Les Archives de Paris avaient alors annoncé avoir choisi de collecter et surtout de numériser les milliers de témoignages d'émotion et de soutien déposés sur les lieux des attaques.
Une recension de Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif
Souvenez-vous… Après les tragiques attentats qui avaient endeuillés Paris, en novembre 2015, nous avions été des milliers à déposer devant le Bataclan, le Carillon, la Bonne Bière, le Petit Cambodge, la Belle Équipe, le Comptoir Voltaire, Casa Nostra, ainsi que place de la République des bouts de papiers, des dessins, des lettres, des petits mots.
En décembre, des employés de la voirie et des particuliers ou d'autres personnes avaient récupéré une partie substantielle de cette documentation. Les Archives de Paris avaient alors annoncé avoir choisi de collecter et surtout de numériser les milliers de témoignages d'émotion et de soutien déposés sur les lieux des attaques, afin d'en garder une trace. L'ouvrage Je suis Paris est né de/avec cette heureuse initiative. Paru le 3 novembre 2016, ce recueil émouvant pour ne pas dire bouleversant de 223 pages compile un millier de ces hommages anonymes.
Blandine Le Cain, pour Le Figaro du 11 novembre 2016 raconte cette aventure. Éditeur aux éditions Michel Lafon, Édouard Boulon-Cluzel a initié ce livre dès qu'il a appris le projet d'archivage. Habitué des Beaux-Livres, il est familier des archivistes et du tri des documents. «La difficulté, c'est que pendant des mois, je n'ai pas su si le livre pourrait voir le jour», raconte-t-il au Figaro. Les hommages, abîmés par les intempéries, devaient d'abord être séchés, traités pour ceux qui avaient moisi, conservés dans du tissu, avant d'être finalement numérisés. Le processus durera plus de huit mois: début septembre, enfin, la numérisation des 7709 documents récoltés est achevée. Soit 9500 images avec les recto-verso. Temps de fabrication oblige, Édouard Boulon-Cluzel ne dispose alors que de trois jours pour sélectionner un millier de documents. «Ce n'était pas plus mal, finalement», sourit-il. «Chaque jour, c'était un coup que je prenais. En me retrouvant face à tous ces hommages, j'avais l'impression d'être face à tous ces témoins anonymes, sans filtre.» Pendant trois jours, l'éditeur fait défiler les 9500 images et sélectionne celles qu'il juge les plus marquantes ou les plus symboliques. «J'ai réagi avec le filtre de ma sensibilité. Donc, évidemment, c'est très subjectif.» Il écarte également les messages redondants: «J'ai vu des dizaines de tours Eiffel et de “Liberté, j'écris ton nom”!» En résulte une sélection mêlant dessins d'enfants, phrases griffonnées sur un post-it, un ticket de métro ou une assiette de carton, poèmes... À l'image des mémoriaux improvisés après le 13 novembre 2015, les messages se suffisent à eux-mêmes. Aucun commentaire n'est ajouté aux reproductions, explique Le Figaro.
Lorsque nous tournons les pages de ce livre, nous voyons toutes ces/les marques de solidarité, de compassion, d'humilité et d’humanité. En lisant les petits mots, nous voyons, comprenons, ressentons que les gens/les passants ont été bouleversés et à quel point, ils l’ont été. Par contre, les mots déposés ne disent pas la haine et la revanche, l’esprit de revanche. Ils n’appellent pas à la guerre. Ils rappellent unanimement l’amitié et la fraternité et disent ou redisent ce que sont nos valeurs, les valeurs de la République et ce qui fait de la France, un merveilleux pays. Ajoutons les nombreux mots dans des langues étrangères déposés par des étrangers, donc. Des messages religieux aussi déposés par des chrétiens, des juifs et des musulmans. Qui disent l'amitié et leur amour de la France, la peine également.
Mais, ce sont les dessins d’enfants qui me touchent le plus. Comment un enfant peut-il comprendre et appréhender de tels évènements dramatiques ? Comment un enfant peut-il l’exprimer ? Comment peut-il témoigner également de sa peine ou de son incompréhension. C’est alors que fleurissent les tours Eiffel, de toutes les couleurs, les oiseaux et les petits enfants dessinés, les maisons, les mamans et les papas.
Comme pour dire… Vous n’aurez pas notre haine.
Je suis Paris, Editions Michel Lafon, novembre 2016.
Les droits d'auteur de ce recueil de contributions anonymes seront reversés à des associations de victimes du terrorisme, dont l'AFvT.