Tribune
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Publié le 21 Janvier 2013

Des diverses significations des gangs armés palestiniens dans les Territoires gérés par l'Autorité palestinienne

 

Par Hélène Keller-Lind

 

Des Palestiniens cagoulés, armés, parcourant les rues, tirant en l'air, chantant les louanges de Mahmoud Abbas, mais vilipendant les services de sécurité de l'Autorité palestinienne, devenue « État de Palestine » par décret « présidentiel », on en voit de plus en plus. Qu'en penser ? Que cette Autorité ayant perdu presque tout contrôle ne peut être un réel État. Ou bien, comme certains le soupçonnent, à l'instar de Khaled Abu Tomaeh, ce serait une manipulation de l'Autorité palestinienne voulant inciter ceux qui la financent à activer leurs dons par crainte de voir l'anarchie se développer dans ces Territoires. Ou bien, l'ère des Shahids – martyrs- a-t-elle été réactivée par Abbas ?

 

 

Un Far West palestinien

 

Cela tourne à l'épidémie style Far West. On voit de plus en plus fréquemment des Palestiniens cagoulés et armés déambuler dans les rues de tel ou tel «  camp » - c'est-à-dire village où vit la descendance de réfugiés d'antan -, tirer en l'air, chantant les louanges de Mahmoud Abbas, mais accusant les dirigeants de ses services de sécurité d'être coupables de vouloir les désarmer.

 

Ainsi le 13 janvier c'est « dans le camp de réfugiés  de Jénine » que des manifestants, disant appartenir à la branche armée du Fatah, défilaient, tirant en l'air, déclarant qu'ils exigeaient que la « résistance  soit traitée de manière juste » que leurs prisonniers soient relâchés des geôles palestiniennes et qu'ils rejoignaient en cela « ceux qui luttent dans le camp de Balata à Naplouse et le camp de Duheishe à Bethléem ». Leur propos étant également de « défendre Mahmoud Abbas » http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=556095 dont on ignorait d'ailleurs qu'il serait menacé. À moins que ce soit par des membres du Hamas dont un grand nombre sont arrêtés par l'Autorité palestinienne, restant en prison ou pas, c'est selon. Sans compter les accusations de torture entre frères...[Cela dit le Hamas en fait autant dans la Bande de Gaza... http://www.aljazeera.com/indepth/features/2012/10/20121048103717630.html ]

 

Depuis, les manifestants armés de Balata se sont rendus, selon le gouverneur de Naplouse qui évoque « un accord avec eux ». Accord dont on ne connaît rien. http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=557135 Ce qui est assez suspect...La veille, le 18 janvier, Abbas avait réuni les responsables de la sécurité des Territoires qu'il contrôle et affirmé que « personne n'est au-dessus de la loi, le gouvernement a le monopôle de l'utilisation de la force » et il donnait des instructions « pour maintenir la sécurité » http://www.maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=557096

 

Un État avec des miliciens armés qui se baladent dans les rues ?

 

Qu'ils se soient rendus ou pas, ces hommes détiennent bel et bien des armes, alors que selon les Accords d'Oslo l'Autorité palestinienne aurait dû confisquer toute arme n'appartenant pas à un membre de ses forces de sécurité. De surcroît, quel crédit peut-on faire à une Autorité défiée ainsi ? Et qui vient de se déclarer « État de Palestine » par décret présidentiel dans la foulée de sa reconnaissance par l'ONU comme État membre non observateur. L'Autorité palestinienne qui, clairement, peine à être maître chez elle, répond-elle aux critères définissant un véritable État ? On a peine à le croire...

 

Perte de contrôlé réelle ou manœuvre pour faire rentrer les dons américains et européens ?

 

Le journaliste Khaled Abu Tomaeh, éminent spécialiste des questions palestiniennes, s'interroge à ce sujet dans un article publié par le Gatestone Institute, intitulé « Les gangs armés du Fatah sont de retour » http://www.gatestoneinstitute.org/3542/fatah-armed-gangs. Soit, effectivement, l'Autorité palestinienne est réellement en train de perdre le contrôle, dit-il, soit celle-ci utilise ses hommes armés pour intimider les pays donateurs, notamment les États-Unis et l'UE pour qu'ils reprennent leur aide financière au gouvernement palestinien de Cisjordanie ».

 

Ce qui semble marcher pour l'heure, en ce qui concerne l'UE tout au moins, Catherine Ashton venant d'annoncer un versement de 100 millions d'€ à Mahmoud Abbas... http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=34492

 

Mais quelles que soient les raisons expliquant ces manifestations de force dans les rues palestiniennes gérées par Mahmoud Abbas,  Khaled Abu Tomaeh  se montre inquiet, car, dit-il, « la réapparition soudaine d'hommes armés masqués, dont on pense qu'ils sont membres de la branche militaire du Fatah, les Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa, pourrait mener à un renouveau des violences entre Israël et les Palestiniens ». Il estime donc qu'Américains et Européens ayant entraîné et finançant les forces de sécurité palestiniennes devraient taper du poing sur la table et exiger que cessent ces manifestations de rue...

 

Incitation au « martyre » ?

 

Il y a peut-être une autre raison. On sait, en effet, que le mot « Martyr » est un mot magique pour les Palestiniens. Or, le 4 janvier dans son discours prononcé à l'occasion de l'anniversaire du Fatah, ou plutôt du « jour du lancement » - de la campagne terroriste contre Israël -  Mahmoud Abbas prononçait le mot « martyr » un nombre incalculable de fois, rendant hommage à un terroriste mort en commettant un attentat après l'autre...Message on ne peut plus clair qui a de quoi réactiver les envies de Paradis avec vierges incluses de jeunes gens exaltés...D'autant qu'il rendait hommage aux martyrs appartenant à toutes les factions http://www.memritv.org/clip/en/3706.htm . L'unité tant espérée par la mort en bombe humaine...Il y a de quoi frémir, certes, mais pas dans le contexte palestinien.

 

Mahmoud Abbas s'exprimait sur fond de Dôme du Rocher, sur le Mont du Temple, Esplanade des mosquées pour le monde arabo-musulman, signe de ralliement par excellence pour ce monde. Le premier « martyr bienheureux » nommé était Abu Amar, nom de guerre de Yasser Arafat qui n'est pourtant pas mort au combat ou en commettant un attentat. Mais au diable la vérité...nombre de Palestiniens croient d'ailleurs à un assassinat de leur chef bienaimé par Israël...Alors, « martyr » dans ce cas...

 

Mahmoud Abbas a-t-il voulu lancer ici un message à peine subliminal ? Reçu 5 sur 5 par des militants instrumentalisés sans le moindre scrupule? Et qui cherchent à en découdre ? Espérant la mort au « combat » ? Les semaines à venir le diront.