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Publié le 24 Mai 2017

#Crif - L’alya à Jérusalem ? Entretien mené par Marc Knobel

Marc Knobel interroge Ygal Palmor, Directeur de la Communication à l'Agence Juive et ancien porte parole du Ministère des Affaires étrangères.

Qu'évoque pour vous la réunification de Jérusalem ?

Les sirènes d'alarme qui sonnent sans arrêt, ce jour du 5 juin 1967. J'avais 6 ans, et ces sirènes nous avaient tous précipités dans l'abri du petit immeuble que nous partagions avec 4 autres familles. Cet abri, nous l'avons préparé et équipé des semaines à l'avance: des conteneurs d'eau, des couvertures, des torches électriques, de la nourriture en conserves. Nous sentions la tension monter, avec les menaces répétées de l'Egypte et d'autres. Je me souviens que le nom de de Gaulle revenait fréquemment dans les conversations des adultes, et pas de forme flatteuse. Je ne comprenais pas que la ville que j'habitais, Jérusalem, était divisée par des barbelés en plein centre-ville. Nous n'approchions jamais de ces zones dangereuses. Je ne comprenais pas pourquoi la vieille ville était si lointaine, puisque elle était censée faire partie de la ville ou j'habitais, mais elle n’existait que dans les livres que je lisais, comme si c’était une terre exotique des Mers du Sud. Et puis les sirènes, l'abri, deux jours et deux nuits en compagnie des voisins, serres les uns contre les autres sous terre. Parmi les voisins, certains étaient des rescapés de la Shoah. Mais cela, je ne l'ai appris que plus tard. Des éclats d'obus avaient atteint notre immeuble, mais sans faire de blessés. Finalement on annonce que tout est fini. Je me souviens de l'odeur de l'abri, une odeur de souterrain et de couvertures de laine, je me souviens de la lumière du soleil lorsque nous sommes sortis, je me souviens du soulagement général que je ressentais chez les adultes et que je partageais instinctivement sans le comprendre. Quelques jours plus tard, nous nous rendîmes dans la vieille ville. Tout me paraissait si naturel, si normal. J'aimais bien les ruelles, les commerçants, les vieilles pierres, les curiosités. C'est étrange, mais je ne me sentais pas étranger. J'habite toujours Jérusalem, et sa réunification, je l'ai vécue et je la vis tous les jours.

Quelles sont les caractéristiques de l'alyah à Jérusalem ? Qui s'installe ? Pourquoi ? Où se concentrent les nouveaux olims ?

La plupart des Olim qui choisissent de s'installer à Jérusalem sont Des anglo-saxons et des français traditionalistes ou religieux, des Russes et Ukrainiens laïques, mais aussi des éthiopiens, des argentins, des italiens... Certains habitent temporairement dans les centres d'absorption ou ils apprennent l'Hébreu, la plupart réside dans des quartiers périphériques (Guilo, Ramot, Pisgat Zeev) ou les prix de l'immobilier sont plus abordables, et ceux qui sont plus aises préfèrent des quartiers de la ville occidentale comme Bayit Vagan, Holyland, ou Kiryat Yovel, ou encore la zone de Baqaa et Emek Refaim, privilégiée par les anglo-saxons (beaucoup de communautés Massorti et libérales) et les français. Beaucoup de jeunes également autour des deux campus de l'Université Hébraïque.

Comment entrevoyez-vous l'avenir de Jérusalem ?

L'avenir de Jérusalem doit nécessairement être celui d'une ville unifiée car elle ne peut pas être coupée en deux comme elle l'a été entre 1948 et 1967, pas plus qu'elle ne peut être comme Berlin en temps de guerre froide ou Nicosie, actuellement divisée entre Chypriotes Grecs et Turcs. Ceci dit, plusieurs problèmes sociaux et politiques doivent trouver de solution, car l’égalité entre tous les quartiers n'est pas acquise, que ce soit des quartiers ultra-orthodoxes, arabes, mixtes ou simplement pauvres, la mairie a encore beaucoup a faire. Le mur de sécurité qui sépare certains quartiers arabes n'arrange pas les affaires des services municipaux, et l'entrée en force des ultra-orthodoxes dans des quartiers jusqu'ici laïques rehausse les tensions. Voilà autant de défis qui se présentent au maire de cette ville unique. Mais il faudrait que ledit maire souhaite encore se dédier aux affaires de la ville et non pas se donner un destin national... La source de mon optimisme pour l'avenir de la ville est bien le tramway, construit notamment par une entreprise française. Ce tramway dessert des quartiers très divers, ethniquement et économiquement, et il est par nature un service égalitaire, a disposition de tous. Sans faire de gros discours, ce projet incarne l'es intérêts citoyens de tous les habitants de la ville, d'ou qu'ils viennent et quelle que soit leur parti pris politique. Ce beau train unificateur est un beau symbole d'un avenir apaisé et prometteur !