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Ancien chef de l'État de 1974 à 1981, 20ème président de la République française, Valéry Giscard d'Estaing est décédé à l'âge honorable de 94 ans.
Le 19 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing était élu Président de la République à 48 ans. Il était alors devenu le plus jeune président de la République depuis 1848.
« Les orientations qu'il avait données à la France guident encore nos pas. Serviteur de l'État, homme politique de progrès et de liberté, sa mort est un deuil pour la nation française », a déclaré le président Emmanuel Macron. Emmanuel Macron.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) December 3, 2020
Les hommages se sont multipliés pour saluer la mémoire de l'ancien président.
L'Élysée a annoncé que le président de la République s'adressera aux Français au sujet de la disparition de Valéry Giscard d'Estaing à 20 heures, jeudi.
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Publié le 2 décembre dans Le Monde
Elu président à 48 ans, Valéry Giscard d’Estaing, mort mercredi à l’âge de 94 ans des suites du Covid-19, a connu une brillante ascension politique. Il incarne le changement sans rupture et transforme – en peu de temps – la société française durablement.
L’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing est mort mercredi 2 décembre, à l’âge de 94 ans dans sa propriété d’Authon dans le Loir-et-Cher. « Son état de santé s’était dégradé et il est décédé des suites du Covid-19 », a écrit sa famille dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). « Conformément à sa volonté, ses obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité familiale. » Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces derniers mois pour des problèmes cardiaques.
Valéry Giscard d’Estaing est né le 2 février 1926, à Coblence (Allemagne), où son père, Edmond Giscard, est directeur des finances du Haut-Commissariat de France en Rhénanie, région alors occupée par l’armée française. Sa mère, May Bardoux (1901-2003), est la fille du sénateur, puis député du Puy-de-Dôme et membre de l’Institut Jacques-Bardoux, et la petite-fille d’Agénor Bardoux, également député et sénateur du même département, et ministre de l’instruction publique au début de la IIIe République. Jacques Bardoux est également un écrivain prolifique, et reçoit à ce titre le prix de l’Académie française. En 1922, par décret, les Giscard deviennent Giscard d’Estaing, nom d’une autre branche de la famille.
Valéry Giscard d’Estaing fait ses études à l’école Gerson, au lycée Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, puis aux lycées Janson-de-Sailly et Louis-le-Grand, à Paris, pendant l’Occupation. Il obtient son double baccalauréat en philosophie et mathématiques élémentaires en 1942, à 16 ans. Participant ensuite à la Résistance, il s’engage dans la Ire armée française en 1944 et combat en Allemagne et en Autriche. Il est décoré de la Croix de guerre.
De retour en France, il réussit le concours de l’Ecole polytechnique, d’où il sort en 1948. Il intègre la nouvelle Ecole nationale d’administration (ENA) en 1949, en sort en 1952, et entre à l’inspection des finances. Cette année-là, il épouse le 17 décembre Anne-Aymone Sauvage de Brantes, avec laquelle il aura quatre enfants.
Il s’engage bientôt en politique. De juin à décembre 1955, Valéry Giscard d’Estaing, alors âgé de 29 ans, est directeur adjoint au cabinet du président du Conseil, Edgar Faure. Puis, il se présente dans le Puy-de-Dôme, département d’élection de sa famille. Il en sera député de 1956 à 1959.
Il entre ensuite au gouvernement. Après avoir été secrétaire d’Etat aux finances auprès d’Antoine Pinay, de 1959 à 1962 dans le gouvernement de Michel Debré, il devient, à 36 ans, ministre des finances et des affaires économiques de Georges Pompidou, qui a succédé en avril 1962 à Michel Debré. Il occupe ce poste jusqu’en 1966. En 1962, il crée un embryon de force politique, le groupe des Républicains et indépendants. Il continue parallèlement son implantation locale en Auvergne. S’il échoue à la mairie de Clermont-Ferrand, il obtient un mandat de maire dans une commune proche en 1967, Chamalières (Puy-de-Dôme). Ministre brillant, au talent oratoire reconnu, son ambition s’accroît.
Il exprime de plus en plus ses réserves envers le pouvoir gaulliste. Son refus d’appeler à voter « oui » au référendum d’avril 1969 aboutit à l’échec de Charles de Gaulle, qui démissionne aussitôt. Il devient ministre des finances dans les deux gouvernements de la présidence de Georges Pompidou (1969-1974). Il est alors à la tête des Républicains indépendants, qui constituent la deuxième composante de la majorité de droite.
Candidat à l’élection présidentielle de 1974, il défait le gaulliste Jacques Chaban-Delmas et l’emporte au second tour le 19 mai 1974 face à François Mitterrand, candidat de l’Union de la gauche, devenant, à 48 ans, le plus jeune président de la République depuis 1848. Pendant la campagne, il met en place une communication innovante où il présente l’image d’un homme politique jeune et dynamique incarnant le renouveau face à ses rivaux. Lors du débat télévisé de l’entre-deux-tours face à François Mitterrand, il lance une formule qui restera célèbre : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » Il est élu avec 50,81 % des voix.
Prônant une « société libérale avancée », le nouveau président fait notamment voter l’abaissement de la majorité de 21 ans à 18 ans, la dépénalisation de l’avortement, encadrant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), défendue avec force par la ministre de la santé, Simone Veil, l’élargissement du droit de saisine du Conseil constitutionnel et la fin de l’ORTF.
Plusieurs de ses fidèles, dont Michel d’Ornano et Michel Poniatowski, entrent dans un gouvernement ouvert à des personnalités de la société civile, comme Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine. Pour récompenser ceux des gaullistes qui se sont ralliés avant le scrutin, Jacques Chirac est nommé à Matignon. Le couple exécutif aura rapidement des relations difficiles.
Jacques Chirac démissionne le 25 août 1976 et fonde le Rassemblement pour la République (RPR) en décembre. Raymond Barre entre à Matignon et doit faire face, comme son prédécesseur, à la crise économique déclenchée par le premier choc pétrolier de 1973, puis aggravée par le deuxième choc, en 1979. Il échouera à juguler l’inflation et la montée du chômage.
Dans un contexte de tensions politiques et sociales, Valéry Giscard d’Estaing opère un virage sécuritaire. Il promulgue, en février 1981, la loi sécurité et liberté concoctée par Alain Peyrefitte. Et refuse de gracier Christian Ranucci, condamné à mort pour l’enlèvement et le meurtre, le 3 juin 1974, de la petite Marie-Dolorès Rambla, âgée de 8 ans. Il est exécuté le 28 juillet 1976. En matière de sécurité mais aussi d’immigration, il se montre conservateur, ce qui contraste avec son image de libéral dans d’autres domaines.
Sur le plan culturel, il lance les premières Journées du patrimoine, organisées en 1980, prend la décision, en 1977, de transformer la gare parisienne d’Orsay en musée. Le 1er décembre 1986, François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac inaugureront ces nouveaux espaces consacrés aux artistes de la seconde moitié du XIXe siècle.
Sa politique internationale est marquée par le renforcement de la construction européenne. Grâce au soutien du chancelier fédéral allemand, Helmut Schmidt, il est à l’origine de la création du Conseil européen en décembre 1974, ce qui est vu comme le prolongement de l’action gaulliste, qui privilégiait la coopération entre les Etats à l’intégration communautaire. En contrepartie, la France est pressée d’accepter l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, dont les premières élections ont lieu en 1979.
Avec le chancelier Schmidt, Valéry Giscard d’Estaing resserre les liens entre la France et l’Allemagne. Il met l’accent sur le volet économique de la construction européenne. En 1978, deux ans après une nouvelle sortie du franc du Serpent monétaire européen, est lancé, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, le Système monétaire européen. L’ECU, unité de compte européenne, est créé l’année suivante. Ces mesures sont considérées comme les préalables à l’instauration d’une union économique et monétaire en Europe, la future zone euro.
Hormis l’Europe communautaire, il est le premier président français à se rendre en Algérie depuis l’indépendance, en avril 1975. Il implique aussi militairement la France dans la bataille de Kolwezi (Zaïre) en 1978, avec l’envoi de troupes aéroportées du 2e régiment étranger de parachutistes pour libérer les 3 000 Européens pris en otage par des rebelles au gouvernement zaïrois.
Sur un plan plus général, il tente de dépasser les conflits idéologiques et prône une direction mondiale des grands pays industrialisés. C’est sur son initiative que se tient la première réunion des cinq pays les plus industrialisés de la planète (Etats-Unis, Japon, France, Allemagne de l’Ouest, Royaume-Uni), au château de Rambouillet (Yvelines), du 15 au 17 novembre 1975.
Un an avant l’élection présidentielle, il est donné largement réélu par les sondages. Mais la campagne est notamment marquée par l’affaire des diamants, qui éclate en octobre 1979. Le Canard enchaîné, puis Le Monde l’accusent d’avoir reçu, alors qu’il était ministre des finances, des diamants en guise de cadeaux de Jean-Bedel Bokassa, alors président de la République centrafricaine. Son intégrité est mise en doute.
Il arrive néanmoins en tête du premier tour, le 26 avril 1981. Mais il est battu par François Mitterrand le 10 mai 1981. Sa défaite est un choc. « Disons la vérité, je n’avais jamais envisagé ma défaite », confirmera-t-il dans ses Mémoires.
Mais il finit par rebondir. Il est notamment député UDF du Puy-de-Dôme (1984 à 1989) et président du conseil régional d’Auvergne (1986-2004). Elu à la présidence de l’UDF en 1988, parti de centre droit qu’il a fondé alors qu’il était à l’Elysée, il est un des principaux dirigeants de l’opposition à François Mitterrand. Mais s’il envisage de se présenter à nouveau à la présidentielle de 1995, les sondages le dissuadent et il renonce, soutenant Jacques Chirac. Lors des élections municipales de 1995, il échoue de peu dans la conquête de la mairie de Clermont-Ferrand, détenue par la gauche depuis 1935.
Il se désengage alors de la politique nationale. Mais son engagement européen ne se dément pas. Lors des élections européennes de 1989, il conduit la liste d’union UDF-RPR, arrivée en tête. Il entre alors au Parlement européen. Il préside également le Mouvement européen de 1989 à 1997. Il veut favoriser une relance de l’intégration européenne et devient président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, en décembre 2001. Elle a pour but de simplifier les différents traités en rédigeant un projet constitutionnel. Le 29 mai 2003, il reçoit le prix Charlemagne pour avoir « fait progresser le processus d’unification » en Europe, comme Simone Veil qui le reçut en 1981 après avoir été la première présidente du Parlement européen.
Le 15 juillet 2003, Valéry Giscard d’Estaing présente la Constitution européenne, qui est signée par les vingt-cinq membres de l’UE, le 29 octobre 2004. Il prend dès lors une part active, en avril et mai 2005, à la campagne pour le « oui » au référendum à propos du traité constitutionnel européen voulu par Jacques Chirac. Le non l’emporte avec 54,68 % le 29 mai 2005.
Auteur de plusieurs essais et romans, Valéry Giscard d’Estaing est également membre de l’Académie française depuis 2003. Si, depuis le 22 janvier 2017, il est le président de la République française ayant vécu le plus longtemps, dépassant Emile Loubet, il n’est plus, depuis mai 2017, le plus jeune président élu sous la Ve, « battu » par Emmanuel Macron, élu à l’âge de 39 ans.