Tribune
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Publié le 12 Décembre 2014

Antisémitisme France 2014

Par Roger Pol-Droit, publié dans les Echos le 12 décembre 2014

Coups et menaces. Viol, récemment à Créteil. Meurtres à Toulouse. Injures, la plupart du temps. La liste est longue. Les agressions envers des Juifs explosent en France : en 2014, les actes antisémites ont augmenté de 91 %. On oublie trop souvent que la moitié des actes classés « racistes » sont dirigés contre des Juifs, alors que ceux-ci représentent moins de 1 % de la population. Dans ces circonstances, on comprend que le Ministre de l'Intérieur vienne de proclamer « cause nationale » la lutte « contre le racisme et l'antisémitisme ». C'est nécessaire et louable. Difficile de critiquer cette volonté de combattre « un mal qui ronge la République ». Pourtant, pareil amalgame de toutes les haines est aussi un leurre, pour ne pas dire un piège.

Certes, il existe des traits communs à tous les mépris de l'autre, et donc des attitudes d'ensemble à défaire. Toutefois, les grands rassemblements généraux - sous l'étiquette « racisme », « exclusion », « x-phobie »… - ont un grand inconvénient : estomper les contours exacts de chaque haine, occulter du coup sa spécificité. En amalgamant l'antisémitisme français d'aujourd'hui à tous les racismes en général, ou même aux antisémitismes du passé, on s'empêche de discerner exactement en quoi il consiste. On risque alors de ne tenir que des propos incantatoires, de ne prendre que des mesures inefficaces. Mais, pour y voir plus clair, les études portant spécifiquement sur chaque forme de haine sont finalement rares.

C'est pourquoi il convient de regarder de près l'étude détaillée sur « L'antisémitisme dans l'opinion publique française » que vient de publier, sous la direction de Dominique Reynié, la Fondation pour l'innovation politique (1). Deux enquêtes d'opinion, confiées à l'IFOP, y mettent notamment en lumière comment se répartissent, dans la population, les adhésions à six « indicateurs d'antisémitisme ». Il s'agit de jugements du type « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de… » (des items distinguent la finance, les médias, la politique), mais aussi de thèses ubuesques (« il existe un complot sioniste à l'échelle mondiale » ou encore « les Juifs sont responsables de la crise économique actuelle »)… Lire la suite