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Par Jacques Tarnero, essayiste
On peut regretter l’allure que prend le réel, on ne le transforme pas en niant sa réalité. Roger Cukierman aurait-il dû ne pas dire que les actes antijuifs étaient le fait de « jeunes Musulmans » ? Cette vérité factuelle aurait-elle dû être dite différemment, « des jeunes français nés de parents issus de l’immigration arabo-africaine musulmane » ou bien « un black et deux beurs » ? Quelle était la meilleure formulation ? La vérité est cruelle, mais les crimes commis le sont davantage encore. C’est bien pour « venger le prophète » et aux cris de « Allah Akbar » qu’ils ont tiré sur ceux de Charlie et les clients juifs de l’hyper casher. Dans ce cancer qui touche nos sociétés, les métastases ont une origine précise, elles diffusent à partir d’une source commune : c’est au nom de l’islam, au nom du Coran, au nom de Mahomet que des crimes de masse sont commis et c’est la formule principielle de l’islam qui est écrite sur le drapeau de l’Daesh. Le nommer Daesh ne changera rien à l’identité qu’il revendique. Cet islam est-il devenu fou ? Ses zélateurs ont-ils détourné le message « d’amour et de paix » que certains attribuent à cette religion ? Il appartient à ceux et celles qui s’en réclament d’assumer cette réalité et d’y faire le tri. Le chef de l’Etat égyptien, le maréchal Sissi, Musulman pieux, mais pas saint homme pour autant, a exhorté les sages et les savants Musulmans de l’Université Al Hazar du Caire, le cœur théologique de l’islam sunnite, à réformer les prescriptions tirées du texte coranique sans quoi les Musulmans prenaient le risque de « sortir de l’histoire ».
Tel est bien l’enjeu actuel : ou bien le monde né de l’islam enferme son avenir dans un retour obscurantiste au moyen âge, ou bien il réforme la lecture de ses textes constitutifs. Ou bien il s’ouvre au monde ou bien il s’extrait du monde. Ou bien il partage la terre avec le reste de l’humanité ou bien il estime ne pouvoir vivre sur cette terre qu’au prix de la disparition de l’autre, des autres. C’est hélas cette vision du monde que partagent ceux qui massacrent les Coptes d’Egypte, les yézidis de Syrie, les Chrétiens d’Irak, les bahaïs d’Iran et les Juifs. « Nous autres Arabes ne pouvons être que si l’autre n’est pas » déclarait Ahmed Ben Bella, l’ancien premier Président de la République algérienne dans une interview accordée à la revue Politique Internationale (été 1982) En proposant d’utiliser l’arme nucléaire contre Israël, Ben Bella anticipait la vision apocalyptique qui est celle de l’islamisme jihadiste. Aujourd’hui débarrassée de ses oripeaux tiersmondistes, la haine des Juifs s’est rabattue sur sa seule dimension religieuse tout en s’élargissant au rejet de tout ce qui n’est pas musulman : c’est-à-dire les « croisés » et les « mécréants ». Ce spectre du Califat propose d’entrer dans l’avenir à reculons.
Loin d’agresser les Musulmans, la déclaration du Président du CRIF, disait aussi une vérité qui pour être partielle n’en était pas moins réelle. En ce sens il a bien plutôt rendu service à ceux qui ne veulent pas laisser l’islam aux mains de ses fossoyeurs.