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A l’occasion du quatrième « anniversaire » du déclenchement de cette seconde Intifada, plusieurs bilans des victimes israéliennes et palestiniennes ont été dressés et publiés dans la presse internationale. 4.346 personnes ont été tuées depuis le début de l'Intifada, dont 3.327 Palestiniens et 948 Israéliens, selon un décompte établi par l'AFP. Par contre, selon le Dr Moustafa Barghouti, directeur de l'Institut palestinien de la santé 3 334 Palestiniens (82 % de civils) ont été tués. De son côté, le Chabak, le service israélien de renseignements intérieurs, recense 1 017 Israéliens tués (70 % de civils). Sans compter les milliers de blessés des deux côtés. En l’état, ce bilan est humainement (et économiquement) désastreux pour les deux sociétés (palestiniennes et israéliennes). Et personne ne doit se réjouir qu’il y ait tant de morts et de blessés (qu’ils fussent bien évidemment israéliens et palestiniens). Le constat que l’on peut dresser est d’ailleurs amer et sévère. Cette seconde Intifada est un véritable désastre.
Ceci étant, le conflit israélo-palestinien occulte d’autres conflits. Nous mentionnerons par exemple la crise du Darfour au Soudan qui affecte pourtant quelque 1,4 million de personnes chassées de leurs foyers par les djandjawids, alors que la guerre civile qui sévit dans la région depuis février 2003 a fait entre 30 000 et 50 000 morts, selon l'ONU.
On peut également s’interroger et considérer qu’il y a comme une étrangeté à présenter quotidiennement et méthodiquement un bilan des victimes (israéliennes et palestiniennes), alors qu’aucune autre comptabilité morbide n’est tenue pour parler des victimes d’autres conflits, guerres fratricides, guerres coloniales qui ne disent pas leur nom, tentatives d’ethnocides ou génocides avérés. Si le souci d’informer est légitime, pourquoi n’est-il donc pas systématique ?
Et puisque nous condamnons la violence qu’engendre la seconde Intifada et que nous comptabilisons les victimes, nous voulons rappeler et comparer ce bilan à un autre bilan, celui des victimes de la guerre d’Algérie (du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962). Nous savons que ce rappel est certes délicat parce que l’on ne peut comparer les conflits (et les deux conflits sont différents) et que toute comparaison peut se révéler aussi historiquement fausse, qu’illusoire et inutile. Pourtant et avec toutes les prudences d’usage, ce simple rappel devrait permettre de situer ce qu’il en est (hélas) de cette seconde Intifada, de ce qu’il en fut il y a quelques décennies (hélas toujours) de la guerre d’Algérie : un conflit trop largement occulté, encore aujourd’hui.
Bilan des victimes de la guerre d’Algérie
Des études récentes (1) estiment que le nombre des victimes de l’armée française, du FLN et de l’OAS, musulmans et Européens confondus, entre 1954 et 1962 s’élève entre 200.000 et 300.000 morts (entre 250 000 à 300 000 selon Xavier Yacono (dans une étude réalisée en 1983) ou entre 200 000 et 250 000 selon Charles-Robert Ageron). Dans un article récent du Nouvel Observateur (28 février 2002), Jean-Paul Mari évalue à 250 000 Algériens et à 30 000 Français le nombre des morts de cette guerre meurtrière et cruelle.
- Les pertes militaires françaises - Français de métropole et d'Algérie, « Français musulmans », légionnaires - sont les mieux connues : 27 500 militaires tués et un millier de disparus.
- Pour les civils français d'Algérie, 1e nombre est de 2 788 tués et 875 disparus jusqu'au cessez-le-feu. Il faut y ajouter 2 273 disparus entre le 19 mars - date de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu et le 31 décembre 1962, dont plus de la moitié sont officiellement décédés.
Les pertes de la population algérienne
- Elles sont très difficiles à évaluer, car les sources sont divergentes. Le général de Gaulle parlait de 145 000 victimes en novembre 1959, et de 200 000 en novembre 1960. Du côté algérien, le FLN compte en 1964 « plus d'un million de martyrs ».
- Des historiens se sont penchés sur la question : Guy Pervillé s'est appuyé sur des données démographiques - notamment les recensements de 1954 et 1966 - pour conclure à une fourchette de 300 000 à 400 000 victimes.
- Enfin, le chiffre le plus difficile à établir est celui des supplétifs musulmans - les « harkis » - après le cessez-le-feu ; pour eux, les estimations varient entre 30 000 et 100 000 personnes.
- Pour être complet, il faudrait ajouter à ce bilan quelques milliers de tués - au Maroc et en Tunisie, dans les conflits frontaliers (Sakhiet), en France, du fait des différents terrorismes (OAS, FLN), des règlements de compte, de la répression policière (Charonne ou le 17 octobre 1961), et de l'exécution des condamnés à mort.
Cependant, seul le comptage direct des victimes peut approcher au plus près de leur nombre réel. Ainsi, selon les autorités françaises, du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962 :
Les pertes des « forces de l’ordre » se sont élevées à 24 614 morts : (15 583 tués au combat ou par attentat, 7 917 morts par accident, 1 114 par maladie ou suicide), parmi lesquels environ 4 500 musulmans) :
- 64985 blessés (35 615 par combat ou attentat, 29 370 par accident).
- 450 prisonniers non rendus.
Les victimes civiles du terrorisme du FLN seraient au nombre de 19166 morts (2788 Européens et 16 378 musulmans).
- 21 151 blessés (7 541 et 13 610) et 14 171 disparus (875 et 13 296).
Les pertes des « rebelles » tués dans des opérations militaires ou policières seraient de 141 000 (soit environ dix fois plus que les pertes militaires françaises au combat).
Quant à la guerre civile entre le FLN et le MNA, elle aurait fait 6 000 tués et 14 000 blessés en Algérie, 4 055 tués et près de 9 000 blessés en France.
Marc Knobel
Note :
1) Bilan des victimes rappelé par le magazine L’Histoire, n°181, octobre 1994, p. 60.