Tribune
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Publié le 24 Juillet 2006

L’Iran allume les braises et joue avec le feu

Le 12 juillet 2006, le quotidien conservateur iranien Jomhouri-ye Eslami, a publié le discours que Nassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, avait prononcé le 23 mai lors d'une conférence sur « la culture de la résistance » au Liban. Dans ce discours, Nasrallah menaçait Israël : « Tout Israël se trouve actuellement à portée de nos missiles. Ses villes portuaires, ses bases (militaires), ses industries et tout le reste se trouvent à portée de tir. » Nasrallah insistait également sur le fait que « plus de deux millions de Juifs vivent dans le nord (d’Israël) qui comprend des centres de divertissement et des stations (touristiques), des industries, des (régions) agricoles et d'importants aéroports et bases militaires. C'est pour nous un avantage (…) Notre présence au Sud Liban, à proximité de la Palestine occupée, est notre plus grand avantage », déclarait Nasrallah. Finalement, dans la matinée du 12 juillet, l'artillerie lourde du Hezbollah a entrepris de pilonner les paisibles localités frontalières faisant des morts et des blessés civils. Le 12 juillet, vingt israéliens ont été blessés par des roquettes Katioucha tirées depuis le Liban, sur la ville israélienne de Safed. Des tirs de roquettes ont également tué une femme à Nahariya et blessé plusieurs dizaines d'autres personnes dans des villages de Haute Galilée. Une patrouille israélienne est tombée dans une embuscade, huit soldats ont été tués et deux d'entre eux ont été capturés du coté israélien. Cette offensive meurtrière est bel et bien un acte de guerre. Dans ces circonstances, Israël n’a pas eu d’autre alternative que de se défendre et de défendre ses citoyens. Les actions d’Israël ne résultent pas seulement de l’attaque injustifiée contre Israël, ni de l’enlèvement des deux soldats. L’opération militaire menée par Israël pour se défendre est également dirigée contre la menace concrète et tangible que fait peser le Hezbollah sur plus d’un million de civils dans tout le nord d’Israël.


Mais comment peut-on interpréter l’acte de guerre qui a été perpétré par le Hezbollah ? Le Hezbollah agit-il de sa propre initiative ou bien est-il commandité par l’Iran et la Syrie ? Dans son éditorial du 13 juillet 2006, le quotidien libanais Al-Mustaqbal -qui est bien informé- donne cette réponse : « L'Iran, (actuellement) engagé dans des négociations difficiles avec l'Occident, et en particulier avec Washington, sur son dossier nucléaire, peut se servir de cette opération comme d'un de ces « messages » transmis quotidiennement à l'Occident, et en particulier à Washington – pour faire comprendre qu'il tient la région par les veines et la contrôle de force. La Syrie (…) peut aussi se servir de cette opération (…) pour exercer des pressions sur Washington afin de lui faire faire des concessions au sujet du (problème) libanais, et en particulier de l'enquête sur le meurtre de l'ancien Premier ministre (libanais) Rafiq Al-Hariri » De nombreuses sources et de récentes déclarations permettent de conforter pleinement cette thèse. Je citerai donc quelques exemples qui sont tout à fait symptomatiques. Le 4 mai 2006, le cheikh Subhi Al-Tufeili, fondateur et ancien secrétaire général du Hezbollah (libanais), avait déclaré sur la chaîne de télévision Al-Arabiya : « Le Hezbollah est engagé par la politique iranienne (…) J'ai déjà dit que les chiites au Liban servent de « terrain de jeu » à l'Iran (…) Le Hezbollah encourage les relations avec les Syriens, mais il est en vérité dirigé par la jurisprudence, c'est-à-dire par le Guide suprême iranien Ali Khamenei. » Par ailleurs, le 11 mai, l’hebdomadaire saoudien diffusé à Londres, Al-Sharq Al-Awsat, rapportait les propos d’un haut responsable iranien qui a tenu une réunion en comité restreint avec un petit groupe de diplomates occidentaux à Londres. Ce haut responsable iranien a souligné l'importance du Hezbollah pour l'Iran : « Le Hezbollah est l'un des piliers de notre stratégie sécuritaire, et représente la première ligne de défense iranienne contre Israël. Nous refusons (l'idée) selon laquelle il doit être désarmé. »
Finalement et en plusieurs jours, plus de 1500 roquettes de tous calibres se sont abattues sur les villes du nord de l'Etat hébreu en forçant un million et demi d'Israéliens à dormir dans les miklatim (abris). Il est vrai que le Hezbollah dispose d’un arsenal conséquent d’armes syriennes et iraniennes : près de 12.000 roquettes et missiles. Certains, comme les Shahine et Zelzal iraniens, peuvent couvrir jusqu'à 145 et 200 kilomètres, mettant Tel-Aviv dans la ligne de mire du Hezbollah. Le 14 juillet, le Hezbollah a également tiré un C-802, de 110 kilomètres de portée, mis au point par l'Iran à partir d'une technologie chinoise. Ce C-802 a atteint un destroyer israélien, au large de Beyrouth.
Lors du sommet du G8, Jacques Chirac a souligné avec justesse qu’il est « indispensable d'appliquer la résolution 1559 » du Conseil de sécurité de l'Onu, qui appelle notamment au désarmement de la milice chiite pro-iranienne du Hezbollah. Et, pour cela, « il faut arrêter toutes les forces qui mettent en cause, qui mettent en danger la sécurité, la stabilité et la souveraineté du Liban » a ajouté le président de la République. Cela implique « le désarmement de toutes les milices » libanaises et la restauration de « l'autorité du gouvernement démocratique libanais sur l'ensemble de son territoire (...) dans les délais les plus brefs », a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. Le président français a également mis en garde « ceux qui sont tenté de soutenir les forces de déstabilisation » au Liban sur « les risques qu'ils prennent ».

En tout cas, ce nouveau conflit révèle au grand jour les manigances ourdies par deux pays (l’Iran et la Syrie). En Iran, la dictature sanglante des mollahs et le régime despotique de Bachar el-Assad veulent déstabiliser toute la région. Le Hamas et le Hezbollah sont les satellites des Iraniens et des Syriens. Pour pouvoir asseoir sa soif de puissance, détenir l’arme nucléaire et importer la révolution islamiste, l’Iran allume les braises et joue avec le feu. Dans une rhétorique guerrière et vengeresse, L’Iran prône la destruction de l’Etat d’Israël. Quant à la Syrie, vexée de ne plus asservir son vassal libanais, elle rêverait que le Hezbollah entraîne le Liban dans un abîme sans nom. Ces deux pays et leurs satellites menacent gravement la stabilité de la région.

Marc Knobel