Tribune
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Publié le 26 Décembre 2014

Algérie : une fatwa contre un écrivain

Par Djemila Benhabib, écrivaine et militante politique québécoise, publié sur sympatico.ca le 19 décembre 2014

L’écrivain et chroniqueur Kamel Daoud est, depuis mardi 23 décembre 2014, la cible d’un appel au meurtre émanant d’un imam salafiste, Abdelfatah Hamadache, relayé par la chaine de télévision islamiste, Al-Chourouk. Sur sa page Facebook, l’imam en remet une couche dans une diarrhée verbale recyclée à outrance. Il reproche à l’écrivain qui scintille comme une étoile dans ce furieux chaos algérien d’être un «apostat», un «mécréant», un «sionisé», un «ennemi de l’Islam» et appelle «le régime algérien à le punir comme il se doit, en le condamnant à mort».

En Algérie, cette vulgate brutale sortant des crachats des haut-parleurs des mosquées est fort connue. Peut-être même est-elle devenue trop banale à nos yeux?

Rappelons-nous des appels au meurtre et des listes de « mécréants » portant le sceau de différentes organisations islamistes qui étaient ouvertement affichées dans les mosquées au début des années 90.

« Tuez-les, au nom d’Allah ! », ordonnaient-ils à leurs zouaves.

Ces bricolages pestiférés étaient monnaie courante!  L’histoire est ainsi faite, il faut reconnaître que la bêtise prend souvent des proportions inouïes.

L’État, un vulgaire sous-traitant de la violence islamiste

Or, cette fois-ci, cet obscur individu, Hamadache, a franchi le rubicond en demandant à l’État algérien de sévir contre un citoyen qui n’a commis aucune faute sinon celle d’exercer sa liberté de pensée et de création. Voilà, l’élément nouveau, s’il y en a un, qui en dit long sur l’état de délinquance du régime algérien ainsi que sur les nouvelles stratégies et les moyens colossaux dont disposent les islamistes puisqu’ils sont, en effet, les seuls à posséder des médias lourds.

La vérité, c’est qu’en Algérie, les islamistes n’ont plus besoin d’être au pouvoir pour dicter leur loi. Il leur suffit de faire du pied au régime pour que ce dernier se mette au pas.

Il y a donc dans ce duel davantage de protagonistes qu’il n’y parait. Bien entendu, l’écrivain et l’imam sont au cœur de l’affaire. Cependant cet antagonisme n’a rien de nouveau. Dans les circonstances actuelles, ce qui inquiète le plus, c’est le rôle que joue  l’État qui a perdu son statut de protecteur de l’ensemble des citoyens et est devenu par la force des choses un sous-traitant de la violence islamiste. Voilà où nous en sommes.

Dans cet exercice diabolique du pouvoir, le Président algérien, Bouteflika, se targue d’avoir le soutien des États-Unis et de la France tout comme l’avaient les anciens dictateurs tunisien Ben Ali et égyptien Moubarak. Ô Bouteflika, lui aussi, finira certainement par tomber un jour. Et l’histoire retiendra que la France et les États-Unis l’ont porté à bout de bras… Lire la suite.