fima. Il lui donne des nouvelles de la famille. Il croit encore qu’il lui sera possible de quitter la Pologne et il accepte toutes les tâches que le Mouvement lui confie :

« J’y ai aussi rencontré [à Kowna] Madame Wigortzcek qui est arrivée le même

jour de Varsovie et qui m’a apporté des nouvelles fraîches. Toute notre famille

est en santé et entière. Une bombe a détruit presque tout l’appartement, mais

le salon est resté entier. Papa a construit avec des briques une petite cuisine

et ainsi tout le monde vit dans la même chambre. Papa travaille comme agent

de change […]. Il n’y a pas de famine à la maison, au contraire, il ne nous

manque rien. Nadia [Cetlin] dont la maison a complètement brûlé, vit avec

nous. S’il te plaît, dis-le à la famille Cetlin, Senia et Mania [Cetlin] sont aussi

en bonne santé et entiers. Maman a été malade d’une forte pneumonie durant

le siège de Varsovie. […] Ainsi, malgré toutes les horreurs qui se passent ici,

la situation de notre famille n’est pas la pire. […] Et maintenant quant à moi, je

vis calmement, je travaille, il ne me manque rien. […] Je regarde vers l’avenir

calmement. Je sais que j’arriverai dans le « pays », peu importe la tournure

des événements et ce que l’histoire nous apportera. Tout cela me permet de

garder un équilibre intérieur qui ne m’autorise pas à pleurer tout ce que j’ai

laissé à Varsovie »103.

 

Ses parents et sa sœur Dinah, une partie de la famille Ludwinowski et de la famille Cetlin seront enfermés dans le ghetto le 16 novembre 1940. Ils disparaîtront tous durant l’année 1942, soit dans le ghetto, soit à Treblinka104.

 

Durant l’année 1940-1941, malgré l’occupation allemande, Shmuel fait des va-et-vient entre Varsovie et différentes petites villes de Pologne. Il rend visite aux cellules du Mouvement, essaye d’en créer d’autres tout en cherchant de nouvelles routes pour l’immigration des jeunes sionistes. Il apprend l’allemand avec fébrilité. Shmuel établit des contacts avec Natan Shwalev de l’Agence juive à Genève pour lui demander une aide financière pour la création d’une ferme collective105.

Mais tout ce travail acharné sert aussi et surtout à « garder le lien émotionnel avec la terre d’Israël » et l’espoir de cette vie meilleure qui les attend « là-bas », à affirmer des valeurs comme l’amitié, la responsabilité, la solidarité et à en trouver de nouvelles « dans la vie de servitude du ghetto »106.

« L’objectif de l’éducation au HaShomer n’a pas changé. Maintenant, notre but

principal est de préparer des cadres pour le mouvement du Kibbutz haArtzi.

Nous aspirons à créer un être humain qui saura vivre, se battre

collectivement, nous aspirons à former un pionnier sioniste et socialiste. […].

Fidélité aux bases de la culture humaine et rejet absolu de la morale du fascisme et de la guerre »107.

 

La presse clandestine en général jouera un rôle déterminant dans la résistance aux Allemands. La presse clandestine juive du ghetto de Varsovie fera paraître 52 titres qui viendront s’ajouter aux 1’123 titres polonais parus d’octobre 1939 à 1945. Les créateurs de la presse juive « étaient tous engagés politiquement. Ils faisaient partie d’une nouvelle génération de militants, ils étaient jeunes », membres de mouvements de jeunesse, comme Shmuel qui était rédacteur en chef de l’organe principal de l’ha-Shomer haTzaïr. Ces jeunes concentraient donc toutes leurs forces sur l’enseignement, leur presse clandestine et sur l’aide sociale car ils savaient que la faim empêche de penser108.

 

Emmauel Ringelblum était personnellement proche des leaders clés de l’ha-Shomer ha-Tzaïr qui l’invitaient à leurs séminaires. Il nota dans son journal, à la date du 3 novembre 1941, son admiration grandissante pour l’esprit du Mouvement, son idéalisme et « le courage incroyable des membres de l’ha-Shomer. Ils organisent des conférences [qui attiraient plus de 500 membres]… porte un magnifique programme d’éducation et publie un journal d’un très haut niveau »109.

En 1942, Ringelblum intégra Joseph Kaplan et Shmuel Breslaw au comité exécutif de l’Oneg Shabbat parce que ces deux leaders reflétaient bien l’importance grandissante des mouvements de jeunesse dans le ghetto. Comme Israel Gutman et d’autres l’ont fait remarquer, ces jeunes manifestaient une cohésion remarquable et avaient su garder un haut niveau intellectuel et moral, malgré la corruption et la délation inimaginables qui régnaient dans le ghetto de Varsovie. Leurs agents de liaison qui parcouraient le pays furent une source d’informations cruciale pour l’Oneg Shabbat. Ce sont eux qui apportèrent les premiers rapports sur les massacres commis par les Allemands dans les territoires de l’Est110.

 

En janvier 1942, après que les tragiques nouvelles d’exécutions massives dans les autres ghettos furent parvenues à Varsovie, le Mouvement chargea Shmuel d’organiser des cellules de défense composées uniquement de volontaires qui juraient le secret absolu111.

 

Après la « nuit sanglante » du 17 au18 avril 1942, où les Allemands massacrèrent cinquante-deux personnes, soigneusement choisies, afin d’affaiblir les structures clandestines du ghetto112, les jeunes volontaires cessèrent de se réunir, mais la presse clandestine poursuivit son travail. Dans un nouvel hebdomadaire, Terem Aviv, paru le 2 mai 1942, Shmuel appela la

population du ghetto à s’organiser et à se défendre. Il y apportait également des informations sur la propagande allemande à propos de ses victoires sur le front de l’Est et dans une rubrique intitulée « La Chronique de la terreur quotidienne », il décrivait tout ce qui se passait dans le pays et annonçait que le malheur était aux portes de Varsovie113. Il publia également un tract qui fut diffusé dans le ghetto et qui témoigne de toute l’énergie qu’il déployait pour que les Juifs gardent leur dignité et leur honneur :

 

« À tout le peuple juif et à la jeunesse juive !

La terreur, les arrestations, les assassinats collectifs dans les rues de toutes

les villes ne suffiront pas à arrêter le Mouvement révolutionnaire juif. Il ne va

ni s’arrêter ni se briser. Le 1er mai 1942, la population juive s’opposera d’une

manière déterminée à une haine qui monte et qui rampe. Nos actions ne se

briseront pas : Agissons ! »

Ne restez pas passifs, ne restez pas indifférents, ne sombrez pas dans le

désespoir – Agissez ! »114

 

Au moment de la grande déportation de Varsovie, la résistance, bien que très informée sur ce qui se passait ailleurs en Pologne, n’était pas assez organisée pour lutter efficacement. Et quand le ŻOB fut constitué, il ne disposait que de quelques  armes et grenades dérisoires115. Les armes polonaises resteront enfermées dans des cachettes inaccessibles aussi bien à la résistance polonaise qu’à la résistance juive116. Le 3 septembre 1942 fut la journée du désastre pour le ŻOB. L’historien Israël Gutman raconte117 que tout a commencé quelques jours auparavant par l’arrestation d’un groupe de militants du Dror qui fut pris au piège par les Allemands, alors qu’ils étaient en route vers Werbkowice. Ces jeunes transportaient sur eux des documents à l’en-tête de l’Ostdeutsche Bautischlerei Werkstätte/OBW préparés par Josef Kaplan qui travaillait dans un de leurs bureaux dans le ghetto. Ils furent immédiatement exécutés, excepté l’un d’entre eux. Le 3 septembre, Kaplan fut arrêté par les Allemands dans le bureau de l’OBW. Aussitôt, Shmuel se tourna vers les membres des autres partis pour qu’ils fassent tout ce qui était possible pour le sauver. À cette période, il était interdit aux Juifs d’être dans la rue pendant les heures de travail sans autorisation spéciale. Shmuel n’en possédait pas. Alors qu’il se rendait d’un lieu à l’autre pour trouver de l’aide, il fut vite repéré et arrêté par des soldats allemands qui faisaient un tour en voiture dans la rue Gęsia. Alors qu’ils lui demandaient de s’identifier, il sortit un couteau à cran d’arrêt de sa poche et attaqua

un Allemand qui se trouvait dans la voiture. Il fut tué par balles, sur place. Shmuel avait 22 ans. Quand le ŻOB apprit ce qui s’était passé, il s’ensuivit une grande confusion. Les quelques armes à disposition furent déplacées dans une autre cachette par une militante de l’ha-Shomer ha-Tzaïr qui fut à son tour arrêtée par une sentinelle. Les armes tombèrent aux mains des Allemands. Ce fut un coup mortel pour le ŻOB. Le même jour, il avait perdu deux de ses dirigeants et ses armes. Il devra se réorganiser pour mener l’insurrection du ghetto, en avril 1943. Josef Kaplan ne fut pas sauvé par ses amis. Alors qu’il était emmené de la prison Pawiak à l’Umschlagplatz (le point de départ vers Treblinka), il fut poussé dans une entrée de maison par un soldat allemand et tué par balles.

Ringelblum écrivit dans sa Chronique sous la rubrique « Résistance » ce commentaire hâtif : « Le rôle de la jeunesse, les seuls à rester sur le champ de bataille. Les gens avec de l'imagination. Shmuel ne pouvait traverser vivant, la tragédie du ghetto »118.

 

Shmuel Breslaw collabora, dès 1940, à tous les journaux publiés par l’ha-Shomer ha-Tzaïr dans le ghetto : Oyfbroyz (Sursaut) en yiddish, El Al (Vers le haut) en hébreu, Neged haZerem (A contre-courant) en hébreu, Iton haTnua (Le journal du Mouvement) en hébreu, Jutrznia en polonais, Przedwiosnie en polonais, Plomienie en polonais, Zarzewie (Flambeau) en polonais119

 

Dans un texte conservé à l’Institut historique juif de Varsovie, Adolf Berman (1906-1978), un militant sioniste et membre de la résistance polonaise dit qu’il était « un des journalistes les plus remarqués des journaux de la résistance »120.

Des exemplaires de chacun de ces journaux ont été conservés dans les Archives Ringelblum.

À la demande de l’Oneg Shabbat, Shmuel Breslaw a réalisé, pour l’étude que Ringelblum écrira plus tard sur les relations polono-juifs durant la guerre, une interview d’Irena Adamowicz intitulé Les Juifs à travers le regard des Polonais. Elle était une travailleuse sociale à la Municipalité de Varsovie. C’était une personnalité cultivée, éclairée, démocrate, patriote et une fervente catholique. Elle était une amie de l’ha-Shomer ha-Tzaïr avant et pendant la guerre. Irena Adamowicz souligne dans cette interview, le niveau faible de la conscience nationale, religieuse et sociale de la population polonaise et souligne son antisémitisme121.

Dans un autre document : Le gagne-pain de la population juive, Shmuel décrit, sans porter de jugement, comment un commissaire à l’enregistrement de la population s’enrichissait en prélevant de petites taxes sur toutes les démarches administratives obligatoires que devaient accomplir les habitants des immeubles dont il avait la responsabilité122. Shmuel a encore recueilli le témoignage de Monsieur S. Rotschuld, chef de l’unité de désinfection régionale dont le travail consistait à nettoyer les maisons infectées par les épidémies. C’est un document très complet sur le fonctionnement de cette unité et sur tout ce qu’elle voyait dans les maisons juives, dès 1940123.

Pour la série de portraits de personnalités, en forme de destins croisés, Shmuel a interviewé deux jeunes gens de son âge, l’un était un étudiant issu d’une famille aisée, l’autre, un apprenti d’origine modeste124.

 

Notes :

88 L’ha-Shomer ha-Tzaïr (La Jeune Garde) était le mouvement de jeunesse de Poaley Tzion (gauche),

parti sioniste et marxiste. Fondé en 1913 en Galicie, il était d’abord un mouvement de scouts juifs

avant de participer activement au mouvement sioniste qui prônait un retour en Eretz Israel. Parmi

ceux qui se sont embarqués pour la Palestine après la Première Guerre mondiale, on trouvait des

membres de l’ha-Shomer ha-Tzaïr, partis pour fonder des fermes collectives, les kibboutzim. Ces ha-

Loutzim, ces pionniers, ont jeté les bases de l’organisation des kibboutzim de l’ha-Shomer ha-Tzaïr en

Israël : ha-Kibboutz Ha-Artzi.

Halutz Dror (Le pionnier et la liberté) était un mouvement de jeunesse issu du parti du même nom,

sioniste et centriste.

Bneï-Akiva (nom d’un grand Rabbin) est un mouvement de jeunesse sioniste religieux. Créé en 1929

par le parti Mizrahi, il avait pour objectif de former une nouvelle génération capable de subvenir à ses

besoins par le travail tout en restant fidèle à la Thora. Les membres du Bneï-Akiva sont à l'origine de

la création de nombreuses implantations en Israël. Documentation : Documentation :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bne%C3%AF-Akiva

89 GUTMAN Israel, The Jews of Warsaw 1939-1943. Ghetto, Underground, Revolt, p. 236.

90 Eretz Israel : Pays, terre d’Israël. On en trouve les initiales sur les papiers officiels du

Gouvernement de la Palestine britannique (1920-1947). Selon la Déclaration Balfour de 1917, cette

administration s’était vue confier la tâche d’y créer un « foyer national juif », voir le certificat de

naturalisation d’ Yitzhak Cetlin, in Archives Yitzhak Cetlin, Chézard (Voir Annexe 8) et la

documentation :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Déclaration_Balfour_de_1917

91 La documentation centrale de ce chapitre a été trouvée dans SHAMIR Joseph, Shmuel Breslaw :

Struggle and Hope. Warsaw ghetto 1940-1943, traduction de l’hébreu, Daniel Cetlin ; dans BLATMAN

Daniel, En direct du ghetto, la presse clandestine juive dans le ghetto de Varsovie, 1940-1943.

92 Catherine II de Russie avait institué en 1791, une Zone de Résidence pour les Juifs, car les

partages successifs de la Pologne avaient placé une population juive importante sous l’autorité de la

Russie. Après avoir renoncé à intégrer les Juifs à cause de la résistance et de l’antisémitisme de la

population russe, elle a préféré les contenir dans des limites territoriales. Les tsars successifs ont

maintenu cette Zone de Résidence jusqu’en 1917, en y apportant, à diverses reprises, des

dérogations. Documentation : http://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_de_R%C3%A9sidence

93 In SHAMIR Joseph.

94 SHAMIR Joseph, op.cit., p.15-34.

Fima Breslaw (1913-2000) était l’un des fondateurs du Kibboutz d’Amir, un kibboutz Ha-Artzi, dans le

nord d’Israël. Ses enfants et ses petits-enfants vivent encore dans ce qui reste aujourd’hui de ce

kibboutz. Yuzek Breslaw (1904-1969), son autre frère, s’était installé à Toulouse où il avait construit

une fabrique de confection. Dinah (1909-1942), sa soeur, vivait à Varsovie avec leurs parents.

95 Alyah : littéralement « montée ». C’est ainsi qu’on appelle chez les Juifs, l’immigration vers Eretz

Israel. Entre 1882 et 1939, il y a eu cinq grandes vagues d’immigration, conséquences de pogroms ou

de politiques antijuives.

Documentation : http://www.mfa.gov.il/mfafr/mfaarchive/2000_2009/2004/1/aliya%20et%20int...

96 Harchara : Préparation obligatoire pour pouvoir intégrer un kibboutz en Palestine ; elle consistait en

un séjour dans une ferme-école installée dans la campagne polonaise qui préparait à la vie collective

et au travail de la terre. Le mouvement Dror en en avait installé une à Grochow, une vingtaine d’années

avant la guerre, in BLATMAN Daniel, op. cit., p. 326, note 1.

97 Golah : lieu d’exil.

98 Lettre à Fima Breslaw, Palestine, 11 mai 1939, in SHAMIR Joseph, op. cit., p. 147-148.

99 SHAMIR Joseph, op. cit. p. 35-36,

100 Iton ha-Tnua, « Le Début », décembre 1940-janvier 1941, in BLATMAN Daniel, op. cit., p. 99-105.

101 Iton ha-Tnua, « A Vilna », décembre 1940-janvier 1941.

102 SHAMIR Joseph, o.p. cit., p. 45.

103 Lettre à Fima Breslaw, 3 février 1940, in SHAMIR Joseph, op. cit., p. 150.

104 Documentation : The Central Database of Shoah Victims’ Names, à Yad Vashem, Jérusalem.

105 SHAMIR Joseph, op. cit., p. 107-109. Il écrit à Natan Shwalev de Radom le 2.12.1940 et le

13.3.1941.

106 Neged haZerem, « Une colonne pour l’éducation », Eliahou Rozanski, membre de l’ha-Shomer ha-

Tzaïr, février-mars 1941, mai 1941, in BLATMAN Daniel, p. 313-315. Voir aussi à propos le document

transmis par Shaul Ferrero, historien, lors de ma visite en juin 2009 à Yad Vashem à Jérusalem :

KERMISH Joseph, « The Land of Israel in the Life of the Ghetto as reflected in the Illegal Warsaw

Ghetto Press », in Yad Vashem Sudies, no 35, 1963, p. 105-131.

107 Iton ha-Tnua, « Au lendemain de la commission Éducation », auteur anonyme, décembre 1940

108 BLATMAN Daniel, op. cit., p. 15, 17, 18.

109 KASSOW Samuel, Who will write our history ?: Emmanuel Ringelblum, the Warsaw Ghetto and the

Oneg Shabes Archives, p. 164, citant Ringelblum.

110 Ibid., p. 162,164.

111 SHAMIR Joseph, op. cit., p. 113-114.

112 BLATMAN Daniel, op. cit., p. 91

113 SHAMIR Joseph, op. cit., p. 123.

114 Ibid., p. 124.

115 BLATMAN Daniel, op. cit., p. 94.

116 SHAMIR Joseph, op. cit., p. 126.

117 GUTMAN Israel, The Jews of Warsaw 1939-1943, op. cit., p. 243-246 ; GUTMAN Israel,

Resistance. The Warsaw ghetto uprising, p. 156-157.

118 GUTMAN Israel, Resistance. The Warsaw ghetto uprising, p. 158, citant Ringelblum.

119 SHAMIR Joseph, op. cit. p. 74.

120 Ibid., p. 118.

121 Ibid., p. 159-162.

122 Ibid., p. 163-166.

123 Ibid., p. 167-169.

124 Ibid., p. 171-175