Tribune
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Publié le 23 Février 2015

Parti de gauche et antisémitisme: Mélenchon en pleine dérive?

S'il est tout à fait légitime et salutaire de critiquer la politique du gouvernement israélien, on doit savoir que les mots ont un sens et que l'Histoire a laissé des traces dans les mémoires.

Par Frédéric Haziza, Journaliste à LCP, publié dans le Huffington Post le 23 février 2015
Le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon en vient donc à pousser des cris d'Orfraie quand on ose constater les dégâts que son discours provoquent chez ses militants.
Le PG a ainsi annoncé le 17 février étudier « les conditions de déposer une plainte en contre Dominique Reynié », le directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) , coupable d'avoir considéré ce même jour sur France Inter, « le Front de gauche et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2012 » comme un « foyer d'expression de l'antisémitisme ».
A l'origine de ce constat, une étude déjà ancienne de Fondapol (elle date de novembre 2014) qui constate que
« la société française comprend trois foyers d'expression de l'antisémitisme très forts. Le premier, ce sont les proches du Front national et les électeurs de Marine Le Pen en 2012, qui occupent une espèce de sommet en la matière. Le second groupe, c'est parmi les Français musulmans, où on trouve également une opinion antisémite qui se partage plus facilement. Et puis le troisième groupe ce sont les proches du Front de gauche et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2012, où là aussi on trouve, à un degré moindre et sur des ajustements ou des agencements différents, l'expression d'un antisémitisme fort ».
« Une calomnie » a donc répondu Mélenchon avant de préciser : « Si vous trouvez qu'il n'y a pas assez d'antisémites et qu'il faut en inventer, on est vraiment dans la névrose. Ça va mal tourner : petit à petit, on installe une certaine banalité de l'antisémitisme ». Eric Coquerel le secrétaire national du PG de se sentir même « insulté » par les conclusions de l'étude de Fondapol et l'analyse de Reynié.
Pourtant, Jean-Luc Mélenchon a prononcé des phrases terribles, inacceptables, lourdement connotées le 24 août à Grenoble en clôture du "Remue-méninge" du Parti de Gauche. S'adressant à la communauté juive de France à travers le Crif et donc aux Juifs français, il a osé dire: "La République, c'est le contraire des communautés agressives qui font la leçon au reste du Pays". Qui doit donc se sentir insulté par une personnalité de premier plan qui aspire à devenir Président de la République sinon les Juifs français ?
Que n'aurait-on dit si Marine Le Pen, son père ou l'un des responsables du Front national avait tenu de pareils propos ?
Où sont les défenseurs des valeurs de la République ? Du côté de M. Mélenchon qui a réduit l'été dernier, avant même la tuerie antisémite de l'HyperCacher, avant la profanation antisémite du cimetière de Sarre-Union, que les attaques de synagogues à Paris et à Sarcelles aux cris de "Mort aux Juifs", à "quelques excès" provenant de "quelques énergumènes" ou du côté de ceux qui ne sont-ils pas plutôt comme Manuel Valls considèrent que "l'antisémitisme se répand dans nos quartiers populaires, auprès d'une jeunesse souvent sans repères, sans conscience de l'histoire qui cache sa "haine du Juif" derrière un "antisionisme de façade et derrière la haine de l'État d'Israël et que "la haine du Juif, la haine d'Israël et l'antisionisme sont les moteurs de l'antisémitisme dans notre pays, ce mal en train de ronger notre société ».
Un mal, qui n'en déplaise à Mélenchon et à ses camarades du Parti de gauche, a même transcendé les clivages politiques.
Mélenchon a d'ailleurs ressorti au même rassemblement de Grenoble du 24 août cette vieille antienne : il serait la victime d'un procès en antisémitisme intenté par le Crif à lui comme à tous ceux qui auraient "l'audace de critiquer l'action d'un gouvernement" en l'occurrence du gouvernement israélien. Il n'a pas besoin de claironner : "Je ne suis pas antisémite", qu'il soit rassuré, on veut bien le croire.
Mais un constat s'impose: Monsieur Mélenchon n'en finit pas de surfer sur la vague populiste. Pourquoi avoir désigné comme il l'a fait dans ce discours de Grenoble, un bouc-émissaire. Celui qui dans l'imaginaire de certaines personnes cristallise toutes les haines et toutes les critiques.
S'il est tout à fait légitime et salutaire de critiquer la politique du gouvernement israélien, en France comme d'ailleurs c'est le cas en Israël, Monsieur Mélenchon devrait savoir que les mots ont un sens et que l'Histoire a laissé des traces dans les mémoires… Lire l’intégralité.