Tribune
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Publié le 2 Mars 2005

La force de Florence Aubenas

Depuis 56 jours, nous attendions et redoutions de savoir ce qu’était devenu Florence Aubenas, reporter de Libération, qui avait mystérieusement disparu en Irak. Nous savions ou pensions juste qu’elle avait été kidnappée par un quelconque groupuscule aux revendications obscures. Nous pensions également à son guide – interprète Hussein Hanoun al-Saadi, qui avait disparu au même moment, et dont nous sommes encore aujourd’hui sans la moindre nouvelle.



Et puis ce mardi 1er mars au matin une cassette vidéo montrant Florence Aubenas a été déposée par un coursier au bureau de l’agence de presse britannique Reuters, à Bagdad. Dans cette vidéo non datée, Florence apparaît très éprouvée, les traits sont particulièrement tirés, le visage est éteint, grave, triste et angoissé. Les cheveux sont défaits, le vêtement est sale. La vidéo dure moins d’une minute et s’achève par un zoom sur son visage. Regardant droit la caméra, les jambes relevées sur sa poitrine, elle est assise devant une toile de fond rouge foncée. Elle implore de l’aide et son appel au secours est poignant, terrible.

Alors nous nous souvenons d’autres visages, d’autres otages implorant d’Irak notre aide. Ils étaient tout aussi terrifiés que peut l’être Florence Aubenas. Mais, certains d’entre eux n’eurent pas eu le temps d’espérer, parce que leur gorge fut tranchée, comme on trancherait l’espoir, comme on détruirait l’Humanité.

Alors en ce jour d’infinie tristesse nous pensons à Florence. Nous espérons et guettons une liberté prochaine. Florence est un peu de ce grand courage, Florence est un peu de cette forte lumière que l’on veut détruire, que l’on veut salir, que l’on veut anéantir.

Florence c’est tout cela à la fois, tout comme sa consoeur du Manifesto, Gulian Sgrena, qui est aussi entre les mains de quelques bourreaux.

Florence parle et l’on espère. Mais que les bourreaux sachent qu’ils ne gagneront pas, qu’ils ne gagneront rien, qu’ils sont en dehors de l’Humanité, de toutes petites « choses » misérables, des bourreaux de rien du tout…

Marc Knobel