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Dix années se sont écoulées depuis la publication du rapport sur «la lutte contre le racisme et l’antisémitisme» rédigé par Jean-Christophe Rufin. Ce rapport avait fait grand bruit. Il était novateur et devait aider à la construction du paratonnerre d’une nouvelle France qui prenait à bras-le-corps l’un des défis majeurs du XXIe siècle.
Le contexte s’est dégradé. Il y a plus que jamais une tension générale de nos sociétés qui s’exprime notamment par une cascade infinie de ressentiments. Pour beaucoup de nos concitoyens la différence de l’autre est ressentie comme une menace et une injustice, reléguant ainsi le vivre ensemble à un concept «has been». La confiance envers l’État et le politique s’est quasiment évaporée. L’«antisystème» est devenu une idéologie, récupérée par de nombreux populistes et extrémistes. Il y a une indifférenciation des mots de plus en plus forte : lorsque tout peut être dit, il n’y a plus rien d’indéfendable.
Dans ce contexte, la situation spécifique de l’antisémitisme est très préoccupante. Certes, les Français dans leur globalité ne sont pas antisémites. Pourtant, depuis dix ans, le nombre d’actes et de menaces antisémites reste dramatiquement élevé. L’année 2014 bat déjà des records avec une augmentation de 91 % des actes antisémites comparativement à la même période en 2013. D’un autre côté, ces actes ont changé de nature : schématiquement, il y a moins de menaces et davantage de violences – c’est même précisément là que réside la spécificité de la France. La France est, avec la Belgique récemment, le seul pays en Europe où des Juifs ont été assassinés parce qu’ils étaient Juifs : rappelons-nous d’Ilan Halimi ou encore des meurtres de Toulouse… Enfin, il y a une multitude de signes, qui touchent des territoires très localisés, mais qui témoignent eux aussi d’une banalisation de l’antisémitisme – y compris chez des jeunes socialement intégrés et au discours structuré… Lire la suite.