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Publié le 10 Mars 2003

La réponse de Dominique Vidal appelle de ma part les observations suivantes :

1) Tout d’abord je prends acte – avec une certaine surprise – de la franchise de Dominique Vidal. Le rédacteur en chef adjoint du Monde Diplomatique reconnaît publiquement qu’il se fait un devoir de ne jamais expliquer à ses lecteurs, de manière claire, précise et honnête, quelles sont les thèses et les positions du Likoud sur la question du conflit israélo-palestinien. En quelques mots, Dominique a tout dit et a révélé sa conception stalinienne de l’information. Je l’accorde à Monsieur Vidal, il est beaucoup plus pratique d’instruire le procès d’une personne à qui on a interdit par avance la parole. C’est une technique très efficace.



2) Sur la question de l’antisémitisme, je voudrais tenter 6 preuves à l’appui - d’expliquer à Dominique Vidal le mécanisme de ce qui constitue à mes yeux une ignoble imposture :

Depuis maintenant plusieurs mois, on reproche aux juifs pro-israéliens – et Dominique Vidal se fait le héraut de ces accusations – d’instrumentaliser la question de l’antisémitisme pour tenter de faire taire toute critique à l’égard de la politique d’Israël.
« Vous critiquez Sharon, je vous traite d’antisémite ! », voilà résumé le système de défense ou plutôt d’attaque qu’auraient choisi certains militants de la cause sioniste, parmi les plus extrémistes d’entre eux. Une telle stratégie, j’en conviens, serait particulièrement scandaleuse (et pour tout dire contre-productive).

A l’appui de sa démonstration, D. Vidal me cite un certain nombre de confrères et d’intellectuels qui auraient ainsi été les victimes d’une infâme cabale et dont certains auraient été traînés devant les tribunaux pour répondre de l’accusation d’antisémitisme. Il me cite notamment les cas de Daniel Mermet, Danièle Sallenave, Edgar Morin et Sami Naïr. Une fois plus, il faut en revenir aux faits et examiner le dossier.

a) Daniel Mermet a-t-il été poursuivi pour avoir critiqué la politique d’Ariel Sharon? Non. Trois fois non. Des organisations juives ont porté plainte contre Daniel Mermet pour la diffusion sur l’antenne de France Inter de propos – enregistrés – d’auditeurs s’en prenant explicitement aux juifs dans leur ensemble et non au gouvernement israélien. Que Dominique Vidal juge sur pièce. Voici deux extraits des messages diffusés par Daniel Mermet et qui ont motivés les poursuites :

« Oui, les juifs ont très bien exploité le capital de pitié qu’ils cultivent depuis cinquante ans, maintenant ça suffit ! »

(diffusé sur l’antenne de France Inter le 22 juin 2001)

«Qu’est ce que c’est que ces hypocrites qui manient avec tant de virtuosité le bouclier de l’antisémitisme lorsqu’on veut juste leur rappeler que depuis cinquante ans ils reproduisent à dose homéopathique l’horrible injustice dont ils ont souffert »

(diffusé sur l’antenne de France Inter le 21 juin 2001)

Ce ne sont là que quelques exemples et il y a bien d’autres. Est-ce selon M. Vidal « une critique de la politique de Sharon ? ». Qui instrumentalise l’antisémitisme ? Qui exploite le thème de la Shoah ? Les organisations juives ou Daniel Mermet ? Dominique Vidal peut-il sérieusement soutenir que la diffusion de tels messages sur les ondes du service public, à une heure de grande écoute et à une époque où l’on brûlait les synagogues et l’on attaquait les rabbins dans les rues n’était pas à proprement parler scandaleux ?

b) En juin dernier, Danièle Sallenave, Edgar Morin et Sami Naïr ont publié dans « Le Monde » une très longue tribune « Israël-Palestine : le cancer » critiquant très violemment la politique de Sharon et dont je vous livre quelques passages :

- « On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issus du peuple le plus longtemps persécuté (…) soit capable de se transformer en deux générations en peuple dominateur et sûr de lui et, à l’exception d’un admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier ».

- « Dans les derniers temps de la reconquête de la Cisjordanie, Tsahal s’est livré à des actes de pillages, homicides exécutions où le peuple élu agit comme la race supérieure ».

- « Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les palestiniens. Les juifs qui furent victime d’un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux palestiniens. Les juifs qui furent victimes de l’inhumanité montrent une terrible inhumanité ».

Ces propos constituent-ils la critique légitime de la politique d’un Etat où la mise en cause violente de tout un peuple, le peuple juif en l’occurrence ? Dominique Vidal peut-il sincèrement soutenir que ces écrits – même s’ils ont été publiés dans un journal auquel il est rattaché – ne transpirent pas un antisémitisme inquiétant ? Je laisse au Rédacteur en Chef du Monde Diplomatique le soin de répondre à ces questions et de se regarder ensuite dans une glace.

Clément Weill-Raynal

PS. Sur la question des localités juives de Judée Samarie et Gaza, je persiste et signe. Certes, la quatrième convention de Genève s’applique bien à ces territoires, j’en conviens. Mais rien ne permet d’affirmer que les « colonies juives » constituent une violation de ladite convention. Je maintiens donc que la présence de civils juifs dans ces territoires ne constitue en rien une infraction au droit international et je suis prêt à en débattre publiquement avec Dominique Vidal.